Top Left Link Buttons
  • Anglais
  • Allemand
  • Français
  • Russe
  • Chinois simplifié
  • Espagnol

Helga Zepp-LaRouche: Discours d’ouverture

Helga Zepp-LaRouche: Discours d’ouverture

Helga Zepp-LaRouche

Présidente de l’Institut Schiller.


Je vous souhaite la bienvenue. J’aimerais d’abord, avant de commencer mon discours, vous transmettre brièvement ce que M. LaRouche avait à dire hier sur des événements extrêmement importants. Le président Obama s’est présenté devant le Congrès et a menacé les élus démocrates pour les obliger à voter en faveur de la procédure d’adoption par voie rapide de l’Accord de partenariat transpacifique (TPP). Il a fait valoir que le sujet n’était pas réellement l’accord en tant que tel, mais sa propre autorité.

Cependant, il a été rapporté qu’une fois la session terminée, les membres du Congrès sont sortis furieux et ont voté à une large majorité contre ce projet de loi, ce qui est une défaite majeure (une de plus) pour Obama. M. LaRouche a observé qu’il s’agit là non pas d’une opposition de dernière minute, mais d’un processus de rébellion en cours sur les deux rives de l’Atlantique. Ceci reflète bien plus une prise de conscience, de la part de certaines factions importantes, du danger d’une guerre nucléaire imminente.

Il faut s’attendre, a ajouté M. LaRouche, à ce que le gouvernement Obama soit de plus en plus enclin à chercher l’affrontement, mais il ne faut pas perdre de vue la véritable raison, qui est que Wall Street a la tête sur le billot : tout le système financier transatlantique est irrémédiablement en faillite, et le seul espoir d’en sortir repose sur l’existence d’un bloc de nations beaucoup plus fort en nombre. Ce que l’on doit éviter à tout prix, cependant, est de laisser s’installer le chaos. Il faut donc un programme qui soit en mesure de répondre dès maintenant à la situation, car nous sommes confrontés à une explosion imminente liée à la dette grecque, avec des conséquences pour l’Espagne, l’Italie, et bien que l’Allemagne soit en meilleure posture, l’enjeu est l’effondrement de l’ensemble du système financier transatlantique.

Nous devons donc prendre des mesures semblables à celles adoptées par le président Franklin Roosevelt entre 1932 et 1939. C’est sur cela que nous devons nous concentrer, et je pense que ce sont des sujets qui doivent être débattus au cours de cette conférence.

Car cette conférence n’est pas de nature académique. Il s’agit d’un effort pour intervenir à un moment précis, un moment où il devient évident que les principales institutions comme le G7, par exemple, dont le sommet vient de se terminer, n’ont absolument rien à proposer pour protéger la civilisation contre ces menaces existentielles.

Je reviendrai plus tard sur ces solutions optimistes, mais j’aimerais d’abord vous le dire : l’humanité n’a jamais été confrontée à un danger aussi grand.

Je voudrais cependant préciser dès le départ que pour moi, il est tout à fait possible de sauver la civilisation et de réaliser ces projets et alternatives vraiment magnifiques qui seront évoqués tout au long de cette conférence. Si nous faisons bien notre travail (il est évident que cela ne dépendra pas que de nous, mais que notre intervention subjective peut s’avérer la différence marginale permettant d’éviter l’anéantissement de l’humanité et de la faire entrer dans une nouvelle ère), nous pourrons, très bientôt, connaître un monde bien différent du monde actuel.

Il est important de commencer par la vision qui doit nous guider : nous pourrions construire une relation complètement différente entre nos pays, qui ne serait pas déterminée par l’affrontement géopolitique et ne se focaliserait pas sur des centres d’intérêt étroits, nationaux, opposés à ceux d’un autre pays, mais où les pays seraient unis dans une vision commune, par des objectifs communs à toute l’humanité. Nous pourrions ainsi avoir un nouvel ordre économique mondial, qui rendrait justice à chaque pays de notre planète, combiné à une Renaissance de la culture classique, ce qui est aussi, de mon point de vue, une urgence, vu la dégénérescence de la culture occidentale à l’heure actuelle.

Mais tout ceci ne pourra avoir lieu que si nous accomplissons les tâches que nous nous sommes données il y a quelque temps déjà, en l’occurrence d’amener les pays européens, ainsi que les Etats-Unis, à se joindre à une perspective de coopération avec les BRICS, à la politique gagnant-gagnant du président chinois Xi Jinping.

Voici le programme que nous souhaitons, un plan de développement pour les cinquante prochaines années, bien qu’à la vitesse à laquelle progresse la Chine, vingt suffiront peut-être. Cela pourrait aussi prendre cent ans, mais ce programme est essentiel. L’idée de construire un Pont terrestre mondial, d’unir tous les pays de notre planète dans une stratégie de développement commune, est réellement la solution à tous nos problèmes : au danger de guerre, car il représenterait une stratégie pour la paix pour le XXIe siècle ; au sous-développement et à la faim dont souffrent des milliards d’individus, car il amènerait le développement et la production pour tous ; au trafic de stupéfiants, car il donnerait l’espoir d’un avenir meilleur et permettrait par conséquent de surmonter la décadence de l’esprit.

Ce changement doit cependant survenir très rapidement. Car l’urgence est extrême.

En regardant les résultats du sommet du G7, on constate malheureusement que la chancelière Merkel, poussée par Obama, Cameron et le canadien Harper, a décidé d’exclure le Président Poutine pour la deuxième fois et que cette décision a créé les conditions permettant à Obama de lancer des attaques très provocatrices à la fin du sommet.

Etant donné que le G7 ne représente que 10 % de la population mondiale, il est incroyable qu’il puisse décider d’imposer une « décarbonisation » de l’économie mondiale d’ici 2100. Qu’est-ce qui autorise 10 % de la population mondiale à décider pour le monde entier d’un programme couvrant les 90 prochaines années ?

Si l’histoire parvient à se souvenir de Madame Merkel, ça ne sera probablement que pour avoir décrété la tristement célèbre sortie de l’Allemagne de l’énergie nucléaire et de l’avoir forcée à dépendre uniquement des énergies renouvelables. La décarbonisation implique de ne garder que le solaire et l’éolien (aucune énergie fossile) et puisqu’elle est également contre l’énergie nucléaire, ceci signifierait de mettre en pratique le programme de M. Schellnhuber, chef du Conseil scientifique pour les changements globaux (WBGU), organisme consultatif du gouvernement allemand en matière de climat et d’énergie et CBE (Commandeur de l’Empire britannique). M. Schellnhuber a proposé un programme de transformation de l’économie mondiale reposant sur une décarbonisation complète. Et puisqu’il y a une corrélation directe entre la densité du flux d’énergie dans le processus de production et le nombre d’êtres humains dont on peut assumer les besoins, cela signifierait donc qu’on ne pourrait faire vivre sur Terre qu’un milliard d’individus au maximum.

Il y a eu ensuite cette rencontre de mauvais augure entre le président Obama et Sir David Attenborough, le principal conseiller de la couronne britannique pour les questions environnementales et la politique énergétique. Il s’est envolé juste avant le sommet pour rencontrer Obama et rien n’a filtré de leur discussion. Nous savons toutefois ce qu’a dit Attenborough dans le passé : que l’espèce humaine est un fléau et que la population mondiale devrait être réduite au moins de moitié. On peut donc présumer qu’il a prodigué à Obama les conseils de l’Empire britannique sur la manière de réduire la population mondiale.

Trois personnalités importantes ont heureusement pu intervenir brièvement avant le Sommet du G7 pour demander que le président Poutine y soit invité. Il s’agit de l’actuel ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, et des anciens chanceliers Gerhard Schroeder et Helmut Schmidt. Ce dernier a déclaré notamment que la Russie devrait non seulement être invitée au sommet, mais aussi l’Inde et la Chine. Schmidt, qui a maintenant 95 ans (il semble que ce soit la qualité des personnes plus âgées d’avoir le courage de dire la vérité), a déjà averti à plusieurs reprises du danger d’une troisième guerre mondiale.

Vous pouvez être sûrs que ces gens (Steinmeier est en ce sens sur une ligne complètement différente de celle de Merkel) sont au courant des récents avertissements des experts militaires concernant le fait que nous sommes aujourd’hui dans une situation plus dangereuse qu’à l’apogée de la Guerre froide, lors de la Crise des missiles de Cuba. Au cours de cette crise, en effet, les communications entre les présidents Kennedy et Khrouchtchev étaient restées ouvertes en dépit de leur relation très conflictuelle, et ils ont pu désamorcer la crise au tout dernier moment.

Ce n’est pas le cas entre les présidents Obama et Poutine. De nombreux experts militaires ont fait remarquer que l’un des plus grands dangers est l’absence de communication entre les Etats-Unis et la Russie, en particulier.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Ceci est la conséquence d’une escalade sur le long terme, qui a commencé essentiellement avec la décision des néoconservateurs en 1997 de mettre en œuvre la politique du PNAC (Projet pour un nouveau siècle américain), reposant sur l’idée que depuis que l’effondrement de l’Union soviétique, entre 1989 et 1991, aucun pays non soumis à un empire dirigé par les Anglo-américains, un empire basé sur la relation spéciale entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, ne doit exister.

Il a été souligné explicitement que l’objectif est de permettre aux Etats-Unis de maintenir une prédominance mondiale, à l’exclusion de tout autre pays ou groupe de pays, dont la montée en puissance pourrait menacer le pouvoir des Etats-Unis. Telle est la conception qui domine aux Etats-Unis. Brièvement suspendue à mi-mandat de l’administration Clinton, elle a été pleinement remise en œuvre par les administrations de Bush, père et fils, puis au cours des six ans d’Obama.

Cette politique s’est traduite par le fait qu’après la chute de l’Union soviétique, les néoconservateurs ont adopté une politique de changement de régime, grâce à diverses méthodes comme les révolutions de couleur, en payant les ONG pour renverser les gouvernements élus démocratiquement, ou encore les sanctions, comme nous le voyons aujourd’hui avec la Russie. L’objectif des sanctions est de fomenter le mécontentement à l’intérieur de la Russie, pour provoquer un phénomène semblable au Maïdan et se débarrasser de Poutine.

Ces politiques incluaient l’élargissement de l’OTAN et de l’UE jusqu’aux frontières de la Russie, une politique qui, selon John Matlock, l’ancien ambassadeur américain à Moscou, viole la promesse qui avait été faite à l’époque de ne jamais le faire. Ces promesses n’ont jamais été respectées. On a maintenant des troupes et de l’équipement militaire positionnés tout près des frontières avec la Russie.

On a récemment accusé la Russie d’avoir violé le traité INF. Il s’agit d’une accusation extrêmement fragile, liée à un prétendu essai de lancement, depuis la terre, d’un missile de croisière normalement basé en mer – essai qui, s’il a réellement eu lieu, ne serait qu’un détail technique minime, mais comme je l’ai dit, cela n’a même pas été prouvé. Les Russes ont de leur côté clairement réfuté les faits incriminés, et le ministre-adjoint à la Défense Antonov a déclaré, en gros, que les Etats-Unis montent en épingle ces allégations contre la Russie pour justifier leurs propres plans militaires, visant à ramener des missiles de courte et moyenne portée en Europe et ailleurs.

Lorsqu’Obama a pris le pouvoir, il avait promis de réduire l’arsenal nucléaire, voire de s’en débarrasser. Redéployer des missiles nucléaires en Grande-Bretagne, chose que Cameron a déjà acceptée, ou dans d’autres pays, est une décision qui vise clairement à déclencher une guerre nucléaire. Certains pensent d’ailleurs que cette guerre nucléaire devrait se limiter à l’Europe, mais selon la logique de la guerre, il est évident qu’elle déborderait bien au-delà. Nous aurions affaire à une guerre nucléaire généralisée, d’amplitude mondiale, et personne n’y survivrait.

Le général Ivashov, qui dirige à l’heure actuelle l’Académie de géopolitique, a déclaré qu’il s’agissait ici d’une « Crise des missiles de Cuba à l’envers ». Elle est la mise en œuvre de la doctrine Cheney-Wolfowitz d’un monde unipolaire.

L’administration Obama a reconnu qu’elle envisage de quitter le Traité INF pour déployer une prétendue contre-force IRBM (missiles balistiques de portée intermédiaire) en Europe, ou même une capacité de frappe compensatoire impliquant la possibilité d’une première frappe nucléaire contre des cibles situées en Russie.

De plus, les modifications de la doctrine militaire américaine au cours de la période récente (PGS ou frappe planétaire rapide, bouclier antimissile) en font de facto une doctrine de première frappe. Si vous vous rappelez ce qu’avait déclaré le président Poutine en annonçant la mise à jour de la doctrine militaire russe fin 2014, qu’on arriverait au point où la Russie se sentirait obligée d’utiliser des armes nucléaires pour se prémunir contre cette menace, ceci devrait suffire à démontrer pourquoi nous sommes en danger de mort, et pourquoi il nous faut absolument agir.

Le site internet de l’OTAN présente une liste de 71 manœuvres et événements prévus entre avril et novembre, tous à proximité de la frontière russe, dans les pays baltes et en mer Baltique, ainsi qu’en mer Noire, et [le président ukrainien] Porochenko vient tout juste d’annoncer la fin de toute coopération militaire avec la Russie, ce qui bloque l’approvisionnement des troupes russes en Transnistrie. Ceci pourrait être à première vue une répétition des événements en Géorgie en 2008, mais aussi un prétexte à des opérations militaires contre la Russie.

La Russie intensifie ses liens stratégiques avec la Chine et l’Inde, et la Russie et la Chine exercent leurs troupes aériennes amphibies en Extrême-Orient, dans une manœuvre baptisée Joint Sea 2015.

Le prétexte à toute cette escalade contre la Russie étant la situation en Ukraine, plus particulièrement la Crimée, il faut souligner clairement que ce qui l’a déclenchée a été le coup fasciste du 18-22 février 2014, et avant cela, l’effort pour intégrer l’Ukraine dans l’UE, à travers le fameux Accord d’association. Cette crise a même commencé bien avant, comme l’a déclaré très judicieusement Helmut Schmidt, avec le Traité de Maastricht, car c’est là qu’a débuté l’idée d’un élargissement de l’UE vers l’est.

Ainsi, ce qui est arrivé avant le Sommet du G7 ne peut être qualifié que de délire suicidaire de la part de l’Allemagne, de la France et de l’Italie, entre autres. La seule chance qui nous reste serait de voir s’amplifier l’opposition de Steinmeier, Schmidt et Schroeder. Merkel devrait, selon moi, être remplacée, car elle ne respecte pas le serment qu’elle a prêté lorsqu’elle a pris ses fonctions [de protéger le peuple allemand contre tous les dangers] et elle a eu un comportement scandaleux dans l’affaire de la NSA et du BND, qui viole les droits de tous les Allemands, mais pas seulement, car cette coopération entre services de renseignement américain et allemand s’est exercée au détriment de la France, la Belgique, l’Autriche et même de l’industrie allemande. Or Merkel ne sait certainement pas que, sans coopération avec la Russie et les BRICS, l’industrie allemande ne peut pas survivre.

La Russie fait partie de l’Europe, et les sanctions conçues pour lui nuire sont de toute évidence extrêmement stupides. Car cela porter préjudice non seulement à la Russie, qui en souffre de toute évidence, mais aussi à l’économie allemande : par exemple, au cours du premier trimestre de cette année, les exportations de machines-outils allemandes vers la Russie se sont effondrées de 28 % et les industriels allemands sont furieux de voir que les exportations américaines vers la Russie ont, pour leur part, progressé de 17 % au cours de la même période.

Fondamentalement, en Europe, on assiste non seulement à une stagnation de l’économie, mais il n’y a plus rien qui protège l’ensemble de l’Europe contre la désintégration, surtout face à l’explosion imminente de la situation grecque, qui arrive vraiment à son terme.

Merkel devrait donc être expulsée de son poste, ou mise sous tutelle, par des forces associées à l’industrie, à la Défense et à une faction plus large du SPD, proche des trois personnalités mentionnées. Soyons bien conscients que les Etats-Unis sont depuis longtemps voués à cette idée géopolitique d’empêcher toute coopération entre l’Allemagne et la Russie. Ce qu’il faudrait, et cela concerne non seulement l’Allemagne mais toute l’Europe, c’est lever immédiatement les sanctions. C’est très facile à faire. Il nous suffit de dire que nous souhaitons à nouveau commercer avec la Russie, et ce serait là la première étape d’un retour à la normalité.

Mais cette décision de décarbonisation et la guerre économique menée contre la Russie ne sont pas les seuls maux sur lesquels on s’est mis d’accord au sommet du G7. Ils ont également adopté une ligne dure contre la Grèce, une politique d’austérité entièrement favorable aux intérêts des banques trop grosses pour faire faillite, et il faut noter que 97 % des soi-disant plans de sauvetage ont servi, en réalité, à sauver les banques. Ce qui est imposé à la Grèce est comme une peine d’emprisonnement pour dette, un carcan de la dette s’inscrivant dans la logique de Versailles et de Brüning. Jean Ziegler, un militant suisse bien connu et un représentant des Nations unies, a déclaré que les esclavagistes modernes occupent les étages supérieures des grandes banques et des multinationales. Il a qualifié le système actuel de « cannibale », ce qui est absolument vrai.

« Ce Monsieur Ziegler est trop radical ! » protestera l’européiste moyen. Mais si vous y réfléchissez sérieusement, n’est-ce pas la vérité ? Quelle est la différence entre les navires des marchands d’esclaves et des planteurs du sud des Etats-Unis, où des milliers de gens furent noyés ou sont morts de faim et de soif, et l’actuelle crise des réfugiés en Méditerranée, où ils sont des milliers à mourir presque chaque semaine, risquant leur vie et celle de leurs enfants, avec une probabilité de survie de 50 %, pour échapper aux guerres au Moyen-Orient, à la faim et aux épidémies en Afrique, et au terrorisme ?

La politique de l’UE à l’égard des réfugiés illustre pour moi la faillite morale totale de cette institution. Car elle ne sert que les intérêts du FMI et des banques trop grosses pour sombrer, sous la direction d’intérêts qui ont fait de tout le secteur en voie de développement une vaste plantation. Pensez à l’accaparement des terres, à la spéculation sur les pénuries d’eau, aux obstacles que l’on oppose aux projets de transfert d’eau afin de maintenir la cherté de l’eau, spéculer sur l’eau en bouteille et contrôler la chaîne alimentaire. Jean Ziegler a déclaré que chaque enfant qui meurt de faim est assassiné. Et je suis d’accord avec lui. Car il serait si facile de résoudre ces problèmes, il ne faudrait que six mois pour y arriver.

Il y a quelques jours, dans l’avion, je regardais le film 12 Years a Slave, qui est un film remarquable car il illustre parfaitement la mentalité de ces esclavagistes à l’œuvre aujourd’hui, qui s’y retrouvent bien dans cette tendance pro-britannique aux Etats-Unis.

Derrière cette vision unipolaire du monde se cache la mentalité des propriétaires de plantation et des esclavagistes des temps modernes. Je concède volontiers que les PDG de ces mégabanques et les bureaucrates de l’UE n’ont probablement pas cette perversité que l’on voit dans le film, où l’on peut réellement affirmer que le sadisme et la mentalité absolument ignoble sont aux limites de ce que peut faire un être humain. Mais ils n’en sont pas moins les cerveaux, car derrière leurs bureaux, c’est eux qui décident de ces crimes. Ils spéculent sur les certificats sur le CO2 en se fichant entièrement des conséquences de leurs décisions. Tant qu’ils en tirent profit, ils sont complètement indifférents au sort des autres.

Ceci nous ramène aux gens comme Attenborough, pour qui les êtres humains sont le fléau de la Terre, et qu’il faudrait donc combattre l’explosion de la population humaine. Il est associé à l’Optimum Population Trust (rebaptisé depuis Population Matters), qui a dit que le nombre actuel d’individus sur Terre doit être réduit de moitié d’ici la fin du siècle, ce qui correspondrait à 3,5 milliards. On le voit ici en discussion avec deux individus, et il est probablement en train de se demander lequel des deux devrait être éliminé. Il faut en effet prendre ces choses à un niveau très personnel.

Dans son magnifique essai La Législation de Solon et de Lycurgue, Friedrich Schiller décrit Sparte comme un modèle oligarchique, volontiers enclin à éliminer ceux qu’on appelait les Hilotes, qu’il est permis de tuer s’ils sont trop nombreux. Dans son livre L’Impact de la science sur la société, Bertrand Russell, écrivait :

Les mauvaises périodes sont, peut-on dire, exceptionnelles, et exigent que l’on ait recours à des méthodes exceptionnelles. Cela s’est plus ou moins vérifié au cours de la période de lune de miel de l’industrialisme, mais il n’en restera pas ainsi, à moins que l’accroissement de population ne soit énormément réduit. La population du monde s’accroît à présent au rythme de 58 000 habitants par jour. La guerre, jusqu’à présent, n’a pas eu grand effet sur cet accroissement, qui s’est maintenu pendant chacune des guerres mondiales. (…) La guerre, comme je l’ai remarqué il y a un moment, a été décevante à cet égard, mais la guerre bactériologique sera peut-être plus efficace. Si une peste noire pouvait se répandre à travers le monde à chaque génération, les survivants pourraient se reproduire plus librement sans trop remplir le monde. (…) Cette situation peut paraître quelque peu déplaisante, et après ? Les gens d’une éducation supérieure sont indifférents au bonheur, surtout en ce qui concerne celui des autres.

Dans son Prospects of Industrial Civilization, Russell ajoutait :

La population blanche du monde cessera bientôt de croître. Les Asiatiques mettront plus de temps, et les nègres encore plus, avant que leur taux de fécondité ne s’abaisse suffisamment pour stabiliser leur nombre sans l’aide de la guerre et des fléaux. (…) Avant d’en arriver là, les bénéfices recherchés par le socialisme ne pourront être que partiellement réalisés, et les races moins prolifiques devront se défendre contre les plus prolifiques par des méthodes qui, bien que nécessaires, sont dégoûtantes.

Avec ce genre de mentalité, une « splendide petite guerre », comme les Britanniques ont l’habitude de les appeler, semble être la meilleure chose à faire, même s’il s’agit d’une splendide petite guerre nucléaire. Cela peut sembler dégoûtant, mais cela peut s’avérer nécessaire.

Il y a heureusement une alternative.

Depuis que le président Xi Jinping a annoncé, il y a environ deux ans, son projet de Nouvelle route de la soie et de Route de la soie maritime, et surtout depuis le sommet des BRICS de Fortaleza en juillet 2014, un système économique entièrement nouveau a vu le jour.

Les BRICS ont conclu entre eux un nombre impressionnant d’accords et défini des aires de coopération, impliquant l’infrastructure, la science et la technologie, ainsi que l’énergie nucléaire et l’industrie spatiale, représentant des milliers de milliards de dollars.

Du point de vue des habitudes européennes des dernières années, ces pays se sont mis en mouvement à une vitesse incroyable, et d’autres organisations se sont formées autour d’eux. Toute l’Amérique latine, la plupart des pays du Sud-est asiatique, des parties de l’Afrique et même d’Europe. Avec l’aide chinoise, ils ont entrepris de construire un second canal de Panama au Nicaragua. Les Chinois prévoient de construire un chemin de fer transcontinental entre le Brésil et le Pérou. Un accord a été conclu lors de la récente visite du Premier ministre Li Keqiang en Amérique latine. Et quatre tunnels doivent être creusés entre le Chili et l’Argentine, tout cela avec des investissements chinois.

Au-delà, ils ont créé un système financier entièrement parallèle : la Nouvelle banque de développement, avec un capital de 100 milliards de dollars ; un Pool de réserves en devises, qui doit permettre aux pays de se défendre contre la spéculation ; la Banque asiatique d’investissement dans l’infrastructure (BAII), à laquelle se sont joints avec empressement, contrairement aux souhaits d’Obama, 58 pays, dont la France, l’Allemagne, l’Italie et la Scandinavie, pour en être membres fondateurs. L’Organisation de coopération de Shanghai s’est dotée d’une nouvelle banque, de même pour la SAARC, l’organisation rassemblant les pays du sud de l’Asie, sans oublier le Fonds de développement de la Nouvelle route de la soie et le Fonds de la Route de la soie maritime.

Tous ont pour objectif explicite de remplir le vide laissé par le FMI et la Banque mondiale, qui ne consacrent que 60 milliards de dollars par an pour l’infrastructure. Ainsi, ces nouvelles institutions ont consenti à engager d’immenses sommes dans des programmes d’infrastructure dans tout le secteur des pays en voie de développement.

La principale impulsion à cette dynamique est clairement venue du président Xi Jinping, mais il y a également un partenariat stratégique très fort entre la Chine et la Russie. La Nouvelle route de la soie et la politique « Une Ceinture, une Route » ont, au cours de la période récente, permis une intégration complète de l’Union économique eurasiatique promue par la Russie. Une coopération stratégique extrêmement étroite s’est établie entre la Russie et l’Inde. Lors d’une récente visite du président Poutine en Inde, le Premier ministre Modi a déclaré que dans le passé, l’Inde et la Russie avaient été unies par le partenariat stratégique le plus étroit, et qu’il en resterait ainsi à l’avenir.

Ainsi, entre l’Inde et la Chine, le partenariat stratégique a été renforcé et les conflits territoriaux et autres ont été mis au rancart. Lors de son séjour au Brésil, il y a deux semaines environ, Li Keqiang a réussi à contrer efficacement une attaque stratégique de Wall Street contre le Brésil et à neutraliser les efforts visant à déstabiliser Dilma Rousseff.

C’est ainsi qu’un tout autre modèle de relations est en train d’émerger entre les pays, fondé sur des principes totalement différents. Pas autant que cela cependant, car c’était ceux adoptés par les Nations unies avant que le modèle impérial ne prenne le dessus. Il s’agit de la non-ingérence, du respect des divers modèles sociaux, d’intérêts économiques mutuels, d’une politique gagnant-gagnant.

Ce nouveau modèle pour l’économie a bien évidemment un immense attrait, et il a provoqué une éruption d’optimisme. Des projets, abandonnés pendant plusieurs décennies, ont été repris dans plusieurs pays et sont aujourd’hui en voie de réalisation.

Le miracle économique chinois est devenu contagieux. La Chine, depuis les réformes de Deng Xiaoping, et en particulier depuis trente ans, s’est développée à une vitesse vertigineuse, réalisant ce que les pays industrialisés avaient accompli en 150 à 200 ans. Contrairement à ce qu’affirment les médias occidentaux, elle a obtenu les meilleurs résultats en termes de droits de l’Homme, car elle a sorti de la pauvreté extrême 800 millions de personnes, pour leur donner un niveau de vie très décent. Or qu’est-ce qui viole plus les droits de l’Homme, sinon la pauvreté ?

Aujourd’hui, avec la Nouvelle route de la soie, la Chine entend également développer les régions intérieures qui ne le sont pas encore, et élever le niveau de vie de la population rurale. Le gouvernement chinois a annoncé qu’il souhaite doubler le PIB en 2010 et 2020. C’est un objectif remarquable, et il est réaliste si on regarde ce qui est arrivé au cours des trente dernières années.

Pour nous à l’Institut Schiller, la Nouvelle route de la soie est l’accomplissement d’un dessein qui a vu le jour il y a vingt-cinq ans. Au moment de la chute du Mur, nous avions proposé d’unifier les régions situées entre Paris, Berlin et Vienne, dans ce que nous avions appelé le Triangle productif, car le Mur avait disparu. Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée en 1991, nous avons étendu ce triangle pour en faire le Pont terrestre eurasiatique. L’idée était d’unifier les centres industriels et de population de l’Europe à ceux de l’Asie, à travers des couloirs de développement infrastructurels, mais il ne s’agissait pas que d’un programme économique. Le but était délibérément de mettre en place un ordre pacifique pour le XXIe siècle.

Le Pont terrestre eurasiatique devait reposer sur un niveau de raison plus élevé, où les conflits historiques, les tensions ethniques et autres, les blessures du passé seraient surmontées grâce aux bienfaits mutuels dont pourrait profiter quiconque souhaitant participer au programme. Il s’agissait en réalité, même si nous ne l’avions pas appelé ainsi, d’une politique « gagnant-gagnant ».

Ce programme n’a pu se réaliser pour les raisons que je viens d’évoquer – le Projet pour un nouveau siècle américain, les efforts de Bush père, de Margaret Thatcher et de Mitterrand pour forcer l’Allemagne à abandonner son deutschemark au moment de sa réunification, ainsi que le Traité de Maastricht. Car il y avait un secret, le secret de l’OTAN le mieux gardé jusqu’en 1989, qui était que l’Allemagne était encore un pays occupé. Le Traité de Maastricht devait faire en sorte que l’Allemagne reste un pays occupé, en l’obligeant à endosser la camisole de force du Pacte de stabilité, et il était évident pour nous que l’euro ne marcherait pas, car il n’était pas conçu comme un programme économique. Il s’agissait d’une attaque géopolitique sur l’Allemagne.

Nous avons organisé à l’époque des centaines de conférences et de séminaires sur cinq continents, et en 1996, lors d’une conférence à Beijing sur le Pont terrestre eurasiatique, ce programme avait été de fait mis à l’ordre du jour par le gouvernement chinois, qui souhaitait en faire sa perspective stratégique pour l’année 2010. Cela fut bien entendu bloqué par la crise asiatique de 1997 et la faillite de l’Etat russe en 1998.

Nous avons donc été remplis de joie, mais pas fondamentalement surpris, lorsque Xi Jinping a annoncé son projet de Nouvelle route de la soie. Pendant presque deux ans, les grands médias occidentaux ont complètement passé sous silence le fait qu’un système économique parallèle se mettait en place, ou ils l’ont calomnié en s’attaquant personnellement à Vladimir Poutine et à Xi Jinping. Mais au cours des quatre dernières semaines, une vague d’articles a été publiée, comme celui de la revue Time, intitulé « La Nouvelle route de la soie pourrait changer à jamais l’économie mondiale ».

« Les plus grands projets d’infrastructure de l’histoire. Un grand jeu pour le contrôle de l’Eurasie, qui pourrait conduire à une nouvelle Guerre froide. L’issue est incertaine. »

Ceci est dans Deutschlandfunk.

La plupart de ces articles disent tout à coup qu’il y a un système complètement nouveau, mais qu’il s’agit toujours de géopolitique. Ils se trompent complètement sur ce point, car il s’agit explicitement d’une manière de surmonter la géopolitique, en invitant tout le monde, dans le monde entier, à y participer.

Ils disent également que la Chine a un programme caché, qu’elle souhaite prendre le contrôle du monde, remplacer l’impérialisme américain par le sien. Il est évident que les journalistes et politiques de la région transatlantique ont énormément de difficultés à imaginer qu’un gouvernement puisse se vouer à l’intérêt commun. Car nous n’avons pas vu de gouvernements de ce type depuis bien longtemps, il faut plonger très profondément dans les mémoires. Ceci me rappelle un mot de Hegel, à propos d’un « individu historique mondial » dont le valet, qui voit toujours son maître en sous-vêtements, a du mal à l’imaginer en tant qu’individu historique mondial. Mais, ajoute-t-il, ce n’est pas le problème du maître, mais celui du valet.

Si l’on veut comprendre les véritables motivations de la Chine, la clef est la pensée de Confucius.

Confucius, ainsi que Mencius, ont influencé la philosophie chinoise et notamment la philosophie de l’Etat chinois depuis 2500 ans. Selon cette philosophie, l’homme est un être bon par nature. Les notions fondamentales de la philosophie chinoise sont le ren, qui correspond à l’agapé, la charité ou l’amour chrétiens, et le li, qui veut dire principe, l’idée que la société connaîtra l’harmonie si chaque être humain et chaque chose s’épanouissent au mieux. Cela correspond à la notion de microcosme chez Nicolas de Cues : lorsque chaque microcosme s’épanouit au mieux apparaît la concordance dans le macrocosme, ou, dans la pensée de Leibniz, la monade, l’idée que si chacun développe pleinement son potentiel, on obtient l’harmonie.

L’harmonie est au cœur de la philosophie confucéenne. Plutôt qu’une relation esthétique, il s’agit d’un développement mutuel qui va de l’avant en contrepoint : dès lors que tous les microcosmes en bénéficient, l’harmonie surgira dans le macrocosme.

J’en viens à une autre notion, le Mandat céleste, soit l’étroite harmonie entre la nature et l’être humain, apparue sous la dynastie des Zhou occidentaux (1046-771 av. J.-C.), selon laquelle il règne entre le Ciel et l’Homme, une harmonie et une relation très proche.

Toutes les grandes religions et philosophies intègrent ce concept, notamment la cosmologie indienne dans la tradition hindoue. En Europe nous le connaissons sous la forme de « loi naturelle ». C’est vers cela que nous devons tendre si nous voulons aller au-delà des niveaux actuels de pensée.

Une harmonie sans uniformité est ce dont Confucius traite dans les Analectes. Chez Nicolas de Cues, ce serait l’unité dans la diversité. Dans le Livre des rites préface au Grand Savoir attribué à Confucius, il est écrit : « Les anciens, qui souhaitaient que la vertu innée de tous les hommes demeure et soit lumineuse, ont dû apprendre à bien gouverner la nation ; à ces fins, ils ont d’abord assis l’harmonie au foyer ; à ces fins, ils se sont mis à se cultiver ; à ces fins, ils ont voulu mettre leurs pensées dans le droit chemin ; à ces fins, ils se sont efforcés de penser avec sincérité ; à ces fins, ils se sont efforcés de repousser au plus loin les frontières de la connaissance. Repousser au plus loin les frontières de la connaissance exige d’appréhender le principe derrière toute chose. »

Ainsi l’harmonie dans la société et parmi les nations exige d’appréhender les principes sous-tendant toute chose. Friedrich Schiller ne disait pas autre chose dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme : seul le scientifique et l’artiste classique appréhendent la vérité. Dans le recueil de 71 discours intitulé Gouvernance de la Chine (2013-14), Xi Jinping reflète cet esprit confucéen en citant le vieux dicton selon lequel : « Apprendre, c’est l’arc dont la flèche est l’expertise. Apprendre doit être pour vous la première des priorités, une responsabilité, un soutien moral et un mode de vie. Fondez en vous la conviction que les rêves commencent par l’apprentissage. » Selon Xi, « Voici ce que voulait dire Confucius lorsqu’il écrit : ’’Si vous arrivez à vous renouveler un jour, alors faites-le chaque jour.’‘ Oui, il faut se renouveler chaque jour. La vie ne sourit pas à ceux qui s’accrochent aux sentiers battus ou se satisfont du statu quo ; elle n’attend pas ceux qui manquent d’ambition et se tournent les pouces en consommant les fruits du labeur d’autrui. »

Lyndon LaRouche souligne, quant à lui, que nous ne pouvons nous permettre de refaire aujourd’hui ce que nous faisions encore hier – nous devons être créateurs et innover avec chaque jour qui naît. Xi Jinping cite Victor Hugo selon lequel « les choses déjà créées sont insignifiantes comparées à celles qui doivent être créées ».

Au fil des siècles, la Chine a su progresser pas à pas grâce à la ténacité de générations successives, et à l’esprit de la nation cherchant à s’améliorer elle-même au moyen d’un travail acharné. « Une économie basée sur l’innovation » est l’objectif en cours de réalisation ; on ne parlera plus du « Made in China », mais du « Created in China ». Xi Jinping incite son peuple à faire des percées dans des domaines scientifiques fondamentaux : structure de la matière, évolution de l’univers, origines de la vie, nature de la conscience.

Où nous conduit ce nouveau chemin ? Vers l’innovation scientifique et technologique, vers l’accélération de la croissance tirée par l’innovation. Sa fierté : disposer du plus grand nombre de scientifiques et d’ingénieurs du monde entier.

Mais j’ai été très impressionnée par cette citation de Xi Jinping : « Telles les douces pluies du printemps qui tombent silencieusement, essaimons les valeurs socialistes essentielles d’une manière douce et vivante, en nous servant de toutes les formes culturelles. Formons le peuple grâce aux meilleures œuvres littéraires et aux meilleures œuvres d’art : qu’est-ce que le vrai, le beau et le bon ? Qu’est-ce que le faux, le malveillant, le laid ? Que doit-on louer, encourager, et que doit-on rejeter et repousser ? »

Pour ma part, j’aimerais entendre nos hommes politiques en Europe et aux Etats-Unis se prononcer pour la réalisation « du vrai, du beau et du bon ». Dans l’Antiquité, la Grèce classique voyait déjà la cohérence entre ces concepts. On considérait qu’il existe une vérité accessible à la connaissance, que l’homme est foncièrement bon, qu’en cherchant la vérité, il découvrira la beauté et que le beau se trouve au sein même de ce processus de découverte. Cette notion est le noyau même de la période dite classique en Allemagne, où selon Friedrich Schiller, « l’Art ne peut s’appeler art que s’il est beau, sans quoi il ne saurait élever l’âme. »

Si nous acceptons la définition de Schiller, la majorité de ce qui est produit aujourd’hui n’est pas de l’art, en raison de l’absence de toute beauté. Car le concept de beauté est dérivé de la raison et non des expériences sensorielles. Selon Schiller, une simple opinion ou penchant personnel ne permet pas de définir le beau. La beauté est une notion intimement liée à la raison, qui fait cependant appel aux sens et à travers l’éducation esthétique, la beauté devient synonyme de l’heureuse réconciliation entre Raison et perception sensorielle. Là où règne la beauté naîtra l’harmonie des éléments.

L’idéal de Friedrich Schiller était l’être humain pour lequel la liberté et la nécessité, le devoir et la passion se fondent dans une parfaite unité, l’âme « éduquée » (schöne Seele). L’analogie entre beauté et liberté saute aux yeux, les deux prenant leur origine dans le for intérieur de l’homme et non dans des facteurs qui lui sont externes. A son tour, l’idée la plus puissante de cette auto-détermination n’est que le reflet de certains traits caractérisant la nature elle-même, auxquels nous avons donné le nom de « Beauté ».

Plus encore, la Beauté est pour Schiller la condition nécessaire de l’espèce humaine. Si l’Etat est un instrument, l’objectif est l’humanité. Tout Etat idéal présuppose ainsi une humanité idéale, reposant sur les lois du Beau. En 1789, Schiller écrit à son ami Körner : « Que reste-t-il de la vie d’un homme si vous lui enlevez l’apport de l’Art ? Un champ de ruines s’étirant à l’infini. Car en privant la vie de tout ce qui sert la Beauté, il n’y reste que la Nécessité, celle-ci n’étant destinée qu’à nous protéger contre la Mort qui rôde. »

Voilà un argument convaincant de Schiller contre un Etat dont le seul but serait la stabilité du pouvoir, c’est-à-dire l’Etat tel que nous le connaissons aujourd’hui. Nos hommes d’Etat ne s’intéressent ni à la beauté ni à la perfection des peuples, mais à sauvegarder leur carrière, leur position. Lorsque le beau sera devenu l’objectif des peuples et des nations, lorsque l’organisation du monde ne se vouera plus exclusivement à éviter le destin fatal, alors seulement aurons-nous une véritable et grande humanité. L’Etat du monde occidental, et en particulier des Etats-Unis après l’attentat du 11 septembre 2001, devrait être examiné du point de vue des 28 pages qui seront prochainement publiées, révélant qui a financé cet attentat, ainsi que des documents de la DIA sur l’attaque à Benghazi [qui a coûté la vie à l’ambassadeur américain en Libye]. La guerre contre le terrorisme est une hydre ; elle a rendu la vie pénible pour les citoyens en la réduisant à la seule protection contre la menace du terrorisme.

A mon sens, ce nouveau modèle de collaboration entre nations n’est pas une utopie mais une vision d’avenir. Nicolas de Cues, le philosophe qui, dans la tradition européenne, est le plus proche de Confucius, a inauguré une approche philosophique nouvelle pour son époque, qui permit à l’Europe de se détacher réellement du Moyen-âge. Il a déclaré que le principe qui crée l’ordre et la totalité, l’idée d’une concordance universelle, est que l’harmonie n’est pas une notion esthétique ; mais que les microcosmes doivent se développer de façon contrapunctique, et au bénéfice de l’autre – c’est l’idée du « gagnant-gagnant », le principe qui inspira la Paix de Westphalie.

Comment se fait-il que certains comprennent cette vision des choses et y adhèrent, et pas d’autres ? Le problème est épistémologique. Nicolas de Cues fait la distinction entre ratio d’une part (ces gens « bourrés de bon sens », dirait Lyndon LaRouche), et de l’autre, l’intellect et la raison. Au niveau du ratio, de « l’entendement », nous sommes pris par les contradictions aristotéliciennes de ce que perçoivent nos sens. Par contre, l’intellect, la raison, transcendent le ratio ; l’intellect se manifeste comme une préscience indestructible, l’œil invisible à la recherche de la vérité. Sans cette préscience, nous ne nous mettrions jamais sur la voie de cette recherche, ou si nous y trouvions quelque chose, nous serions incapables de savoir si c’est bien ce que nous cherchions. L’intellect est une perception intuitive qui nous dévoile la cohérence et les notions de relations causales, de liaisons. Il s’agit d’une méthode nouvelle de penser, foncièrement différente des procédés discursifs. L’aristotélicien « bourré de bon sens » est, selon Nicolas de Cues, tel un cheval attaché à sa mangeoire, qui ne mangera que ce que l’on y met.

Dès que vous rejoignez le niveau de l’intellect, il vous faut vous libérer des opinions reçues et vous ouvrir aux idées nouvelles – vous arracher de la mangeoire. Pour la plupart des Européens, « y’a rien à faire » ! Rien n’est moins vrai ! Pourquoi l’Europe devrait-elle faire sienne cette politique américaine d’implantation de missiles sur notre continent, qui en fait la cible de sa propre extinction ? Pourquoi foncer vers une nouvelle guerre fondée sur les seuls mensonges que l’on nous raconte sur la crise ukrainienne ?

La vérité doit resurgir. S’opposer à la guerre ne suffit pas. Peut-être nous faut-il prendre le chemin de Charles de Gaulle en 1966 – sortir de l’OTAN. Plus fondamental encore, il faut nous mobiliser au maximum de nos capacités, de nos forces, pour que l’Europe et les Etats-Unis rejoignent le Pont terrestre mondial et que s’instaure un ordre mondial pacifique au XXIe siècle. En faisant le lien entre la Nouvelle route de la soie et le Pont terrestre mondial, non seulement nous forgerons la coopération avec les pays en voie de développement, l’Afrique, l’Amérique latine, mais nous pourrons reconstruire les Etats-Unis ! Il faut construire un système transcontinental rapide à travers les Etats-Unis, dont l’infrastructure est en ruine. Il faut déclarer la guerre à la désertification, car la Californie, le Texas et les Etats à l’Ouest du Mississippi meurent de soif.

Le Premier ministre indien Modi vient d’annoncer que l’Inde allait construire cent nouvelles « villes intelligentes », projet auquel nous avions donné le nom, il y a des années déjà, de « villes de Cues ». Il faut reconstruire l’Europe du sud, le Moyen-Orient, l’Afrique, éradiquer la faim dans le monde pour en faire une planète où chacun pourra vivre à son aise. Il nous faut établir un nouveau paradigme basé sur les objectifs communs de l’humanité. Nous devons lancer de manière consciente la prochaine phase d’évolution de l’humanité, signer des accords pour explorer ensemble l’espace. Les pays du BRICS sont déjà dans l’espace, et l’Europe et les Etats-Unis doivent mettre les bouchées doubles pour y contribuer. Pensons comme les astronautes, les cosmonautes, les taïkonautes, qui observent la planète bleue depuis l’espace et se disent que « les frontières n’existent pas », en se rendant compte de combien petite est notre planète au cœur du vaste système solaire et d’une galaxie plus vaste encore, au milieu de milliards de galaxies.

Si l’on veut que l’espèce humaine existe d’ici 100 ans, d’ici 1000 ans, d’ici 100 millions d’années, il va falloir prouver que tous ces géophysiciens qui martèlent qu’il est minuit moins une et que notre espèce disparaîtra à minuit plus 2, se sont trompés, car notre espèce est la seule, à notre connaissance, qui soit créatrice.

Selon Vladimir Vernadski, la noosphère tendra de plus en plus à dominer la biosphère car le processus créateur humain deviendra une force toujours plus importante au sein de l’univers. C’est vers cela que nous devons tendre. A l’avenir, l’identité de chaque être humain en tant que « génie » sera non pas l’exception, mais la règle. Pour ce que cela devienne réalité, la beauté est la condition nécessaire de l’homme.


Dr Ren Lin : pour une coopération mondiale plus inclusive

Mes études m’ont porté à étudier la mondialisation, l’intégration économique, l’intégration régionale, etc. autant que l’OBOR (One Belt, One Road), c’est-à-dire la ceinture économique de la Nouvelle route de la soie…


Pr Shi Ze – Regard sur le concept nouveau d’« Une ceinture, une route »

Pr Shi Ze

Chercheur et directeur des études stratégiques internationales sur les questions énergétiques à l’Institut chinois d’études internationales (CIIS), groupe de réflexion rattaché au ministère chinois des Affaires étrangères, Beijing.


Chère Madame LaRouche, chère modératrice, chers amis, bonjour.

D’abord, je voudrais féliciter les organisateurs de cette conférence. Je voudrais aussi remercier l’Institut Schiller d’avoir invité des représentants chinois. Le développement des BRICS attire aujourd’hui de plus en plus l’attention, surtout depuis la crise économique. Je pense que l’on peut voir ça en deux points.

D’abord, le rôle des BRICS sur le plan économique, social et politique est de plus en plus important. D’autre part, la coopération entre les pays des BRICS et les pays développés est de plus en plus faible, et l’on voit le développement du Brésil, l’Inde, la Russie, et même la Chine ! C’est à dire que la relation entre les pays des BRICS et les pays développés est de plus en plus faible. C’est une question qui mérite la réflexion. Nous avons maintenant une grande chance, surtout sur le plan économique, du soutien financier. Nous avons des conditions de plus en plus favorables. Par rapport à il y a quelques années, nous avons une capacité d’investissement de plus en plus forte. La Chine en tant que pays en voie de développement, et également pays membre des BRICS, peut jouer un rôle très important pour pousser le développement des autres pays. L’Inde et la Russie également. Leurs rôles sont de plus en plus importants pour le développement des BRICS.

Le prochain sommet des BRICS à Oufa en Russie sera un moment crucial pour le développement. Surtout, nous attendons de nouvelles mesures sur le plan économique, sur le plan de l’investissement, de la culture et de la coopération des jeunes. Personnellement, j’attends avec impatience le prochain sommet des BRICS.

Aujourd’hui, le contenu de mon discours est principalement sur la Chine, et aussi sur le plan d’une ceinture une route. C’est une idée nouvelle. C’est une pensée nouvelle. Voici le contenu principal de mon discours.

Je vais parler en trois points.

Première partie

En introduisant ce magnifique concept d’« Une ceinture, une route », les dirigeants chinois ont déjà attiré l’attention de la communauté internationale.

La majorité de la communauté internationale a exprimé des avis très positifs.
Mais certains observateurs ont vu dans ce concept « Une ceinture, une route », l’importance stratégique du développement économique et social de la Chine, et de sa diplomatie.

Il leur semble que la Chine propose cette idée d’« Une ceinture, une route », seulement dans la perspective de son propre développement, et non pas comme occasion importante et comme potentiel pour apporter de la croissance et du développement tout le long des régions de la zone, et même au niveau mondial.

Si l’on considère que le projet « Une ceinture, une route » est destiné au seul développement futur de la Chine, on commet, dans ce cas, une erreur d’interprétation du sens profond de son objectif stratégique.

De nombreux médias étrangers ont interprété ce concept comme « un plan Marshall dans sa version chinoise, et un défi de la Chine à l’ordre international des Etats-Unis » : c’est une interprétation encore plus partiale.

Alors pourquoi la Chine a-t-elle proposé cet ambitieux concept d’« Une ceinture, une Route » ?

Tout d’abord, je voudrais analyser, du point de vue de l’équilibre du développement, pourquoi la promotion par la Chine d’« Une ceinture, une route » est capable de promouvoir le développement commun des pays le long de la Route.

Concernant la définition de l’équilibre du développement des pays le long de la Route, on distingue trois niveaux ?

Premièrement, c’est à partir du niveau de développement de la Chine intérieure qu’il contribuera à l’équilibre du développement entre la Chine de l’Est et de l’Ouest, car il existe actuellement un déséquilibre entre ces régions.

D’après la topographie de la Chine, tout le monde sait que l’Ouest est en haut et l’Est en bas, que l’Ouest est un plateau et l’Est une plaine.

Par contre, au niveau du développement économique, c’est le contraire : l’Est est en haut et l’Ouest en bas. C’est-à-dire qu’à l’Est, y compris la région côtière, le développement économique est plus important, alors qu’à l’Ouest, il est plus faible. Le développement économique dans les montagnes et les campagnes est relativement en retard.

On peut dire que c’est l’inverse de la topographie.

Selon la publication récente des données du Bureau national des statistiques, le PIB de la Chine est de 6800 dollars par habitant. Tandis que le PIB par habitant de la région autonome du Xinjiang à la frontière occidentale est de 6200 dollars, le PIB dans le delta de la Rivière des perles est supérieur à 10 000 dollars depuis déjà plusieurs années, et dans certaines zones, il est même proche de 20 000 dollars. C’est une différence énorme.

Le deuxième niveau concerne le déséquilibre de développement entre la Chine et les pays à l’Est et à l’Ouest de sa périphérie.

Entre l’Est de la Chine et la région Pacifique, et entre l’Ouest de la Chine et l’Eurasie, le développement présente de la même manière un grand écart.

En 2014, notre volume d’échanges commerciaux avec le Japon était de 310 milliards de dollars, avec les pays de l’ASEAN, le volume a atteint 480 milliards de dollars, et avec la Corée du Sud, il a atteint à 290 milliards de dollars.
Si j’additionne les trois, Japon, Corée du Sud et pays de l’ASEAN, le total du volume des échanges commerciaux était de 1000 milliards de dollars. Par contre, quelle est la situation des importations et des exportations avec l’Ouest ?

En 2014, le volume du commerce entre la Chine et les cinq pays d’Asie centrale était d’environ 40 milliards de dollars, et avec l’Inde, de 70 milliards de dollars, alors qu’avec la Russie, il n’a pas dépassé les 100 milliards.

La Fédération de Russie et l’Inde sont parmi les plus grands pays au monde. En comptant l’Asie centrale, le total du commerce entre la Chine et ces pays ne dépasse même pas le volume du commerce entre la Chine et la Corée du Sud, qui représente un montant de 240 milliards de dollars. C’est pour cela que nous avons lancé le concept d’« Une ceinture, une route », vision stratégique orientée vers l’Ouest de la Chine et vers la grande région eurasienne, afin que le développement de ces régions à l’Ouest soit aussi dynamique que dans celles de l’Est.

Nous savons que l’Ouest de la Chine est riche en ressources. C’est une région qui concentre les richesses en ressources. Ainsi, les voisins de la région occidentale de la Chine comme les pays d’Asie centrale, la Russie et aussi ceux d’Asie de l’Ouest, sont riches en ressources, par exemple en pétrole, en gaz naturel et en métaux non ferreux. Ce sont des pays riches en réserves au niveau mondial.

Actuellement, le développement durable de la Chine fait face à un goulet d’étranglement, qui est le manque de ressources. Les importations de pétrole par la Chine l’année dernière ont atteint 310 millions de tonnes. C’est un chiffre considérable : il représente 58 à 59 % de la consommation globale de notre pays, soit presque 60 %. Il est évident que la Chine dépend énergétiquement de l’étranger.

Par conséquent, la Chine a besoin de coopérer pour l’énergie et les ressources avec les pays situés le long de la Route, non seulement pour améliorer et développer leur économie, mais aussi pour les besoins du développement durable en Chine.

Cette coopération est non seulement dans l’intérêt du développement des pays le long de la Route, mais aussi avantageuse pour le développement de la Chine. C’est le but de satisfaire les intérêts des deux parties.

Le troisième niveau est de contribuer à l’équilibre du développement de l’ensemble du continent eurasiatique. Cela permettra de créer un nouveau moteur de croissance économique mondiale.

Le continent eurasiatique est un vaste territoire. Sa partie orientale est le centre économique Asie-Pacifique, qui a une économie florissante. L’Ouest de l’Europe, adjacente de l’Eurasie, est un espace de prospérité économique.

Par contre, la vaste zone centrale se développe lentement, loin derrière les deux extrémités du continent.

L’image de cette situation est celle d’un haltère. Grosse aux deux extrémités, sa partie intermédiaire est une bande étroite. Mais elle est parsemée de graines et offre un énorme potentiel.

C’est-à-dire que les deux extrémités de l’Eurasie ont des développements rapides et les régions centrales ont beaucoup de retard, et ce depuis longtemps.

Si le développement d’« Une ceinture, une route » avance bien, il peut constituer une nouvelle zone économique immense, que ce soit à l’échelle de la population, de l’économie totale ou du potentiel de développement. Aucun des deux continents économiques actuels ne peut être comparé à cette zone, ce qui permet de créer une structure favorable pour le développement de l’ensemble de l’Eurasie, au travers de l’Est, du Centre et de l’Ouest de la région.

L’accélération du développement du continent eurasiatique sera un moteur important pour la croissance de l’économie mondiale. Il jouera un rôle important dans l’équilibre du développement pour stimuler l’économie mondiale.

Deuxième partie

La Chine a proposé cette idée dans des circonstances où elle fait face à un grand défi, qui a stimulé son inspiration et sa créativité. Le point de départ est le développement de la Chine et en même temps, la promotion du développement et du progrès dans le monde.

Qu’apporte au monde ce projet « Une ceinture, une route » ?
A mon avis, les éléments suivants :

Premièrement, il continuera à promouvoir le processus de mondialisation. Dans les décennies passées, l’élan de la mondialisation a accéléré l’intégration rapide des mondes de la politique, de l’économie et de la culture.

Le développement rapide de la mondialisation a modifié la structure politique de l’économie mondiale. Dans celle-ci, le rôle des Etats et des économies émergentes en particulier ne doit pas être ignoré.

Néanmoins, l’origine de la crise financière aux Etats-Unis a engendré des doutes dans beaucoup de pays. Ils pensent que la mondialisation n’est plus seulement un bénéfice pour leur propre développement, mais aussi une source de nombreux problèmes.

Certains pays ont même engagé des réflexions sur les avantages et les inconvénients de la mondialisation. Des idées et des actions se sont même élevées contre la mondialisation. Les problèmes sont perceptibles sur les questions commerciales, où les pays développés ont resserré les normes du commerce sur les économies émergentes. Certains ont également brandi l’étendard du protectionnisme lors des négociations commerciales multilatérales de l’OMC.

De même, un nouveau phénomène dans l’économie mondiale est le découplage et la tendance à la différenciation entre les pays émergents et les pays développés. La croissance économique dans les pays développés n’a plus le niveau qu’elle avait dans le passé, alors qu’elle avait tiré la croissance des économies émergentes.

Dans ce contexte, le président Xi Jinping a proposé le projet « Une ceinture, une route » afin de promouvoir la mondialisation. Il a souligné que la Chine, sous l’impact de la mondialisation, ne cherchait pas à se préserver, mais qu’elle souhaitait que des liens soient tissés entre des pays qui détiennent une histoire et une culture.

En rassemblant plus de 60 pays et en renforçant considérablement les bases de la communication et de la coopération économique et commerciale entre eux, « Une ceinture, une route » donnera une puissante impulsion à la mondialisation.

Deuxièmement, concernant la création de nouveaux moteurs pour la croissance économique mondiale, « Une ceinture, une route » possède à l’une de ses extrémités le cercle économique Asie-Pacifique, à l’autre l’espace économique européen développé, et dans la zone intermédiaire, des pays riches en semences, l’ensemble ayant un potentiel énorme.

Si le développement d’« Une ceinture, une route » avance bien, il peut former une nouvelle zone économique immense, que ce soit à l’échelle de la population, de l’économie totale ou du potentiel de développement. Aucun des deux continents actuels ne peut être comparé à cette zone économique. Elle sera un moteur important de la croissance économique mondiale.

« Une ceinture, une route » va donner à la construction de l’économie mondiale une croissance rapide, le développement étant la solution clé du problème de la pauvreté. Seul le développement durable sera le moyen le plus efficace pour résoudre, en fin de compte, le problème de la pauvreté et pour améliorer le niveau de vie de la population.

Troisièmement, libérer l’énergie positive des différentes civilisations et développer la tolérance. Le long du tracé d’« Une Ceinture, une route », compte-tenu de la complexité des religions de chaque ethnie, il faut maintenir l’ouverture d’esprit et la tolérance. C’est dans cet esprit que la coopération contribuera à résoudre les problèmes.

La culture chinoise se caractérise par une grande tolérance. L’influence de la culture est fondamentale. La tolérance de la culture chinoise a été décisive dans l’action de la Chine dans la communauté internationale.

La culture chinoise inspirée de Confucius exige de « se cultiver soi-même, puis de rassurer les autres ». C’est-à-dire qu’il convient tout d’abord de faire le bien en nous-mêmes, puis d’interagir avec les autres. L’influence de la philosophie politique et de la culture chinoise est la clé principale et fondamentale de la Chine : réflexion tournée vers l’intérieur et tolérance avec l’extérieur.

Cette philosophie est très différente des autres dans le monde, en particulier de la philosophie occidentale. Malgré les différences entre les civilisations dans le monde, il n’y a aucune différence de qualité. La diversité des civilisations, c’est ce qui est merveilleux dans ce monde. La construction d’« Une ceinture, une route » est l’apprentissage mutuel de la diversité des civilisations, de la tolérance mutuelle, et non la voie vers le conflit. C’est le bien public et l’énergie positive que la Chine voudrait apporter au monde.

Quatrièmement  : contribuer à plus de paix et de sécurité dans le monde. L’expérience en Europe et dans d’autres régions atteste que la coopération étroite des politiques économiques apportera une paix et une sécurité durables.

La complexité des relations entre les intérêts des pays de la zone « Une ceinture, une route ». La situation en matière de sécurité traditionnelle et non traditionnelle est très sensible. Elle est fondamentale pour la construction du projet.

La mise en place d’un mécanisme de sécurité régionale durable est indispensable pour la construction d’« Une ceinture, une route ». Mais le plus urgent est le développement d’une coopération économique étroite des pays le long la Route.

L’intégration sur le plan économique est elle-même une base importante pour le maintien de la sécurité.

Le président Xi Jinping a proposé un nouveau concept de sécurité pendant la réunion de la CICA, consistant à apprendre à respecter une sécurité commune, une sécurité de coopération, une sécurité globale et une sécurité durable. Ce concept pourrait bien devenir un important consensus dans le lancement du projet « Une ceinture, une route ».

La construction d’« Une ceinture, une route » est impossible sans un mécanisme de sécurité durable, c’est-à-dire sans établir des bases communes de coopération et de synthèse. Elle est indissociable de la sécurité des relations entre grandes puissances. Elle peut aussi faire la promotion de moyens publics de sécurité maritime et terrestre. Cela contribuera à la sécurité au niveau mondial et régional pour l’avenir.

Troisième partie

Quelles sont les innovations dans le concept « Une ceinture, une route » proposé par la Chine ?

Premièrement, il diffère non seulement sur le plan de la philosophie diplomatique avec la politique introduite au début de la réforme et de l’ouverture : « Emprunter des ressources externes », mais montre également que le champ de vision de la stratégie chinoise n’est plus un nationalisme étroit, comme le prétendent certains médias, mais désormais une forme de pensée cosmopolite.

C’est une polymérisation résultant de l’énergie positive de la réforme et de l’ouverture de la Chine dans le système international depuis trente ans, puis une rétroaction vers le monde extérieur, formant un cycle de développement interactif bidirectionnel.

Cela montre que la Chine a vraiment commencé à construire une sorte de « justice internationale » qui contribue au développement commun de tous les pays du monde, y compris ses voisins, pour partager les dividendes de son développement.

Cette pratique deviendra un plus dans l’intérêt des pays. Parce qu’elle signifie que la Chine qui continue à se développer désire construire activement une perspective internationale sur la base des règles en vigueur. C’est également dans ce sens que la Chine et les pays extérieurs vont aboutir par l’intermédiaire de « la zone économique de la route de la soie » à une sorte de polymérisation.

Deuxièmement, pendant la construction d’ « Une ceinture, une route », la Chine a pris l’engagement politique de la poursuite de l’ouverture, de l’égalité et du partage. Ses principales préoccupations sont de former un type de coopération culturelle avec les pays situés le long de la région, malgré de grandes différences politiques, idéologiques et de modèle économique.

On peut dire que c’est une sublimation de « l’esprit de Shanghai », qui est « la confiance mutuelle, l’avantage mutuel, l’égalité, la consultation, le respect de la diversité culturelle et la recherche d’un développement commun ».

Il est le reflet de la nouvelle réalité géopolitique et géoéconomique de l’Eurasie dans la période d’après-Guerre froide. Son objectif est de construire et de réaliser une paix durable dans la région, et de fournir un mécanisme dynamique de développement harmonieux et de prospérité commune.

Cela signifie que toutes les parties sont appelées à participer à la coopération entre les parties prenantes et à maintenir des relations de partenariat, et que tout comportement trop égoïste, même non agressif, affectera l’enthousiasme des partenaires dans la coopération.

C’est ce cadre l’orientation de la Chine avec les autres pays par un processus de coopération mutuelle d’intérêts et politique qui pourrait stimuler les possibilités de coopération.

Troisièmement, lorsqu’on souligne les obligations et la responsabilité de la Chine pour les affaires régionales, cela ne signifie pas que la Chine voudrait essayer de les dominer voire de les monopoliser, mais construire un projet géopolitique.

Le président chinois Xi Jinping a également souligné dans sa dernière tournée en Asie centrale, l’année dernière, la règle essentielle selon laquelle la Chine « ne recherche pas l’hégémonie dans les affaires régionales ni à gérer une sphère d’influence ».

Bien que cette initiative mette l’accent sur l’idée de bâtir une coopération entre certains pays de la région, la Chine souhaite quand même maintenir un mécanisme de coordination avec d’autres régions comme au niveau international.

L’initiative de la Chine pour renforcer le développement de l’Organisation de coopération de Shanghai et de la Communauté économique eurasiatique, en particulier la signature par les dirigeants chinois et russes, en mai de cette année, de la Déclaration conjointe de « la zone économique de la route de la soie » et de « l’Union économique eurasiatique » est une preuve de rapprochement.

L’initiative de « la zone économique de la route de la soie » n’est pas forcément une sorte d’arrangement d’échanges sur une base égalitaire.

Elle montre que la Chine voudrait fournir plus de biens publics sur la base de facteurs tels que ses capacités nationales et d’autres éléments. Elle souhaite partager les opportunités de développement en commun avec les pays situés le long de cette zone, promouvoir le développement mutuel afin de proposer un objectif de construction d’une communauté d’intérêts, et promouvoir l’existence de cette communauté et le développement durable.


H.E. Hamid Sidig: Message de salutations à la conférence

J’aimerais exprimer ma gratitude et souligner à quel point je me sens honoré de participer dans cette conférence importante. Depuis trente ans, l’Institut Schiller a joué un rôle décisif pour favoriser le débat sur les enjeux majeurs qui ont façonné l’avenir de notre monde…


Leonid Kadyshev : La vocation des BRICS

Leonid Kadyshev

Ministre conseiller de l’Ambassade de Russie en France.


Je ne voudrais pas réduire mon discours exclusivement à la relation entre les BRICS et le projet de “Nouvelle route de la soie”. Tout d’abord, parce que ce projet a de nombreuses dimensions, comportant entre autres de larges possibilités de coopération avec l’Union eurasiatique, à laquelle l’appartenance est également très importante pour la Russie. Deuxièmement, il est primordial de comprendre que la signification et la vocation créatrice des BRICS comme un nouveau type de regroupement ne se limitent pas à un certain nombre de projets sélectionnés, sa portée est beaucoup plus large.

Les BRICS dans le système mondial et les relations internationales

Tout d’abord, je tiens à évoquer la place des BRICS dans le système international telle que vue de Moscou.

Aujourd’hui les BRICS s’affirment comme un tparticipant influent dans le système de gouvernance mondiale.

En même temps, les BRICS sont une jeune association interétatique qui, du point de vue russe, reflète les grandes tendances de notre temps. Elle possède également un certain nombre de qualités novatrices.

L’émergence de ce groupe était le résultat naturel du développement dynamique des processus de globalisation, de la dispersion de la puissance mondiale et du renforcement de nouveaux centres de croissance économique et d’influence politique, avec en parallèle le renforcement de l’interdépendance des pays situés sur les différents continents. La coopération entre les « Cinq » reflète le besoin partagé d’établir un partenariat solide entre les différentes cultures et civilisations en tant que base de la formation d’un système international polycentrique.

Le fait que le phénomène des BRICS corresponde au vecteur objectif du développement mondial rend cette formation attractive, dynamique, tournée vers l’avenir. Il est essentiel que ce groupe ne soit pas lié par le carcan de hiérarchie ou la discipline rigide propre aux blocs ou coalitions politico-militaires.

Les BRICS sont un symbole du monde multipolaire en formation. Il est évident que pour cette raison, l’attitude de l’Occident à son égard est – j’emploie ici un euphémisme – prudent. L’Occident, habitué à contrôler de nombreux processus dans l’économie mondiale, ne peut pas accepter le fait qu’il existe des alternatives libres.

La coopération au sein des BRICS, à notre avis, constitue un exemple de la façon dont le partenariat multilatéral doit être construit au XXIe siècle. Personne n’exerce de domination dans cette formation, il n’y a pas de soumission, on travaille sur la base d’une véritable égalité et du respect mutuel. Cette coopération n’est pas dirigée contre des pays tiers – au contraire, on partage un agenda positif qui consiste avant tout à créer des sources supplémentaires de développement et à consolider le bien-être de nos peuples, ce qui est inextricablement lié avec les objectifs du maintien de la stabilité internationale fiable.

Par conséquent ont tort ceux qui essaient d’attribuer aux BRICS une orientation conflictuelle qui n’est pas propre du tout à ce groupe.

La défense des principes de la démocratie et de la justice dans les relations internationales est un aspect clé de toutes les activités des BRICS. C’est l’un des principaux centres de la formulation des prises de position équilibrés dans l’intérêt de la résolution des problèmes internationaux les plus pressants. Dans ce contexte, il est difficile de surestimer l’importance des voix solidaires des BRICS appelant à un travail collectif approfondi visant le règlement pacifique en s’appuyant sur la Charte de l’ONU, sans « deux poids deux mesures », sans aucune intervention militaire unilatérale ni utilisation du bâton des sanctions. La défense du caractère indivisible de la sécurité, le refus d’admettre qu’il est possible de renforcer sa propre sécurité au détriment des autres, consolident le potentiel des BRICS dans le développement des solutions à long terme aux crises régionales. Ce rôle des BRICS ne fait qu’augmenter.

La ligne commune pour assurer que la formation du nouveau système multipolaire se fonde sur la raison, la vérité, le partenariat des civilisations, permet aux BRICS de servir comme une sorte de phare dans la mer agitée de la politique mondiale. Un autre témoignage de l’autorité croissante des BRICS est le succès des rencontres dans le format d’”outreach”, liées aux sommets du groupe – avec la participation des Etats appartenant à la région du pays-hôte de l’événement. La ville russe d’Ufa se prépare à accueillir la prochaine réunion de ce type où sont invités nos partenaires dans l’espace eurasiatique.

La prochaine présidence russe des BRICS

Comme l’a souligné le chef de l’Etat russe M. Vladimir Poutine, la présidence russe mettra l’accent sur l’utilisation la plus efficace des capacités des BRICS pour renforcer la sécurité et la stabilité dans le monde.

Chaque sommet des BRICS est un jalon, une étape de développement de cette jeune association. Lors du sommet de Fortaleza (15-16 juillet 2014) ont été signés les documents sur la création d’une nouvelle banque de développement ainsi que les statuts des BRICS. A Ufa, la présidence russe vise un progrès substantiel dans plusieurs domaines. Elle espère amener la coopération des BRICS à un nouveau niveau stratégique. Dans le domaine économique, nous comptons sur le lancement, à la veille du sommet, de la Nouvelle banque de développement et la création du pool de réserves de devises – il est nécessaire pour cela d’achever le processus de ratification par tous les Etats-membres. La partie russe espère qu’il en sera ainsi, parce que le processus de ratification va très bien dans tous les pays participants.

En outre, nous attendons que soit adoptée au sommet la stratégie de partenariat économique des BRICS. Ce sera un document d’étape pour la poursuite du développement de notre coopération dans le domaine pivot – l’économie.

Immédiatement après l’adoption de cette stratégie, il est prévu de commencer à élaborer une feuille de route de coopération dans le domaine des investissements. Ce document a vocation d’étoffer, de remplir cette coopération de projets de coopération intéressants et bien détaillés. Un autre aspect qui sera très important dans le domaine économique : il est prévu d’ouvrir de nouveaux axes de coopération, l’exploitation minière, l’énergie, les communications, etc. On compte sur la coopération afin de faciliter la conduite des affaires : cela touche la fiscalité, la simplification des formalités, etc.

Seront significatifs des événements qui précéderont le sommet d’Ufa. Tout d’abord, il est à noter que le 8 juin dernier a eu lieu pour la première fois le Forum parlementaire des BRICS. La dimension parlementaire permettra de renforcer la base de la coopération parmi les membres.

Un autre volet important de la présidence russe, qui va enrichir la palette du sommet : le sommet de la jeunesse, qui se tiendra à Kazan en juin. Ceci est également un nouveau phénomène dans le développement des BRICS. Ce sommet permettra de rapprocher les BRICS de la jeune génération de nos pays – nous savons que chaque organisation a des perspectives et un avenir si elle est soutenue par des jeunes.

Il est à noter également la coopération dans le domaine de la culture – encore une nouvelle dimension. Un accord de coopération dans le domaine de la culture entre les pays des BRICS sera préparé pour le sommet.

Les BRICS et le développement de l’économie mondiale

Une attention particulière doit être portée à la question de l’importance des BRICS pour l’économie mondiale.

Il est essentiel que nos partenaires internationaux comprennent : les BRICS n’ont pas l’intention d’entrer en confrontation avec qui que ce soit – ni en politique ni dans le domaine de la finance ou de l’économie. Je tiens à souligner une fois encore la vision russe des BRICS – c’est une proposition au monde d’un modèle de coopération fondamentalement nouveau. Un modèle basé sur le dépassement des anciennes lignes de division, constituées par la confrontation des blocs ou par la pensée qui l’appelle de ses vœux, selon l’axe “Est-Ouest” ou “Nord-Sud”.

Les BRICS sont ouverts à la coopération avec tous les Etats, indépendamment de leur origine géographique ou aspirations géopolitiques. En même temps, la Russie s’oppose à la création de systèmes économiques fermés qui tiennent à distance les pays des BRICS. Par exemple, les Etats-Unis ont refusé catégoriquement de considérer la question de l’admission de la Chine au Partenariat du Pacifique, et la même attitude a été manifestée envers la Russie. Dans ces circonstances, selon la Russie, la réponse des BRICS devrait être d’unir nos forces pour soutenir le système de commerce international fondé sur des règles de l’OMC. L’OMC est une sorte de Nations unies du commerce mondial. Si elle commence à s’écrouler, cela entraînera une concurrence commerciale féroce et les grands antagonismes ne vont pas tarder. La Russie est contre un tel scénario, donc elle se prononce fermement en faveur du maintien du système unifié de règles sur lesquelles est fondée l’OMC.

En ce qui concerne la coopération économique au sein des BRICS, les pays-membres sont réalistes : nous voyons ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui. Par conséquent, il y a un désir mutuel pour faciliter au maximum la coopération entre nos communautés d’affaires afin d’utiliser les grandes opportunités offertes par le caractère complémentaire de nos économies. Par exemple, la nouvelle banque des BRICS ainsi que le pool des réserves de devises, entre autres, aideront à la fois la Russie et tous les autres pays des BRICS à contrecarrer la pression illicite et politisée de l’Occident. Lorsque la banque sera lancée, le travail sur des projets majeurs d’infrastructures et d’investissements dans le format des BRICS suivra une courbe de croissance et apportera des résultats concrets positifs.

Le marché des BRICS compte 3 milliards de consommateurs – c’est plus que le marché potentiel de la zone de libre-échange du Pacifique et de la zone de libre-échange transatlantique. En outre, c’est le marché le plus dynamique dans le monde. Les BRICS ont besoin de travailler sur la suppression des obstacles à leur commerce croisé, le faisant sur une base équilibrée.


Egbert Drews: Le réseautage économique international, expérience pratique

J’aimerais commencer par remercier Madame Zepp-LaRouche ainsi que les organisateurs de cette conférence pour me donner l’opportunité de vous parler aujourd’hui. Vous serez peut-être surpris d’entendre que les entrepreneurs des PME-PMI allemandes (Mittelstand) sont directement concernés par le sujet de cette conférence, et que nous sommes intéressés à ce débat et son déroulement…


H.H.S. Viswanathan : Un nouveau paradigme pour un monde mondialisé

H.H.S. Viswanathan

Membre émérite à l’Observer Research Foundation. Coordinateur des activités liées aux BRICS et à l’IBSA (Groupe Inde, Brésil, Afrique du Sud), New Delhi, Inde.


Evolution

Il est bien connu que Jim O’Neill, de Goldman Sachs, dans un article qui fait référence publié en 2001, avait identifié quatre pays (Brésil, Russie, Inde, Chine – BRIC) comme les grandes économies à forte croissance et donc les meilleures destinations d’investissement. Cependant, au cours des quatorze dernières années, la liste des bonnes destinations d’investissement a fait du chemin. L’Afrique du Sud a été incluse en 2011, intégrant ainsi un membre du grand continent africain. Aujourd’hui, les BRICS représentent 40 % de la surface terrestre, 30 % de la population, 25 % du PIB mondial et 20 % de la capitalisation boursière.

Au début, les pays membres avaient trois missions principales : coopérer plus étroitement au sein des BRICS, réformer les institutions financières mondiales et traiter la question de l’ordre mondial et de la gouvernance mondiale. Les réalisations sur ces trois fronts ont été impressionnantes. Une coopération vigoureuse s’est mise en place dans les domaines d’intérêt commun comme la santé, une croissance durable inclusive, la problématique homme-femme, l’éducation, l’urbanisation, la sécurité alimentaire et énergétique, l’innovation et la qualification. Le commerce intra-BRICS a été multiplié par quinze au cours de la période 2001-2011 et l’on s’attend à ce qu’il franchisse la barrière des 250 milliards de dollars cette année. Ceci n’est encore qu’une très faible partie du vrai potentiel existant. Les cinq pays échangent de l’information et apprennent des expériences et des pratiques des uns et des autres.

Concernant la question de la réforme des institutions de Bretton Woods (IBW), en l’occurrence le FMI et la Banque mondiale, un petit pas a été franchi lors du G-20 de Séoul en 2010. Tout progrès supplémentaire a été bloqué par le Congrès américain.
L’évolution des BRICS au cours des quatorze dernières années peut être décrite correctement de la manière suivante : les BRICS ont débuté en tant que groupe motivé par une aspiration commune et ont évolué pour devenir un groupe de consultation. Lentement, il est devenu un groupe de négociation et cherche maintenant à devenir un groupe capable de définir l’ordre du jour.

L’initiative des BRICS n’est pas qu’une démarche de gouvernement à gouvernement. De nouvelles idées de coopération sont générées au sein d’organismes de soutien comme le Forum académique des BRICS, le BRICS Think Tank Council, le BRICS Business Council et les interactions de la société civile au sein des BRICS.

Qu’est-ce qui fait tenir les BRICS ensemble

On pose souvent cette question, en particulier ceux qui n’ont pas une idée claire du concept des BRICS. La confusion vient du fait que ces personnes regardent ce groupe avec les yeux des vieux paradigmes. Jusqu’à maintenant, le monde était habitué à des groupes fondés sur la géographie (UE, ASEAN, SAARC, etc.), l’idéologie (OCDE, COMECON), les matières premières (OPEP, Club du café, Club des exportateurs de minerais de fer, etc.), les technologies (NSG, MTRC, etc.), l’appartenance ethnique (Ligue arabe) et la religion (OCI). Les BRICS n’entrent dans aucune de ces catégories. Il y a pourtant quelque chose en commun entre les cinq pays en question : ils ont tous joué le jeu de la mondialisation selon la règle fixée par les pays développés, et avec succès. Ils ont tous en commun certains problèmes de développement et des problèmes nouveaux du à la mondialisation, telle qu’une croissance déséquilibrée. Ils croient tous au multilatéralisme et à l’inclusion. Ils ont des aspirations communes et la vision qu’il faut avoir une voix plus forte pour se faire entendre dans les affaires du monde afin de contribuer de façon positive à la paix mondiale, à la stabilité et au développement. Disséminés sur cinq continents, ces cinq pays cherchent à construire une architecture mondiale neutre d’un point de vue géographique.

Au cours des deux cents dernières années, les plus grandes économies étaient celles des pays développés. Durant cette même période, modernisation se confondait avec occidentalisation. Avec la mondialisation, les choses ont changé. Certes, il y a des divergences de vue sur certaines questions entre les cinq pays des BRICS. Quel groupe plurilatéral n’en a-t-il pas ? Peut-être vous souvenez-vous des beaux jours de l’OCDE, où il y avait une compétition intense entre les Etats-Unis, l’Europe et le Japon ? Ils ont malgré cela coopéré efficacement sur certaines questions stratégiques. Pourquoi les BRICS ne pourraient-ils pas en faire autant ? C’est précisément ce qu’ils cherchent à faire : se concentrer sur les convergences et réduire les divergences.

Les BRICS et le nouvel ordre mondial

Quels sont les changements que les BRICS aimeraient voir dans l’ordre mondial ? Ils n’aimeraient certainement pas renverser tout le système. Pourquoi détruiraient-ils un système qui leur a été dans une large mesure bénéfique ? Il n’en demeure pas moins cependant que l’ordre mondial a besoin d’être réformé et changé. L’ordre issu de la Deuxième Guerre mondiale est devenu obsolète, avec l’émergence de nouvelles puissances qui sentent que l’ordre existant comporte certains biais et avantages en faveur des pays développés occidentaux, tissés dans la trame du système. Le monde a changé et il faut donc modifier l’ordre en place afin qu’il puisse être, tant au niveau de la réalité que de la perception, juste et équitable. La réalité est que la force géo-économique des BRICS n’est pas reflétée dans l’arène géopolitique.

Comme l’a fait remarquer Ian Bremmer, « le monde est entré dans une phase de destruction créatrice géopolitique ». Les ordres issus aussi bien de la Première Guerre mondiale que de la Deuxième ne sont plus valables. Dimitri Trenine dit à juste titre que « l’espérance de vie des ordres mondiaux varie, mais, comme les êtres humains, ils sont mortels ». Plusieurs ordres dans l’histoire ont changé suite à des guerres et des événements violents. Cette fois cependant, on espère que cela se fera par un processus pacifique, car la mondialisation a créé une telle interdépendance que de violents changements d’ordres sont impensables.

Les BRICS aimeraient traiter certains aspects fondamentaux de l’ordre mondial, concernant les principes gouvernant les valeurs, les normes et les règles. Pour qu’ils soient universellement acceptés, la seule voie optimale est le processus sain du multilatéralisme. L’on espère qu’à travers ces processus, on pourra travailler à mettre en place un ordre véritablement multipolaire ou polycentrique.

En liaison avec cette question d’un nouvel ordre mondial, il y a celle du partage du fardeau par les puissances émergentes, souvent soulevé par les puissances du statu quo. Il s’agit ici de la question de l’œuf et de la poule. L’argument avancé par les puissances du statu quo est que les puissances émergentes doivent se mettre de l’avant et mettre l’épaule à la roue avant de demander plus de responsabilités. C’est ici que réside, en fait, la contradiction. Les puissances émergentes n’ont aucunement l’intention de partager le fardeau lorsqu’il s’agit de promouvoir un ordre existant ou un programme existant. Pourquoi devraient-elles y consentir si cela a pour but de perpétuer les injustices actuelles du système ?

Institutions mondiales : légitimité contre efficacité

Laissez-moi citer en exemple trois institutions mondiales qui se démarquent par leur caractère complètement anachronique : le FMI, la Banque mondiale et le Conseil de sécurité de l’ONU. Les deux premières, appelées communément les institutions de Bretton Woods, ont pour leurs têtes dirigeantes des pouvoirs de veto, des procédures décisionnelles et des processus de sélection qui sont dépassés. La part combinée des droits de vote revenant aux BRICS est de 11 % au sein du FMI, même s’ils contribuent pour 25 % au PIB mondial en termes nominaux, et 32 % en termes de parité de pouvoir d’achat (PPP). La part collective des BRICS au sein de la Banque mondiale est de 14 %. Dans son livre La Grande désillusion, Joseph Stiglitz soulève les déficiences du FMI et de la Banque mondiale en termes éloquents.

C’est dans ce contexte que l’initiative audacieuse des BRICS, visant à créer deux nouvelles institutions comme la Nouvelle banque de développement (NBD) et la réserve de change commune (le BRICS Contingent Reserve Arrangement, CRA), prend toute son importance. Voici un exemple par lequel les BRICS s’avancent pour partager le fardeau. La NBD fut une conséquence directe de la diminution des fonds mis à disposition par la Banque mondiale et les autres banques multilatérales de développement pour les infrastructures, dans le monde en développement. De la même manière, le CRA vise à résoudre le problème des liquidités à court terme et de balance des paiements des pays en voie de développement, tout en se passant des conditionnalités intrusives du FMI. Toutes deux ont été conçues en tant qu’institutions complémentaires à la Banque mondiale et au FMI, et ne visent pas à les supplanter.

Néanmoins, la création de la NBD et du CRA comporte un important message politique. Ce sont des institutions financières et elles travailleront tout naturellement sur la base de principes économiques, pour pouvoir réussir ; cependant, il n’en demeure pas moins que c’est la première fois en deux cents ans qu’une institution mondiale a été créée sans la participation de l’Occident développé. Ceci revêt en soi une grande importance. Beaucoup y voient comme un coup de semonce aux institutions mondiales surannées. Certains vont même jusqu’à affirmer que si la Banque mondiale et le FMI avaient procédé aux changements requis par les circonstances, il n’aurait pas été nécessaire de créer la NBD et le CRA.

Une autre institution mondiale anachronique est le Conseil de sécurité de l’ONU. Même si on lui concède la logique qui a conduit à sa formation après la Deuxième Guerre mondiale, il est complètement dépassé par la réalité d’aujourd’hui. Il ne fait aucun doute qu’il doit être rendu plus inclusif, avec un plus grand rôle donné aux puissances émergentes.

Ceci m’amène à la question de la légitimité par rapport à celle de l’efficacité. Selon un argument spécieux, avancé par certains, pour être efficaces, les instances mondiales doivent être petites. Cet argument va à l’encontre du principe de légitimité qui, avec l’efficacité, constituent les deux piliers de toute organisation. L’efficacité sans la légitimité conduira éventuellement à son démantèlement et la légitimité sans l’efficacité lui enlèvera son utilité. Idéalement, comme le dit Langenhove : « Dans toutes les institutions mondiales, il a trois équilibres, en l’occurrence le pouvoir, la responsabilité et la représentation. » De toutes les institutions mondiales existant aujourd’hui, seul le G-20 semble être légitime en termes de participation. Les pays membres du G-20 contribuent à hauteur de 85 % au PIB mondial.

Quelles sont les options pour les BRICS ?

Pour réformer l’ordre mondial et ses institutions, les BRICS ont quatre options : 1) se conformer, c’est-à-dire accepter ces structures plus ou moins équitables ; 2) réformer, comme les efforts visant à modifier les IBW ; 3) contourner, c’est-à-dire ignorer les normes qui pèsent lourdement sur le monde en voie de développement, tant que cela ne constitue pas une violation du droit internationalement reconnu ; et 4) récréer. La NDB et le CRA en sont des exemples. Espérons qu’il y en aura d’autres à l’avenir.

La perception qu’ont les tiers des BRICS

Ceci ne relève pas de la coopération intra-BRICS. Mais dès que se présente la question de changer l’ordre mondial et la gouvernance mondiale, cela devient important, car les BRICS doivent s’engager avec d’autres dans un dialogue constructif. Il est heureux que beaucoup d’observateurs en Occident voient les BRICS d’un œil positif. Les sceptiques, cependant, peuvent être classés en trois groupes : le premier manifeste une certaine curiosité ; sa question est « quel est ce nouvel animal appelé BRICS ? » Le second groupe fait preuve de méfiance : il soupçonne les BRICS d’avoir des intentions cachées et se demande comment leurs initiatives vont affecter ses intérêts. Le troisième groupe se montre hostile : son argument est que, puisque les BRICS remettent en question certaines normes existantes, il pourrait s’agir d’un groupe dangereux. Il est du devoir des pays des BRICS de répondre aux trois groupes et d’articuler leur point de vue.

Pour les sceptiques, il serait utile de suivre ce qu’a fait remarquer un jour Jacques Barzun : « Se voir soi-même comme les autres nous regardent est un don rare et de grande valeur, sans aucun doute. Mais dans les relations internationales, ce qui est encore plus rare et bien plus utile est de voir les autres comme ils se regardent eux-mêmes. »

La question de l’Ouest contre « le reste »

Dès qu’une discussion émerge concernant le besoin de réformer certains aspects de l’ordre mondial, le discours, malheureusement, se réduit à un argument du genre « l’Ouest contre le reste ». Il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. Le questionnement ne devrait pas être vu comme un affrontement. Beaucoup confondent l’absence de changement dans un ordre établi avec la stabilité. Mais les ordres s’effondrent lorsque les acteurs actifs se sentent exclus (dixit Volker Perthes). Si nous aspirons à un ordre inclusif et équitable, tout le monde doit en faire partie.

Dans le monde d’aujourd’hui, la réalité est que l’Occident a besoin « du reste ». Il est donc temps d’en finir avec le syndrome du « nous contre eux ».

Quel est l’avenir des BRICS ?

Pour le moment, il semble radieux. Mais la principale raison d’être des BRICS sera fonction des performances économiques des cinq pays membres. Dernièrement, leur croissance a ralenti de quelques points. Cependant, pour que les BRICS gardent un intérêt pour le monde, ils devront réaliser d’excellents taux de croissance.
Les BRICS souhaitent travailler d’une manière pratique, graduelle et incrémentale. Les cinq dirigeants sont tous d’accord sur ce point. Ainsi, bien qu’il soit imprudent d’ignorer les BRICS, il n’est pas nécessaire pour autant d’exagérer leur importance. Ces deux attitudes peuvent être évitées si on les voit tels qu’ils sont, c’est-à-dire un processus en cours et non pas un produit fini. La coopération intra-BRICS va certainement s’intensifier et s’élargir à de nouveaux secteurs. Au fur et à mesure qu’ils coordonneront leurs positions sur les enjeux mondiaux, les BRICS seront capables de fournir une narration alternative de valeur.


Michel Raimbaud: En Syrie et ailleurs, contre le parti de la guerre et la loi de la jungle, reconstruire une paix fondée sur le droit international

On entend beaucoup parler d’une nouvelle guerre froide, qui nous ramènerait au vieil affrontement de jadis entre le « monde libre », ancêtre de « l’Axe du Bien », et le « bloc totalitaire », baptisé « Axe du Mal » par George Bush, un affrontement qui s’était conclu par la victoire de l’Amérique sur le communisme…


S.E.M. Ali Ahani – L’Iran est prête à coopérer avec les BRICS

S.E.M. Ali Ahani

Message prononcé par Majid Javanmard, conseiller de l’Ambassade d’Iran en France.


Les peuples du monde, en particulier dans les pays en voie de développement, sont déçus de l’ordre mondial qui prédomine depuis des décennies sur les relations internationales et ne supportent plus les stratégies hégémoniques et de domination de certaines grandes puissances. De plus, les peuples constatent que les difficultés et les crises régionales et internationales, loin d’être résolues, sont devenues encore plus complexes. Dans une telle situation l’apparition d’un nouvel ensemble intitulé BRICS représente une lueur d’espoir pour les peuples des pays en voie de développement.

Toutefois, la clé du succès des BRICS réside dans leur capacité à connaître les racines et raisons de la faillite et de l’impuissance de l’ancien ordre mondial. Bien évidemment, l’absence de volonté sincère et sérieuse des grandes puissances pour trouver des solutions aux problèmes du Monde est d’ailleurs sans doute l’une des principales raisons de cette faillite. Naturellement, la bonne connaissance des racines des problèmes et des crises à travers le monde pourrait favoriser la mise en place des solutions appropriées.

Sans aucun doute, la République islamique d’Iran en tant qu’acteur important et incontournable dans la région du Moyen Orient, a toujours joué un rôle stabilisateur et favorisé l’apaisement des crises multiples qui secouent cette région stratégique de la planète.

Aussi, l’Iran ayant un poids géostratégique déterminant, et disposant de ressources naturelles importantes (1ère réserves de gaz, 4ème réserves de pétrole) et des ressources humaines jeunes et éduquées, peut représenter un partenaire fiable et puissant et réellement indépendant pour les BRICS et coopérer efficacement avec eux.

La conjugaison des capacités et potentiels des pays membres des BRICS avec les principaux pays des différentes régions du Monde, qui soient en mesure d’agir indépendamment de la volonté politique des grandes puissances, pourra être un élément clé de succès. Ainsi on pourra être optimiste quant à la capacité des pays du BRICS d’occuper la place qu’elles méritent pour une coopération sincère et juste et d’un pied d’égalité avec les pays en voie de développement en vue de résoudre les problèmes du Monde.

La République islamique d’Iran se déclare disposée et prête à coopérer avec les pays du BRICS en vue d’apporter son aide et son concours à la résolution des problèmes régionaux et mondiaux.

Je formule le vœu que la conférence d’aujourd’hui aura un effet des plus positifs dans ce sens et je vous souhaite un grand succès.

Merci de votre attention


S. E. Bouthaina Shaaban: Une reconstruction aux caractéristiques syriennes: Reconstruire un monde véritablement plus pluraliste et plus sur, fondé sur les leçons de l’expérience syrienne

L’un des problèmes majeurs auquel nous devons faire face aujourd’hui est le fait que les pays occidentaux pensent réellement que le monde leur appartient, qu’ils représentent à eux seuls la communauté internationale et qu’aucune valeur ou intérêt autre que leurs valeurs « universelles et exceptionnelles » ne doit passer avant…


Page 3 of 16First...234...Last