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Egbert Drews: Le réseautage économique international, expérience pratique

Egbert Drews

membre du CA de Marwiko AG, Berlin


Le réseautage économique international, expérience pratique

Mesdames et messieurs,

J’aimerais commencer par remercier Madame Zepp-LaRouche ainsi que les organisateurs de cette conférence pour me donner l’opportunité de vous parler aujourd’hui. Vous serez peut-être surpris d’entendre que les entrepreneurs des PME-PMI allemandes (Mittelstand) sont directement concernés par le sujet de cette conférence, et que nous sommes intéressés à ce débat et son déroulement. Je vais tenter, à travers ma contribution, de vous présenter en quoi le thème de cette conférence nous affecte directement, et ce à travers notre expérience.

Dans le contexte de la mondialisation et de la libéralisation des économies, l’importance de la coopération inter-mittelstand s’est accrue ces dernières années : les patrons de PME reconnaissent cette approche comme un moyen d’obtenir des potentiels plus importants de croissance, qui ne pourraient pas être atteints sans cette coopération, dû aux manques de ressources financières, de parts de marchés ou de compétences.

Cette coopération permet souvent une approche bien plus souple et bien plus efficace à court terme concernant la croissance, que les fusions-acquisitions d’entreprises. Principalement, elle implique une coopération organisée à différents niveaux de la chaîne de valeurs, tels qu’une identification de projet, les études de marché, la mise en œuvre et le financement… dont le but est le regroupement de compétences et des ressources afin de trouver et en suite d’exploiter les potentialités du marché.

Ceci est le cœur d’activité de notre entreprise. Marwiko AG opère dans un réseau très étendu qui est constitué de personnes de référence pour les partenaires, via des contacts nombreux dans des domaines économiques importants. Les bases de ce réseau sont des contacts sérieux et un réseau international bien géré.

Nous proposons un instrument pratique et non-bureaucratique pour différents types de coopération parmi les PME-PMI, une plate-forme qui réunit les entreprises, physiquement et par voie numérique, qui harmonise leurs activités et développe des opportunités pour des synergies.

Nous réalisons une coopération active dans la gestion, ce qui signifie :

  • l’intégration d’un référent de coopération dans l’activité existence de l’entreprise ;
  • la recherche active d’offres, de projets, de partenaires et de lieux, soutenu par le référent ainsi que le support concret basé sur le fonctionnement de Marwiko et de son réseau ;
  • le transfert d’activités sélectionnées dans le portfolio de Marwiko ;
  • le regroupement par Marwiko des propositions et des compétences des partenaires dans une région donnée et un projet donné ;
  • la présentation par le partenaire de projets de voyage et autres activités lors d’expositions ou de réunions commerciales ;

Le succès est possible uniquement si les conditions du projet sont avantageuses pour tous et avec le plein accord de tous les partenaires. Ce qui représente la relation immédiate au modèle de coopération entre les États.

En préambule de ce panel, il a été dit :

La Chine, avec sa politique de Nouvelle route de la soie, a mis à l’ordre du jour de l’agenda du monde un modèle de coopération complètement différent, basé sur la coopération ‘gagnant-gagnant’, qui est volontairement orienté sur les intérêts de l’autre. Avec la Nouvelle route de la soie, la Route de la soie maritime et une suite de nouvelles institutions financières dédiées au financement de l’économie réelle, une alternative est désormais en place, incluant plus de 60 nations dans ce qui est maintenant considèré comme le modèle le plus attractif.

Selon nous, l’avenir des pays et du succès de leur développement économique dépend de l’engagement vis-à-vis de buts communs, dans la coordination de leurs principes politiques pour une politique de développement économique qui est ancrée dans un développement avantageux pour toutes les régions, et qui n’est dominée par personne.

Les thèmes centraux pour les PME-PMI allemandes sont, selon le ministre fédéral de l’Économie, le financement étranger pour le démarrage et l’agrandissement de l’entreprise, le maintien de la direction en cas de succession, la disponibilité d’un personnel qualifié, le secours de l’administratif et la numérisation. Si l’on relève ces défis, les entreprises du Mittelstand resteront robustes et innovantes.

A ces thèmes s’ajoutent :

  • la promotion de l’esprit d’entreprise ;
  • le soutien à la formation d’une main d’œuvre qualifiée orientée vers le futur ;
  • l’utilisation et la conception des outils numériques ;
  • le soutien à l’innovation.

Les entrepreneurs des PME-PMI allemandes savent mieux que quiconque que dans ces domaines, ils ont de grands potentiels et peuvent mener à bien ses efforts par leurs propres moyens. Cependant, dans le contexte de la mondialisation, il n’en est pas de même.

Selon le ministère :

Le ministre fédéral assume le fait que le volume du commerce mondial devrait quadrupler d’ici 2030. En toile de fond, de plus en plus d’entrepreneurs devraient voir la globalisation comme une opportunité. Pour se rapprocher des marchés lointains, le ministre réalise une promotion des marchés étrangers, étend continuellement ses coopérations avec le monde des affaires et doit être mieux connu parmi les entreprises.

La performance du Mittelstand allemand parle de lui-même : plus de 99 % de toutes les entreprises sont de petites et de moyennes tailles, où 82 % de tous les apprentis sont formés, et apportent 60 % des emplois. 56 % de la production allemande est produite par les PME-PMI. Mais nous devons garder à l’esprit les conditions récentes auxquelles le Mittelstand est exposé.

Le ministre en est conscient également :

La fin des restrictions du commerce…devrait bénéficier aux PME en particulier. Le ministre est donc engagé dans la fluidification du commerce et dans la conclusion d’accords de libre échange bilatéraux et multilatéraux.

Selon les estimations de la Commission Européenne et du gouvernement allemand, le Mittelstand devrait bénéficier d’une large part de la croissance prévue. À ce titre, nous pensons que les impacts positifs du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) sont surestimés et que, correctement évalués, les risques dépassent largement les avantages éventuels.

Jusqu’à mars 2015, la Commission Européenne, le gouvernement, l’association patronale et les chambres du commerce ont dit que le TTIP apporterait des gains significatifs de croissance et de revenus, aussi bien que des centaines de milliers d’emplois dans l’Union européenne, pour ne citer que les études les plus importantes. Cependant, il s’avère impossible de confirmer ces estimations, y compris celle de la Commission Européenne.

Les effets positifs, s’il y en a, apparaîtront uniquement parmi les PME PMI qui exportent sur les marchés mondiaux. Étant donné l’orientation forte vers les marchés régionaux des PME PMI allemandes, seules 7 % d’entre elles sont exportatrices d’après les statistiques du commerce extérieur.

Parmi les industries exportatrices, avec en tête la production industrielle, les services, le commerce et les transports, ce qui représente 68 % de la valeur du PIB allemand, le Mittelstand affiche un ratio de seulement 4 à 20 %. Dans le commerce avec les États-Unis, elles jouent également un rôle mineur.

Selon une publication de la Chambre de commerce de Hambourg, seules 950 entreprises ont des relations d’affaires avec les États-Unis, ce qui représente moins de 1 % de toutes les entreprises enregistrées à cette chambre.

Les PME et les PMI allemandes de la production industrielle sont spécialisées principalement dans la fourniture de produits de haute qualité et avec de fortes capacités d’innovation. Ceci implique un niveau de prix correspondant. Si les standards de qualité courants sont abaissés à travers l’harmonisation des standards dans le « marché intérieur » de l’espace du TTIP, et si les instruments publics de protection sont considérés comme des obstacles au commerce et donc éliminés, les compétiteurs transnationaux, qui ont l’avantage des économies d’échelle, seront capables d’écarter les innovateurs de taille moyenne du marché à travers une stratégie de bas prix qui est plus ou moins inoffensif pour eux. Dans de tels cas, une politique de régulation publique active devrait être apportée auMittelstand. Celle-ci serait sans doute considérée comme une barrière non tarifaire et donc elle violerait le traité.

Les accords de libre-échange tel que le TTIP sont en général avantageux pour les sociétés transnationales et se font au détriment des PME et PMI, ce qui peut être constaté dans l’expérience du North American Free Trade Agreement (NAFTA) qui est rentré en application en 1994. Durant les 20 années de son application au Canada, les parts du profit total des entreprises les plus grandes ont quasiment doublées, alors que les indicateurs macroéconomiques majeurs ont été coupés de moitié dans la même période. Dans le secteur agricole, les PME-PMI furent particulièrement désavantagées.

Jusque-là, selon la loi Restriction of Competition (RCA), les PME-PMI devaient être choisies de préférence dans l’attribution de marchés publics. Mais pour être d’accord avec le principe de non discrimination dans l’attribution de marchés de la communauté, il est à parier que la pratique changera au détriment des PME-PMI et que dans le futur, seuls les grands groupes toujours actifs au niveau international seront à même de prendre part aux offres, et ce à cause de leur avantages logistique et opérationnels.

Selon les chiffres publiés par l’Office fédérale allemand des statistiques en 2012, le commerce extérieur allemand avec les pays des BRICS septuplerait, tandis que le commerce extérieur total doublerait seulement.

Ce serait désastreux pour les PME-PMI exportatrices si ces marchés étaient dévastés par la montée en puissance de ce que l’on appelle le FTA (accord de libre échange) entre l’UE et les États-Unis que la Commission Européenne tente d’imposer. C’est le but même que la Commission Européenne recherche lorsqu’elle qualifie la Chine, l’Inde et les membres de l’ASEAN comme les perdants du FTA. En conséquence, les exportateurs allemands représentés au sein de l’association du commerce extérieur (BGA), ont mis en garde contre la menace d’un « OTAN économique » qui risquerait d’exclure nos autres partenaires dans le monde. Cela semble être l’intention de la politique allemande, quand on entend mentionner les avantages géopolitiques et géostratégiques de l’accord bilatéral entre l’UE et les États-Unis. Ce qui signifie rien d’autre que mettre en place des normes avant qu’elles ne puissent être mises en place par la Chine, l’Inde ou les alliés des BRICS.

Selon nous, il existe des politiques économiques avec des visées géopolitiques. Nous sommes convaincus qu’au XXIe siècle d’autres approches sont nécessaires, qui se reflétent dans le modèle de coopération initié par la Chine.

Après avoir comparé les avantages affichés et les conséquences attendues du TTIP, ce n’est pas surprenant que, selon un sondage de l’association fédérale duMittelstand (BVMW), une nette majorité de PME-PMI, critique les négociations du TTIP. Malgré le fait que ce groupe n’est pas connu pour des velléités idéologiques et anti-affaires, son attitude vis-à-vis du FTA est ostensiblement critique.

Entrepreneurs des PME-PMI, nous sommes pour un commerce libre, transparent et juste, basé sur des normes environnementales et sociales fortes. Le FTA prévu avec les États-Unis (TTIP) contredit ces principes.

Les éléments centraux de l’accord prévu, tels le ISDS (Investor stage dispute settlement, c’est-à-dire les cours d’arbitrages privées), l’harmonisation des normes et des standards, aussi bien que la dérégulation dans le domaine des cultures, du service au public, et du domaine public, bénéficient principalement aux intérêts des grands groupes qui ont plus de capitaux et d’employés que les PME-PMI, exclus du marché.

En même temps, nous sommes très concernés par la tentative des États-Unis et de l’UE de définir les règles du commerce international selon leurs propres vues, qui pourraient mener à une perturbation de l’ordre économique et par conséquent mettre en danger des marchés essentiels pour nous dans les pays émergents (BRICS et autres). Nous le savons : plus de 2000 entrepreneurs de PME-PMI ont signé une pétition contre l’accord.

Nous, entrepreneurs de PME-PMI, assumons notre responsabilité pour la société et nous chérissons des standards écologiques et sociaux forts en Europe aussi bien qu’une démocratie vivace et un état constitutionnel en fonctionnement.

Le marché intérieur européen est devenu bien plus important pour les PME-PMI : plus de 93 % des exportations des PME-PMI vont sur le marché européen. Donc, les intérêts des PME-PMI dans un marché européen de PME-PMI, loyales entre elles, et dans le cadre de la fin de restrictions injustifiées, doivent être représentés avec une voix forte à Bruxelles. Nous avons besoin d’un bon équilibre entre l’intégration de marchés émergents et la préservation de structures éprouvées et gagnantes, spécialement dans l’auto-gestion de l’économie et de ces éléments centraux, tels la formation en alternance, les certificats de maître d’œuvre, les chambres représentatives et le partenariat social.

Nous avons suivi avec grande attention la visite du président de la Commission européenne, Jean Claude Junker au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, et nous voyons cette visite comme une étape dans la bonne direction. Le comité des relations économiques de l’Europe de l’Est ont également accueilli favorablement la participation de Junker au Forum, précisant qu’il était temps d’entamer un dialogue entre l’UE et l’Union Économique Eurasiatique sur la création d’un espace économique commun de Lisbonne à Vladivostok. Cela pourrait commencer par une harmonisation des standards, abaissant les restrictions de commerce, selon les dires du président du comité, Wolfgang Büchele.

D’autres comités politiques importants sont aussi sous une grande pression pour changer leurs vues. Nous pensons que le but de cette conférence est de promouvoir une coopération mutuelle avec tous les pays. Des étapes significatives ont été unanimement reconnues pour régler les crises du Moyen-Orient, de Syrie et d’Ukraine, et que la crise de la dette grecque mérite d’être réglée.

Le président Poutine regrette que : « Malheureusement, nos collègues de l’Allemagne, de France, d’Italie, des États-Unis, du Canada, du Japon et de la Grande Bretagne ne puissent y participer en raison d’agendas contradictoires. »
En tant que consortium des PME-PMI, nous voyons de l’espoir et des perspectives dans un nouveau type de coopération parmi les pays. C’est déjà assez difficile, mais aussi intéressant, d’effectuer une coopération économique avec d’autres cultures. Nous sommes compétents et expérimentés dans cet exercice et nous savons ce qui est nécessaire : respect, tolérance, bénéfice mutuel.

Cela fut prouvé lors de la 10e Journée des affaires, organisée par mon entreprise à Berlin durant les festivités russo-allemandes. Plus de 100 entreprises d’Allemagne et de Russie ont répondu à notre invitation. Ce format d’échanges mutuels, de contacts et de discussions sur les coopérations fructueuses d’entreprises est très apprécié par les PME-PMI et nous souhaitons l’utiliser comme une plateforme pour la coopération.

Nous ne nous mettons d’aucune manière en compétition avec votre conférence, nous sommes seulement concernés par les intérêts économiques de nos partenaires et de leur développement pour un bénéfice mutuel.

Nous organiserons une prochaine Journée des affaires en octobre après notre prochain voyage en Chine. Nous voyons déjà des synergies et des opportunités de coopération non seulement avec nos partenaires mais aussi dans le triangle des relations Allemagne/Chine/Russie. Nous pensons que cette approche est la bonne et dans l’esprit de votre conférence.

Une nouvelle fois, je remercie l’Institut Schiller et son initiative et vous souhaite un grand succès dans le processus de repenser la coopération dans la politique et l’économie.

 

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