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Séance de questions / réponses – Premier panel

Questions & answer

Séance de questions / réponses – Premier panel

Question 1 Que peuvent faire les BRICS pour rétablir la confiance entre les gouvernements et les peuples ?
Question 2 Comment faire pour que toutes les populations du monde aient accès aux services de base tels que la santé et l’éducation ?
Question 3 Face au danger de guerre mondiale, les BRICS ont-ils l’intention de se doter d’une défense commune ?
Le capitalisme de Friedman et Thatcher a-t-il réussi là où la social-démocratie a échoué ?
Les états terroristes sont-ils les USA et Israël, comme l’affirme Noam Chomsky ?
Avec les moyens que nous avons aujourd’hui, comment se fait-il que les conditions de travail soient de plus
en plus dures ?
Question 4 La Russie va-t-elle continuer à être fidèle à ses alliés au Moyen-Orient ?
Question 5 La Pologne peut-elle faire partie des BRICS ?
L’entreprise TOTAL était-elle sur le point de construire
une voiture à air comprimé en Inde, au moment de la mort de son président l’année dernière ?

Talal Moualla: Le repositionnement de la variable culturelle — vers une approche culturelle moderne

J’avais passé un quart de siècle en dehors de la Syrie, mais j’y suis retourné lors de l’éclatement de la guerre. La guerre a commencé de manière simple, mais elle est devenue de plus en plus compliquée, et plus elle était compliquée, plus j’avais la conviction que je devais rester pour faire quelque chose…


Introduction musicale – Deuxième panel


La vidéo « Alep, ville éternelle », ou le projet Phénix pour reconstruire la Syrie

La cité est aussi vieille que l’éternité. Toujours jeune, elle n’a jamais cessé d’exister. Ces jours et ses nuits ont été longs; elle a survécu à ceux qui l’ont gouvernée et habitée. Il y a ses maisons et ses résidences, mais où sont passés leurs résidents d’antan et les gens qui les fréquentaient ?…


Denys Pluvinage – Construire un monde multipolaire, une approche culturelle

Denys Pluvinage

Conseiller au Dialogue franco-russe, Paris.


J’ai longtemps été handicapé par un impérieux besoin de trouver des réponses à toutes les questions que m’amenait la vie. Mais trente ans de carrière dans six pays différents, au milieu d’individus issus d’autant de cultures différentes de la mienne, m’ont peu à peu appris que quand on ne trouvait pas les réponses, il fallait simplement apprendre à vivre avec les questions. Que ces réponses viendraient en leur temps, mais surtout qu’il était vain de chercher à imposer nos propres réponses à quiconque.

Il est cependant des principes généraux qui doivent nous guider pour rendre notre action légitime et efficace. C’est à l’intérieur de ces principes généraux que nous pouvons construire quelque chose sans avoir besoin de réponses à toutes les questions.

Le grand problème du moment, celui qui agite les esprits, inquiète les dirigeants et a déjà provoqué tellement de violence et de destructions est celui de l’ordre mondial. Cette question est nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Autrefois, un souverain faisait la guerre à ses voisins pour étendre son pouvoir, se procurer de nouvelles richesses, mais ses moyens techniques l’empêchaient de rêver à une extension sans limites. L’ampleur des aspirations a évolué en fonction des moyens comme, par exemple, la construction navale, qui a permis à l’Angleterre de construire un empire colonial extrêmement étendu.

Aujourd’hui, les moyens techniques à la disposition des plus grands Etats leur permettent de rêver à une hégémonie sans limites.

L’organisation bipolaire qui a prévalu de la fin de la Deuxième Guerre mondiale à la chute de l’URSS, a donné au monde un certain équilibre. On pense d’abord, évidemment, à l’équilibre de la terreur, mais cela allait beaucoup plus loin. Chaque pôle était un frein aux aspirations hégémoniques de l’autre non seulement dans le domaine militaire, mais aussi dans le domaine des idées et des politiques, car chacun représentait une alternative au moins théorique aux politiques de l’autre. Dans chaque pays, le citoyen avait, sinon un choix, au moins un point de référence. Au niveau des nations, il y avait effectivement un choix, car chacun des deux blocs était prêt à récompenser d’une manière ou d’une autre les pays qui rejoignaient leur camp. Les deux puissances étaient donc limitées dans leurs options.

La disparition de l’URSS a fait disparaître cet équilibre, et c’est comme cela, d’ailleurs, qu’il faut analyser la remarque de Vladimir Poutine sur la « catastrophe géopolitique » que représentait, selon lui, la disparition de l’URSS. La Fédération de Russie a été pendant près de quinze ans un Etat faible à la fois économiquement et politiquement. Dès 1992, les Etats-Unis ont commencé à la considérer comme l’Allemagne ou le Japon de la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Russie pouvait décider de sa politique intérieure dans une certaine mesure, elle était autorisée à jouer un rôle dans les affaires internationales, mais comme un participant mineur soucieux des intérêts américains. Forts de ce qu’ils considéraient comme une victoire dans la Guerre froide, les Américains ont commencé à construire un monde unipolaire.

Le mouvement s’est accéléré après septembre 2001 quand ils ont endossé le costume de gendarme du monde avec les conséquences que l’on connaît, « Patriot Act », invasions, bombardements de civils, enlèvement et torture de suspects, révolutions de couleurs, frappes ciblées de drones avec leurs dommages collatéraux, etc. En cela, d’ailleurs, ils confirmaient une première victoire du terrorisme qui a réussi, avec leur aide, à transformer pour le pire notre mode de vie.
Aujourd’hui, cette situation est mise en cause par la Russie, associée, au sein de diverses organisations internationales, à des pays représentant la moitié de la population du monde. Que l’on ne s’y trompe pas, c’est cela l’enjeu de la crise actuelle. Personne ne peut plus faire marche arrière dans cet affrontement dont les enjeux principaux ne sont pas l’Ukraine et le Donbass, mais l’organisation du monde (unipolaire ou multipolaire). Soit la coalition Etats-Unis, OTAN et Union européenne l’emporte et la Russie sera bientôt soumise, ce qui risquerait d’entraîner les pays des BRICS et même, peut-être, la Chine. Dans le cas contraire, l’emprise des Etats-Unis sur l’Europe va se déliter progressivement, provoquant la disparition de l’hégémonie américaine. Les enjeux sont très élevés et c’est ce qui explique le soutien et la présence au plus haut niveau de la Chine et de l’Inde aux cérémonies du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale à Moscou le 9 mai. On n’oubliera pas non plus le rôle essentiel joué par le Kazakhstan et son président, présent également aux côtés du président russe.

Pourquoi un monde multipolaire est-il plus naturel ? Parce que chaque pays a sa propre culture et que l’on ne peut imposer durablement à personne un système qui soit en contradiction avec sa culture.

Par culture, nous entendons, non pas les beaux-arts ou la littérature, mais ce que Friedrich von Hayek définit dans son livre Droit, législation et liberté paru en 1983, comme « (…) la transmission de règles apprises de conduite, qui n’ont jamais été inventées et dont la fonction reste habituellement incomprise des individus qui agissent. Il est sûrement aussi justifié de parler de sagesse de la culture que de sagesse de la nature ». L’ethnologue américain Edward Hall, qui est considéré comme le père de la discipline des relations interculturelles, donne une autre définition : « La culture est un mécanisme invisible qui opère dans nos pensées. »
Ceux d’entre vous qui ont vécu dans un pays étranger ont connu ces situations où le comportement d’une personne vous semblait étrange, surprenant, incompréhensible, déplacé ou choquant. Cela pouvait être une remarque, la façon de vous regarder ou de vous parler ou de se tenir à table. De la même façon, et là, nous n’en avons pas conscience, nous pouvons paraître étranges ou surprenants aux personnes élevées dans une autre culture que la nôtre.

Nous intégrons tous notre « culture maternelle » dans notre plus jeune âge, entre la naissance et l’âge de sept ans. Elle nous est inculquée par les adultes qui nous entourent, c’est-à-dire le plus souvent nos parents et nos proches. Cette « programmation de l’esprit » comporte les normes, les valeurs, les croyances et les hypothèses sur la vie.

Ce que l’on appelle les « hypothèses sur la vie » occupe une place importante dans notre culture, mais n’a pas fait l’objet d’explications verbales. C’est pourquoi il nous est parfois difficile d’expliquer certains de nos choix. Elles ont été déduites des comportements observés. Exemple type d’hypothèse sur la vie, « l’homme est-il foncièrement bon ? » ou « l’homme est-il foncièrement mauvais ? », questions que peu de personnes se posent habituellement et qui pourtant ont une influence directe sur les comportements. Dans les cultures où il est acquis que l’homme est fondamentalement bon, on aura évidemment tendance à faire confiance à la nature humaine. Les relations personnelles et les relations d’affaires ne reposeront pas sur des lois, des règlements sévères et détaillés et les désaccords se régleront plutôt face à face que par l’intermédiaire de tiers dans des tribunaux. C’est le cas des cultures française ou russe.

Au contraire, dans les cultures où il est acquis que l’homme est fondamentalement mauvais, tout sera fait, et en particulier dans le droit et le système judiciaire, pour l’empêcher de mal agir et on aura des relations humaines gouvernées par un formalisme juridique important et des relations d’affaires réglées par des contrats extrêmement détaillés et contraignants. C’est le cas de la culture américaine.

Quelle que soit la culture à laquelle on appartient, on trouvera toujours que le système adopté dans son pays est le meilleur et que l’autre système est inadapté. Mais plus encore, toute tentative d’imposition de règles qui entrent en contradiction avec notre culture créera un malaise psychologique important, ce que beaucoup de psycho-sociologues appellent un « choc culturel ».

D’autre part, l’incompréhension qui vient de comportements inattendus est source de méfiance, une méfiance elle-même source d’agressivité qui peut mener à la guerre.

Prenons l’exemple du rapport à la loi. Dans la culture américaine, chacun pense que la loi doit être la même pour tout le monde et doit s’appliquer de la même façon dans toutes les circonstances. La procédure pénale par exemple est très formaliste et ne tient pas compte du contexte. Dans les cultures russe ou française, on pense que « la loi c’est la loi », évidemment, mais on pense également qu’une loi, cela s’interprète. A chaque niveau de la hiérarchie, les responsables considèrent qu’il fait partie de leurs prérogatives d’interpréter les lois ou les règlements. Dans le premier cas, on est persuadé que la seule façon de traiter les gens avec justice est de les traiter tous de la même façon. Ceci est considéré comme injuste dans le second cas où on doit tenir compte du contexte et de la personnalité du prévenu.

Mais si on considère le système légal français d’un point de vue extérieur, du point de vue allemand, par exemple, il apparaît comme quelque chose de très injuste. En effet seul un Français est capable de savoir comment et dans quelles conditions interpréter la loi française ou un règlement. Un Allemand, à moins qu’il n’ait vécu très longtemps en France, ne peut pas deviner quand et comment interpréter une loi, ce qui le met en situation d’infériorité par rapport à son concurrent français. D’autre part, il considérera rapidement qu’en raison de cette façon « bien française » d’interpréter les lois, les français sont des gens imprévisibles.

Les rapports humains sont profondément marqués par notre culture et le mépris des normes de comportement est quelque chose de très frustrant. Lorsque le manque d’égards pour les normes de notre pays s’accompagne, en plus, d’une attitude condescendante, voire arrogante, la situation devient vite insupportable, surtout si vous êtes traité ainsi dans votre propre pays.

Comment faire accepter un système fondé sur un ensemble de normes, de valeurs, de croyances issues d’une certaine culture, dans un pays qui a construit au fil des générations un système d’un autre type, sinon par la force ? Et si on a besoin de la force, comment obtenir l’adhésion des populations ? Mon professeur de philosophie nous répétait que «  l’usage de la force est un aveu de faiblesse ». Un système installé de la sorte sera éminemment instable.

Seul un système multipolaire, géré par un droit international reconnu par tous les pays, peut permettre une organisation mondiale qui respecte les cultures de chaque pays tout en garantissant un ordre mondial satisfaisant.

Je conclurai sur une remarque dans laquelle je paraphrase une déclaration récente du président Poutine : pour construire une politique internationale (il parlait, lui, d’économie) réaliste et performante, il faut certainement un cerveau, mais nous avons aussi besoin d’un cœur, pour comprendre les conséquences de nos actions sur les personnes. Si les populations sentent que nous avons un cœur et un vrai désir de les écouter, elles nous feront confiance. Si elles nous font confiance, elles accepteront les efforts que nous leur demanderons. Sinon elles ne les accepteront pas et nous aurons le choix impossible entre abandonner notre action ou la poursuivre sous la protection de la force, que ce soit celle de la police ou celle de l’armée. Dans certains pays, d’ailleurs, il est symptomatique que les forces de police commencent à ressembler aux forces armées du pays dont elles adoptent, petit à petit, les équipements et les méthodes.


Fouad Al-Ghaffari: Message de l’Office consultatif pour la coordination avec les BRICS au Yémen

C’est un grand plaisir de pouvoir m’exprimer devant vous, au moins de façon électronique, après avoir fait tant d’effort sans succès pour être parmi vous en personne. Ce qui nous retient c’est évidemment la guerre anglo-saoudienne qui fait de nous des prisonniers dans notre propre pays, le Yémen…


Jean-François Di Meglio : Internationalisation du yuan – perspectives et réalités

Jean-François Di Meglio

Président d’ASIA Centre, Paris


Jusqu’à ces dernières années, la question qui laissait beaucoup d’auditoires, même très avertis, muets et pétrifiés en matière d’économie chinoise était : « Qu’est-ce que la Chine emprunte massivement à l’étranger » ? Comme la Chine est le premier exportateur mondial et joue un rôle clé dans le commerce, les meilleures réponses portaient habituellement sur « les matières premières » (qui ne sont pas empruntées mais achetées) ou au mieux « le droit de polluer ». Presque jamais la réponse attendue ne venait : « La Chine emprunte à l’étranger ses moyens de paiement. »

Les prémisses de la pensée monétaire chinoise

En effet, dans son action décisive de modernisation depuis plus de trente cinq ans, la Chine a « pensé à tout », mais n’a pas pu « s’occuper de tout ». Elle a pendant longtemps négligé la partie la plus lourde à s’approprier dans son processus de reconquête économique, qui est l’indépendance monétaire. Absence d’indépendance ne veut pas dire absence d’autonomie. En effet, pour des raisons qui vont être développées ultérieurement, la Chine s’est comportée dans le domaine monétaire un peu comme un « satellite autonome », mais farouchement distingué du reste du monde, en isolant son système financier des soubresauts du reste du monde. Mais l’époque touche à sa fin où cette attitude pouvait prévaloir.

Les traumatismes de l’histoire chinoise, dont le « narrative » comme on dit en américain est assez simple : « La Chine a été la première puissance mondiale, a été déchue de cette place par l’incompétence de son système politique et les abus qu’elle a subis de la part des étrangers. » Ces traumatismes ont été le plus souvent d’origine monétaire et sont une leçon de l’histoire profondément ancrée dans le mental des individus et des dirigeants. En effet le dernier régime à avoir été renversé sur le Continent, celui de Tchang Kai Tchek, l’a été pour des raisons économiques et monétaires (inflation galopante et dévaluation effrénée) et par ailleurs le tournant le plus récent de l’histoire chinoise (la perte d’influence de la Chine dans le monde) a été causé par le monométallisme adopté au XIXe siècle. Fondant son système monétaire exclusivement sur l’étalon-argent, la Chine a subi de plein fouet, comme d’autres pays qui avaient fait le même choix, la perte de valeur de cet étalon par rapport à l’or, pour des raisons qui étaient essentiellement extérieures à l’économie chinoise.

Pour finir, l’autre traumatisme très ancré dans l’esprit chinois, même s’il n’est que partiellement transposable, est l’interprétation « officielle » qui est faite en Chine des accords du Plaza en 1985 et de l’ « internationalisation » du yen. Pour les analystes chinois, le Japon qui résistait farouchement à l’utilisation de sa devise et campait sur sa souveraineté, en a été partiellement dépossédé par l’obéissance à un système dominé par les Etats-Unis qui les a contraints à ouvrir leurs marchés de capitaux, à utiliser leur devise dans les échanges, y compris les investissement, et a mis à jour une « pseudo » (ou réelle) surévaluation de la devise japonaise, déclenchant la réévaluation étourdissante du yen qui a doublé sa valeur en dollar en un peu plus d’un an.

L’interprétation chinoise de cette dernière crise est que la récession japonaise tire son origine dans ce phénomène et qu’il faut à tout prix que la Chine préserve les acquis durement gagnés contre le système depuis trente cinq ans en résistant à toute voie de fait étrangère.

Ceci étant dit, la dépendance constatée jusqu’à ces dernières années vis-à-vis de la devise américaine va exactement dans le sens contraire de cette hantise mais elle est restée longtemps inévitable. Sortir de cette dépendance signifie en effet pour la Chine la construction d’un système financier développé, avec un recours au marché dénué d’obstacles et une absence de fragilité de l’économie vis-à-vis du système bancaire. Or curieusement, la Chine n’a pas inventé d’instruments financiers propres : elle est juste en train de moderniser « à la libérale » ses marchés boursiers et d’organiser ses systèmes de financement non intermédiés (les marchés de taux), en lançant des marchés obligataires, mais on en est loin.

C’est que les efforts de réforme de l’économie, des prix, des échanges internationaux et, il faut bien le dire, la commodité (y compris au sens anglais du terme) de l’utilisation d’une devise liquide et reconnue, le dollar, a repoussé longtemps l’idée de réforme du système financier global.

La Chine jouant dans le temps long, il aurait été faux de penser que ce report signifiait l’abandon d’une idée forte et très ancrée : celle qu’il fallait changer le système.

La crise financière de 2008-2009 a accéléré la prise de conscience qu’il fallait faire quelque chose pour faire changer le système. En effet, lors de la première vague de crise, en 2007-2008, et des premiers « G20 », la Chine a cru à la fois que son heure était venue d’investir dans les systèmes financiers étrangers comme par exemple la prise de participation dans Royal Bank of Scotland, ce qui s’est avéré un désastre. ) La Chine en a tiré la leçon qu’elle risquait d’être entraînée malgré elle dans un jeu où elle n’aurait pas le choix d’être de plus en plus impliquée dans un système malade. Le point tournant a été le 15 septembre 2008, lorsqu’a failli être déclaré, après la crise de Lehmann, l’insolvabilité de Fannie Mae et Freddie Mac. La Chine a apporté son soutien en s’engageant à rester un investisseur de référence, mais a commencé à « retirer ses billes ». Le changement est désormais en action, avec une diminution des avoirs chinois en dollars, une diversification effectuée au moment où les meilleurs arbitrages pouvaient être effectués contre devises « bonnes à acheter » du fait de leur baisse contre le dollar et un arrêt de l’augmentation des stocks de devises détenues par la Banque centrale chinoise. Tout ceci est arrivé en 2014, finalement.

L’histoire récente de la politique monétaire

La politique monétaire chinoise a été inchangée de 1992 à 2005 d’une certaine façon, en tout cas concernant le taux de change, fixé à 8,18 renminbi, l’autre nom du yuan, contre le dollar américain jusqu’en juillet 2005 où la « bande de fluctuation quotidienne » a été une première fois élargie. Cette décision a permis le début de la réévaluation de la devise contre le dollar, comme le graphique ci-contre l’indique (source UBS Hong Kong) :

Cette décision aux conséquences encore sensibles est le début d’une évolution dont on voit à quel point elle est raisonnée, lente et projetée dans le temps, puisque dix ans après elle n’est toujours pas aboutie.

Après une période « prudente » de restabilisation du taux de change pendant « la crise » (ou sa phase la plus active peut-on dire), la Chine a pris une autre mesure à l’été 2010 : celle d’ouvrir partiellement son compte de capital à travers une « fenêtre » à Hong-Kong, une sorte de jumeau de la devise domestique. Elle a ainsi créé un marché des taux « fantôme ».

La question est de savoir si cette expérience était un « leurre libéral », une expérience destinée à être abandonnée si elle ne donnait pas de résultats satisfaisants, ou un élément d’une panoplie disparate.
Elle était la façade la plus « libérale » des évolutions chinoises.

Deux autres axes ont été activés :

  • Le premier, en partie fondé sur la décision de l’été 2010 de libéraliser partiellement les échanges de yuan sur la place de Hong Kong, était l’extension de l’utilisation du yuan comme monnaie d’échanges commerciaux (commerce bilatéral et international, tant pour les exportations chinoises que pour les importations, hors matières premières). Aujourd’hui, le yuan, qui par ailleurs bénéficie d’accords de swaps nombreux avec une vingtaine de pays dont certains majeurs, est la cinquième monnaie d’échanges commerciaux internationaux, loin il est vrai du dollar américain (40 % des échanges) et même de l’Euro (10 %), avec environ 5 %.
  • L’autre était la tentative de fédérer des pays proches, amis, semblables, par exemples les « BRICS » pour préfigurer un système d’assistance et éventuellement de mutualisation des responsabilités et des risques, à travers une « Banque des BRICS » évoquée au sommet de Durban en 2011et qui aurait permis « entre soi » de prévoir, d’amortir et d’éviter les crises, voire de créer un système monétaire parallèle.

Ces deux tentatives ont eu un impact limité, qui ne remet cependant pas en cause la théorie et l’action chinoise.

Le débat avec les Occidentaux

Le principal débat avec les Occidentaux porte en fait, malgré les jeux d’ombre autour de la « parité » (en réalité un faux débat dont même les animateurs américains ont connu depuis le début les limites) sur l’implication et la responsabilité prise par la Chine. La position de la Chine est lisible, à défaut d’être exprimée objectivement : c’est le développement de sa propre économie qui prime et aucune responsabilité « mondiale » ne saurait lui être objectée face à cette contrainte dont elle renvoie facilement les conséquences pour le jeu mondial : un ralentissement de la Chine signifierait une crise économique pour l’ensemble du monde, qui a anticipé sa montée en puissance.

Loin donc du débat apparent sur le taux de change, l’inclusion dans les droits de tirage spéciaux du FMI, la vraie question est pour la Chine la validation du « système tel qu’il est », (FMI) éventuellement un repositionnement de la Chine en acteur principal, voire en « sparringpartner », c’est-à-dire provoquant un effet entraînement à son partenaire, au sein d’une relation sous le format d’un G2 avec les Etats-Unis.
La réponse est délibérément ambiguë à travers l’insistance chinoise à donner des gages en vue de la révision du panier du DTS en 2015, et en s’appuyant sur l’avis récent du FMI selon lequel la devise chinoise n’est effectivement pas sous-évaluée.

L’un des débats de fond est aussi domestique, et en résonance avec le débat entretenu avec les Occidentaux : le système financier et monétaire chinois est il « crédible », « fiable » et peut-il générer une « fiducie » au sens fondateur du terme, c’est-à-dire un cadre reposant sur la confiance mutuelle. La réponse, à en juger par la fuite des capitaux potentielle, à peine compensée ces temps-ci par la constitution toujours plus grande de stocks de devises liées à l’exportation, est naturellement négative. La Chine doit avant tout redonner confiance à ses propres ressortissants. Sa force économique n’est pas suffisante, parce que les spoliations ont été trop fréquentes dans l’histoire chinoise pour ne pas effrayer les « nouveaux riches » (classe à laquelle appartiennent d’ailleurs les dirigeants ou du moins qu’ils connaissent bien). Or la spoliation, de nouveau, guette, parce que la dette du pays n’est plus compensée par la perspective d’un tassement de la croissance. Des faillites apparaissent, le système bancaire doit être protégé, tout ceci ne peut se faire dans une ouverture totale telle que les Occidentaux la souhaiteraient.

La « créativité » chinoise et ses conséquences

La créativité chinoise a donc particulièrement été à l’œuvre en 2014, pour faire face à ces différentes contradictions et contraintes :

  • Tout d’abord il s’est agi de contrôler les bulles financières créées par le marché immobilier financé par des liquidités occultes ou canalisées par l’absence de toute autre alternative de placement.
  • Ensuite il s’est agi de piloter une politique monétaire délicate où le contrôle de cette masse monétaire devait éviter pour autant un « hard landing ».

C’est alors que l’ouverture partielle du compte de capital, de plus en plus annoncée, a été accélérée à travers l’invention de mécanismes sophistiqués permettant d’investir plus facilement sur les bourses de Shanghai et de Shenzhen.

Cependant il s’agit moins de se plier à des normes internationales d’ouvertures des comptes de capitaux comme l’index américain MSCI a feint de le croire que de créer une alternative au tarissement des financements bancaire de l’économie chinoise (plus de 200 % du PIB hors dette publique). Rapatrier des fonds « évadés » en faisant comprendre les risques d’un effondrement possible du système bancaire chinois du fait du ralentissement a été en réalité le moteur de cette ouverture.

Entre jeux d’ombre et débat intérieur

La Chine est sans doute peu transparente et souhaite le rester, en particulier sur des sujets aussi sensibles que les sujets monétaires. Néanmoins il est probable qu’à ce stade les deux options sont conservées par la Chine : soit s’intégrer progressivement au système « post-Bretton Woods » avec les risques qui ont été largement identifiés depuis longtemps et testés pendant la crise de 2008, soit inventer en coopération avec un « glacis » de pays dépendants, compatissants ou partageant les mêmes ambitions, un nouveau système, régional, interrégional mais en tout cas international mais pas global. Ce système pourrait avoir pour origine la nouvelle BAII, centrée autour de la Chine, ou bien les contrats gaziers avec la Russie, prémisses peut-être d’une déconnexion des échanges de matières premières et du marché du dollar. En tout cas la construction d’une « zone renminbi » est en marche. A-t-elle pour ambition d’être suffisamment importante un jour pour imposer ses règles (fixité quasi reconnue des parités de change, indexations sur des sous-jacents, ou des « étalons » différents du dollar) ou seulement d’être une protection contre un système parallèle dont la Chine se méfie mais dont elle utilise aussi les rouages « libéraux » (pour ses investissements en Europe en particulier) ? C’est encore une question ouverte et à laquelle le débat pourra apporter des éléments de réponse.

En attendant, il est intéressant de voir l’engouement suscité en Europe par la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures. Les transferts de technologie en matière de financement de projets, d’infrastructure, de «  crédits sans recours  » intéressent la Chine. Les Occidentaux pourront y trouver un levier pour accéder aux marchés chinois et asiatiques relativement fermés. Rien n’exclut cependant que la banque créée n’opère à l’avenir en Europe, là où les capitaux publics destinés aux infrastructures pourraient manquer, du fait des déficits. Et si les financements font sortir la devise chinoise de son relatif isolement de monnaie non convertible, le système monétaire mondial pourrait se réjouir de la diversification apportée à un jeu jusqu’ici dominé par le dollar.


Bereket Simon: Une coopération gagnant-gagnant avec l’Afrique

C’est un honneur et un plaisir d’être ici à Berlin. Tout d’abord, je voudrais remercier l’Institut Schiller pour m’avoir invité à prendre la parole sur l’importance du Développement économique de l’Éthiopie dans le contexte de la Nouvelle route de la Soie terrestre et maritime et la Grande région d’Afrique…


Jayshree Sengupta : Travailler ensemble pour le siècle asiatique

Jayshree Sengupta

Économiste de l’Observer Research Foundation, New Delhi, Inde


L’Inde occupe une position stratégique en Asie. Elle partage des frontières avec la Chine, le Népal, le Pakistan et le Bangladesh, et au nord, il y a la Russie. Comme nous le savons tous, le XXe siècle fut le siècle américain, cependant le XXIe sera celui de l’Asie. Mais pour y parvenir, il faudra éradiquer les guerres géopolitiques et reconstruire les nations faibles d’Asie.

L’Inde et la Chine furent, en des temps anciens, les deux pays les plus riches et, selon Angus Maddison, les deux plus grandes économies, en termes de PNB, jusqu’au XVIIIe siècle. L’Inde excella dans plusieurs domaines et son « âge d’or » se situe au VIe siècle, sous la dynastie des Gupta.

Les Britanniques qui ont colonisé l’Inde durant 200 ans ont renvoyé au Royaume-Uni, depuis l’Inde, d’énormes sommes d’argent et le pays s’est appauvri. Lors de la renaissance du Bengale au XIXe siècle, des gens comme Rabindra Nagore ont essayé de redécouvrir le glorieux passé de l’Inde à partir de la littérature, la peinture et la musique, il a aussi établi des contacts avec des intellectuels chinois. Des mouvements religieux réformistes dirigés par Sri Aurobindo et Vivakanada ont suscité un sentiment et une fierté nationale, semant les germes d’une révolte contre les Britanniques.

Ces derniers ont quitté le pays en 1947, puis l’ont divisé en deux, conduisant à la naissance du Pakistan. Les relations acrimonieuses entre les deux pays ont débuté avec cette partition.

L’Inde et la Chine ont développé des relations très cordiales après l’indépendance, sous Nehru. Mais il y eu une guerre en 1962 au sujet des frontières, qui avaient été tracées par les Britanniques.

Mais puisque la Chine et l’Inde ont une longue histoire de paix, d’harmonie et de partage culturel et philosophique, elles ont construit de bonnes relations. Dès le IIe siècle avant J.-C., étant en contact, le bouddhisme s’est répandu d’Inde vers la Chine il y a plus de deux mille ans.

Les BRICS rapprochent la Chine et l’Inde, leur procurant une plate-forme pour résoudre leurs problèmes et décider d’une position commune sur diverses questions mondiales.

Le Premier ministre Narendra Modi s’est récemment rendu en Chine et le président Xi Jinping l’a accueilli selon la tradition de la dynastie Tang, à Xi’an son village natal. 24 accords intergouvernementaux ont été signés, d’une valeur de 22 milliards de dollars en investissements, impliquant une coopération dans plusieurs domaines. Le besoin de paix et de tranquillité à la frontière a été reconnu comme une garantie importante pour le développement et la croissance continue dans les relations bilatérales.

Un important commerce bilatéral se déroule entre les deux pays (totalisant 70 milliards de dollars) et, source de préoccupation pour l’Inde, son déficit commercial atteint 38 milliards de dollars avec la Chine.

Une percée s’est faite entre les deux pays sur le front culturel. Modi a visité la Pagode de l’oie sauvage, qui fut construite pour commémorer Xuan Zang, un moine chinois ancien qui s’est rendu en Inde pour les manuscrits bouddhistes. A Beijing, au Temple du Ciel, il y eut un événement consacré au Yoga et au Tai Chi, trois moines indiens ont enseigné et promu le bouddhisme en cet endroit il y a 1400 ans. Un programme d’études sur Gandhi a été introduit à l’université de Fudan.

La Chine peut aider l’Inde à construire l’infrastructure et qualifier sa main d’œuvre. Des protocoles d’entente ont été signés dans divers domaines comme les chemins de fer, la formation et la qualification professionnelles, les mines, la mise en place d’un groupe de réflexion, le forum Inde-Chine, le changement climatique et l’océanographie. Les deux gouvernements ont jumelé des villes et des provinces des deux pays.

L’Inde peut aider la Chine de plusieurs manières, en particulier dans les technologies de l’information, les logiciels et l’industrie pharmaceutique.

Modi a déclaré lors de son séjour en Chine : « La possibilité que le XXIe siècle devienne le siècle de l’Asie dépendra dans une large mesure de ce que l’Inde et la Chine accompliront chacune et de ce qu’elles pourront faire ensemble. »
Les deux pays peuvent, ensemble, aider à reconstruire l’un des pays les plus pauvres de la région : le Népal.

La coopération trilatérale entre le Népal, l’Inde et la Chine

L’Inde et le Népal sont étroitement liés depuis 1950 et il n’y a pratiquement pas de frontière entre eux. Ils sont membres de l’Accord d’Asie du Sud pour la coopération régionale (SAARC), au sein duquel la Chine a un statut d’observateur. Aujourd’hui le Népal est confronté à une pauvreté extrême et au sous-développement.

Le peuple népalais est encore pris par des activités agricoles de basse productivité, générant de bas salaires. Il existe un petit secteur manufacturier, mais c’est le secteur népalais des services qui grandit rapidement et le pays jouit d’un statut supérieur à celui de l’Inde, selon l’indice de la Banque mondiale concernant la « facilité à faire des affaires ».

Le pays, coincé entre les deux géants que sont la Chine et l’Inde, doit être amical avec eux. Il y a une forte pénurie d’électricité, peu d’infrastructure et peu d’opportunités d’emploi. La population migrante du Népal renvoie de l’argent au pays, ce qui constitue une part importante du PIB.

Le Népal est d’une beauté sans équivalent et possède un grand potentiel touristique. Ses rivières ont un fort potentiel hydroélectrique. Il abrite des espèces biologiques rares et diverses. C’est une région principalement montagneuse et les terres agricoles font défaut, mais il existe des zones où trois récoltes peuvent être faites. Le Népal ne sera jamais un grand exportateur de produits agricoles mais le miel, le riz, certains légumes, herbes et fruits y sont disponibles en abondance.

Le voisin situé au nord du Népal, la Chine, connaît des problèmes de croissance rapide et un taux élevé d’urbanisation. Après trois décennies d’une croissance à deux chiffres, elle la voit ralentir, sa population vieillit et elle connaît des problèmes de sécurité alimentaire. La croissance de ses manufactures est plus lente en raison d’une relâche de la demande globale et de ses coûts salariaux élevés. Le gouvernement chinois a décidé de détacher délibérément le pays d’une croissance liée aux exportations et de se concentrer sur la progression de la consommation domestique, ainsi que sur la hausse des revenus de la population.

La Chine est confrontée à une capacité excédentaire dans ses usines et son infrastructure, mais cherche également à délocaliser une partie de sa production pour rester compétitive. Le Népal peut remplir ce rôle et devenir une base d’assemblage de machines et de composants variés, activité de plus en plus coûteuse en Chine.

La Chine vise une distribution des revenus plus équitable et une croissance mieux équilibrée entre villes et villages. La production agricole est devenue une source de préoccupation majeure et le pays doit se concentrer sur la qualité des produits, il a connu plusieurs cas de produits alimentaires frelatés et contaminés à cause de la présence de métaux lourds liés à la pollution environnementale. Le Népal, bien qu’il soit lui aussi importateur de riz, peut contribuer à produire des produits horticoles « sûrs ». La Chine peut investir dans l’agriculture népalaise et lui permettre de devenir un fournisseur important pour les marchés chinois.

La Chine peut encourager les travailleurs migrants du Népal à travailler dans les villages chinois qui connaissent des problèmes de pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole. Elle sera confrontée à l’avenir à de sévères problèmes d’approvisionnement alimentaires si sa population continue à quitter l’agriculture pour l’industrie. La Chine abrite 20 % de la population mondiale, mais ne dispose que de 7 % des terres arables.

La proximité du Népal par rapport au Tibet est un plus. Le transport de nourriture du Népal au Tibet est plus facile que depuis l’intérieur de la Chine, et des usines de transformation et de conditionnement peuvent être établies à la frontière entre le Népal et le Tibet. L’aide chinoise dans le développement de l’infrastructure dans les régions nordiques du Népal peut contribuer à stimuler ses exportations vers la Chine. Le Népal peut aussi attirer plus d’investissements étrangers directs (FDI) depuis la Chine, qui peuvent l’aider dans son développement.

Son voisin du sud, l’Inde, est son plus grand partenaire commercial. La croissance manufacturière de l’Inde s’est récemment accélérée après une période de stagnation et l’index de production industrielle (IPI) était à 8,4 % au cours du dernier trimestre (janvier-mars 2015). La croissance du secteur des services est de 10,1 %. Les 2 milliards de dollars d’excédent commercial de l’Inde avec le Népal sont une grande préoccupation pour le gouvernement népalais ; il peut être réduit en augmentant les exportations par une route plus douce vers l’Inde. Le déficit commercial de l’Inde à l’égard de la Chine peut être réduit s’il existe une route de meilleure qualité vers cette dernière, via le Népal. Ainsi, une infrastructure appropriée permettra de réduire les frais de transport entre les trois pays.

L’Inde peut délocaliser une partie de sa production vers le Népal où les coûts salariaux sont moindres. Il n’a pas de barrière linguistique ni de problème de transfert financier entre eux, et de nombreuses entreprises industrielles indiennes ont investi au Népal.

L’Inde peut établir des zones économiques spéciales le long de la frontière, au bénéfice des deux pays. Pour ce qui concerne l’énergie hydraulique et le tourisme, les possibilités de création d’entreprises conjointes et de coopération sont immenses.

Le Népal peut aider l’Inde et la Chine à maintenir un taux de croissance rapide, grâce à sa position géographique stratégique entre eux, et demander une assistance pour développer son infrastructure. Des entreprises conjointes peuvent être établies le long des deux frontières.

Pour qu’une collaboration future se développe, le climat pour l’investissement dans les trois pays doit changer, particulièrement au Népal et en Inde. Tout deux ont besoin de politiques plus propices à l’investissement, avec une vision et une stratégie à long terme. Le Népal a besoin de stabilité politique, il doit renforcer ses institutions légales et combler des lacunes dans d’autres secteurs décisionnels.
Le Népal peut devenir un nouveau point de transition économique entre l’Inde et la Chine. Pour ce faire, 19 secteurs prometteurs pour l’exportation de produits alimentaires ont déjà été identifiés.

L’Inde doit garantir un meilleur accès aux produits népalais et l’aider à construire ses infrastructures physiques et sociales, afin d’y réduire le niveau de pauvreté. La coopération trilatérale entre l’Inde et le Népal peut faire progresser les niveaux de vie dans la région.

Avec une population atteignant environ 2,8 milliards, la coopération trilatérale peut conduire à l’émergence d’un immense bloc commercial dans le monde.

Le Pakistan et l’Inde

Le Pakistan est le voisin le plus problématique pour l’Inde. Les deux pays comptent un grand nombre de gens vivant dans la pauvreté. Ils se sont pourtant fait la guerre trois fois.

Le Pakistan est aussi membre du SAARC et malgré cela, ses échanges commerciaux avec l’Inde ne sont que de 2,3 milliards de dollars, et se heurtent à de nombreux problèmes dans la mesure où les gains dérivés de ces échanges ne bénéficient pas à leur population. Il existe encore un espoir qu’avec le Premier ministre Nawab Sharif, les relations commerciales et l’investissement entre eux puissent s’améliorer.

Le Premier ministre Modi a invité Nawaz Sharif lors de sa cérémonie inaugurale en mai 2014. L’Inde a donné son accord pour donner libre accès à 300 articles d’exportation pakistanais, et a facilité les démarches pour l’émission de visas, tout en réduisant les normes concernant l’ouverture de succursales bancaires.

Alors que le commerce normal a souffert, les échanges informels se sont multipliés. Les échanges commerciaux informels dépassent le milliard de dollars et contiennent un élément de contrebande, ils impliquent aussi la participation d’un tiers, car certains produits indiens passent par Dubaï ou Singapour avant d’arriver au Pakistan.

La contrebande est synonyme de manque à gagner pour les finances des deux pays, et concernant l’implication d’un tiers, les consommateurs sont pénalisés car les frais de transport font grimper les prix.

Les indicateurs de développement humain sont bas pour les deux pays, l’activité terroriste est en hausse et les revenus des citoyens sont bas, tant pour l’un que pour l’autre.

L’Inde a accordé au Pakistan la clause de la nation la plus favorisée en 1998, mais celui-ci tergiverse encore et même si les chances de le voir accorder la même clause à l’Inde s’améliorent, ça n’a pas encore été fait. Si le Pakistan devait donner son accord, ceci ferait automatiquement baisser les tarifs et donnerait aux produits indiens le même traitement qu’il donne à d’autres.

Le Pakistan est ainsi passé d’une liste positive de 2000 produits pouvant être importés à une liste négative de 1200 produits ne pouvant pas l’être. Suite à des décennies de relations politiques acrimonieuses, l’espoir de voir les échanges commerciaux apporter la paix entre les deux pays est un objectif difficile.
L’Inde est mécontente du Pakistan pour plusieurs raisons, surtout par rapport aux attentats de Bombay en 2008, pour lesquels le Pakistan a refusé de poursuivre l’accusé, et aussi pour ce qui concerne son programme nucléaire qui va en s’intensifiant.

Même si un service ferroviaire a débuté entre Lahore et New Delhi, le succès n’a pas été au rendez-vous. Certains craignent que le Pakistan sponsorise des activités terroristes en Inde, et on soupçonne fortement toute décision politique accordant des concessions au Pakistan.

Bien que les investissements directs en provenance du Pakistan soient récemment autorisés en Inde, peu de résultats concrets sont constatés. Les investissements indiens au Pakistan sont également insignifiants, la raison en est le manque de garanties pour les investisseurs. Le problème du transfert d’argent à la frontière, en particulier de l’Inde vers le Pakistan, reste entier.

Plusieurs possibilités existent d’entreprises conjointes qui seraient bénéfiques au peuple des deux pays, notamment dans l’industrie alimentaire et les technologies de l’information, mais très peu de projets se concrétisent en raison du niveau élevé du risque perçu pour les capitaux. A moins de résoudre ce problème, de plus grands investissements créateurs d’emplois ne pourront voir le jour.

Tandis que les contacts commerciaux entre les deux pays progressent, la position des deux gouvernements reste prudente et retenue. Si le niveau actuel des échanges commerciaux est faible, à 2,7 milliards de dollars, une progression jusqu’à un niveau de 10 milliards au cours des prochaines années reste possible. Les exportations du Pakistan vers l’Inde ne sont que de 541 millions de dollars.

Peu de bonnes routes sont disponibles pour le commerce indo-pakistanais, et il y a des problèmes dans le transport ferroviaire. En avril 2012, les deux capitales ont mis en place un centre de contrôle intégré au poste frontalier d’Attari-Wagah, qui pourrait traiter au moins dix fois plus de fret. Les deux côtés ont aussi conclu un accord historique concernant l’émission de visas, qui pourrait alléger les restrictions relatives aux voyages.

L’Inde est sans aucun doute la plus grande économie de la région et ses voisins plus petits ont des raisons de se sentir menacés. L’Inde peut encourager ses milieux d’affaires à monter au front, sur la voie de la libéralisation commerciale. Un plus grand nombre de contacts entre les chambres de commerce des deux côtés pourrait dissiper les craintes et faciliter une meilleure coopération. Il n’y a aucun doute que les producteurs des deux côtés seraient enchantés d’exporter des produits à moindre coût.

L’Inde doit faire preuve de plus de libéralité en donnant au Pakistan un meilleur accès, à travers son territoire, à des pays tiers comme le Népal, le Bangladesh et le Bhoutan ; et le Pakistan devrait accorder à l’Inde des droits de transit pour qu’elle exporte vers l’Afghanistan. Cet élément est essentiel pour faire progresser les échanges commerciaux dans la région, qui incluront plus tard la Chine, l’Iran et la Turquie. Des infrastructures plus performantes aux frontières comme des entrepôts, des appareils à rayons X et des laboratoires de contrôle sont nécessaires.

Les deux côtés doivent se rappeler que la sécurité et les tensions politiques ne doivent pas influer sur les relations économiques, car des milliers de vies en dépendent. La suspension des échanges commerciaux à cause d’attaques terroristes isolées peut s’avérer contre-productive et endommager les relations économiques entre deux voisins immédiats.

Comme au Népal, la Chine aide depuis longtemps le Pakistan. L’annonce récente d’investissements chinois d’une valeur de 46 milliards de dollars dans l’infrastructure pakistanaise a suscité une forte inquiétude en Inde. La Chine cherche à ouvrir de nouvelles routes commerciales vers le centre et le sud de l’Asie, et à développer le port de Gwadar au Pakistan. Néanmoins la décision chinoise est économique autant que commerciale, et cela profitera sans doute à toute la région, en assurant une meilleure connectivité entre l’Asie et l’Europe.

Ainsi le siècle asiatique se concrétisera si les conflits géopolitiques sont éliminés, et si les pays en voie de développement comme le Népal et le Pakistan bénéficient d’une aide de leurs voisins comme la Chine et l’Inde. L’Inde, la Chine et le Pakistan dépensent des milliards de dollars dans le domaine militaire, qui pourraient être réorientés vers le développement et contribuer à l’avènement du siècle asiatique.


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