Leonid Kadyshev
Ministre conseiller de l’Ambassade de Russie en France.
Je ne voudrais pas réduire mon discours exclusivement à la relation entre les BRICS et le projet de “Nouvelle route de la soie”. Tout d’abord, parce que ce projet a de nombreuses dimensions, comportant entre autres de larges possibilités de coopération avec l’Union eurasiatique, à laquelle l’appartenance est également très importante pour la Russie. Deuxièmement, il est primordial de comprendre que la signification et la vocation créatrice des BRICS comme un nouveau type de regroupement ne se limitent pas à un certain nombre de projets sélectionnés, sa portée est beaucoup plus large.
Les BRICS dans le système mondial et les relations internationales
Tout d’abord, je tiens à évoquer la place des BRICS dans le système international telle que vue de Moscou.
Aujourd’hui les BRICS s’affirment comme un tparticipant influent dans le système de gouvernance mondiale.
En même temps, les BRICS sont une jeune association interétatique qui, du point de vue russe, reflète les grandes tendances de notre temps. Elle possède également un certain nombre de qualités novatrices.
L’émergence de ce groupe était le résultat naturel du développement dynamique des processus de globalisation, de la dispersion de la puissance mondiale et du renforcement de nouveaux centres de croissance économique et d’influence politique, avec en parallèle le renforcement de l’interdépendance des pays situés sur les différents continents. La coopération entre les « Cinq » reflète le besoin partagé d’établir un partenariat solide entre les différentes cultures et civilisations en tant que base de la formation d’un système international polycentrique.
Le fait que le phénomène des BRICS corresponde au vecteur objectif du développement mondial rend cette formation attractive, dynamique, tournée vers l’avenir. Il est essentiel que ce groupe ne soit pas lié par le carcan de hiérarchie ou la discipline rigide propre aux blocs ou coalitions politico-militaires.
Les BRICS sont un symbole du monde multipolaire en formation. Il est évident que pour cette raison, l’attitude de l’Occident à son égard est – j’emploie ici un euphémisme – prudent. L’Occident, habitué à contrôler de nombreux processus dans l’économie mondiale, ne peut pas accepter le fait qu’il existe des alternatives libres.
La coopération au sein des BRICS, à notre avis, constitue un exemple de la façon dont le partenariat multilatéral doit être construit au XXIe siècle. Personne n’exerce de domination dans cette formation, il n’y a pas de soumission, on travaille sur la base d’une véritable égalité et du respect mutuel. Cette coopération n’est pas dirigée contre des pays tiers – au contraire, on partage un agenda positif qui consiste avant tout à créer des sources supplémentaires de développement et à consolider le bien-être de nos peuples, ce qui est inextricablement lié avec les objectifs du maintien de la stabilité internationale fiable.
Par conséquent ont tort ceux qui essaient d’attribuer aux BRICS une orientation conflictuelle qui n’est pas propre du tout à ce groupe.
La défense des principes de la démocratie et de la justice dans les relations internationales est un aspect clé de toutes les activités des BRICS. C’est l’un des principaux centres de la formulation des prises de position équilibrés dans l’intérêt de la résolution des problèmes internationaux les plus pressants. Dans ce contexte, il est difficile de surestimer l’importance des voix solidaires des BRICS appelant à un travail collectif approfondi visant le règlement pacifique en s’appuyant sur la Charte de l’ONU, sans « deux poids deux mesures », sans aucune intervention militaire unilatérale ni utilisation du bâton des sanctions. La défense du caractère indivisible de la sécurité, le refus d’admettre qu’il est possible de renforcer sa propre sécurité au détriment des autres, consolident le potentiel des BRICS dans le développement des solutions à long terme aux crises régionales. Ce rôle des BRICS ne fait qu’augmenter.
La ligne commune pour assurer que la formation du nouveau système multipolaire se fonde sur la raison, la vérité, le partenariat des civilisations, permet aux BRICS de servir comme une sorte de phare dans la mer agitée de la politique mondiale. Un autre témoignage de l’autorité croissante des BRICS est le succès des rencontres dans le format d’”outreach”, liées aux sommets du groupe – avec la participation des Etats appartenant à la région du pays-hôte de l’événement. La ville russe d’Ufa se prépare à accueillir la prochaine réunion de ce type où sont invités nos partenaires dans l’espace eurasiatique.
La prochaine présidence russe des BRICS
Comme l’a souligné le chef de l’Etat russe M. Vladimir Poutine, la présidence russe mettra l’accent sur l’utilisation la plus efficace des capacités des BRICS pour renforcer la sécurité et la stabilité dans le monde.
Chaque sommet des BRICS est un jalon, une étape de développement de cette jeune association. Lors du sommet de Fortaleza (15-16 juillet 2014) ont été signés les documents sur la création d’une nouvelle banque de développement ainsi que les statuts des BRICS. A Ufa, la présidence russe vise un progrès substantiel dans plusieurs domaines. Elle espère amener la coopération des BRICS à un nouveau niveau stratégique. Dans le domaine économique, nous comptons sur le lancement, à la veille du sommet, de la Nouvelle banque de développement et la création du pool de réserves de devises – il est nécessaire pour cela d’achever le processus de ratification par tous les Etats-membres. La partie russe espère qu’il en sera ainsi, parce que le processus de ratification va très bien dans tous les pays participants.
En outre, nous attendons que soit adoptée au sommet la stratégie de partenariat économique des BRICS. Ce sera un document d’étape pour la poursuite du développement de notre coopération dans le domaine pivot – l’économie.
Immédiatement après l’adoption de cette stratégie, il est prévu de commencer à élaborer une feuille de route de coopération dans le domaine des investissements. Ce document a vocation d’étoffer, de remplir cette coopération de projets de coopération intéressants et bien détaillés. Un autre aspect qui sera très important dans le domaine économique : il est prévu d’ouvrir de nouveaux axes de coopération, l’exploitation minière, l’énergie, les communications, etc. On compte sur la coopération afin de faciliter la conduite des affaires : cela touche la fiscalité, la simplification des formalités, etc.
Seront significatifs des événements qui précéderont le sommet d’Ufa. Tout d’abord, il est à noter que le 8 juin dernier a eu lieu pour la première fois le Forum parlementaire des BRICS. La dimension parlementaire permettra de renforcer la base de la coopération parmi les membres.
Un autre volet important de la présidence russe, qui va enrichir la palette du sommet : le sommet de la jeunesse, qui se tiendra à Kazan en juin. Ceci est également un nouveau phénomène dans le développement des BRICS. Ce sommet permettra de rapprocher les BRICS de la jeune génération de nos pays – nous savons que chaque organisation a des perspectives et un avenir si elle est soutenue par des jeunes.
Il est à noter également la coopération dans le domaine de la culture – encore une nouvelle dimension. Un accord de coopération dans le domaine de la culture entre les pays des BRICS sera préparé pour le sommet.
Les BRICS et le développement de l’économie mondiale
Une attention particulière doit être portée à la question de l’importance des BRICS pour l’économie mondiale.
Il est essentiel que nos partenaires internationaux comprennent : les BRICS n’ont pas l’intention d’entrer en confrontation avec qui que ce soit – ni en politique ni dans le domaine de la finance ou de l’économie. Je tiens à souligner une fois encore la vision russe des BRICS – c’est une proposition au monde d’un modèle de coopération fondamentalement nouveau. Un modèle basé sur le dépassement des anciennes lignes de division, constituées par la confrontation des blocs ou par la pensée qui l’appelle de ses vœux, selon l’axe “Est-Ouest” ou “Nord-Sud”.
Les BRICS sont ouverts à la coopération avec tous les Etats, indépendamment de leur origine géographique ou aspirations géopolitiques. En même temps, la Russie s’oppose à la création de systèmes économiques fermés qui tiennent à distance les pays des BRICS. Par exemple, les Etats-Unis ont refusé catégoriquement de considérer la question de l’admission de la Chine au Partenariat du Pacifique, et la même attitude a été manifestée envers la Russie. Dans ces circonstances, selon la Russie, la réponse des BRICS devrait être d’unir nos forces pour soutenir le système de commerce international fondé sur des règles de l’OMC. L’OMC est une sorte de Nations unies du commerce mondial. Si elle commence à s’écrouler, cela entraînera une concurrence commerciale féroce et les grands antagonismes ne vont pas tarder. La Russie est contre un tel scénario, donc elle se prononce fermement en faveur du maintien du système unifié de règles sur lesquelles est fondée l’OMC.
En ce qui concerne la coopération économique au sein des BRICS, les pays-membres sont réalistes : nous voyons ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui. Par conséquent, il y a un désir mutuel pour faciliter au maximum la coopération entre nos communautés d’affaires afin d’utiliser les grandes opportunités offertes par le caractère complémentaire de nos économies. Par exemple, la nouvelle banque des BRICS ainsi que le pool des réserves de devises, entre autres, aideront à la fois la Russie et tous les autres pays des BRICS à contrecarrer la pression illicite et politisée de l’Occident. Lorsque la banque sera lancée, le travail sur des projets majeurs d’infrastructures et d’investissements dans le format des BRICS suivra une courbe de croissance et apportera des résultats concrets positifs.
Le marché des BRICS compte 3 milliards de consommateurs – c’est plus que le marché potentiel de la zone de libre-échange du Pacifique et de la zone de libre-échange transatlantique. En outre, c’est le marché le plus dynamique dans le monde. Les BRICS ont besoin de travailler sur la suppression des obstacles à leur commerce croisé, le faisant sur une base équilibrée.