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Jason Ross: Extraire l’hélium 3 sur la Lune pour une économie de la fusion et la propulsion spatiale

Jason Ross

de l’équipe scientifique de LaRouche, Washington DC, États-Unis


Nous travaillons avec LaRouche depuis près de vingt ans. Créé à l’origine en tant qu’ajout au travaux sur des animations multimédias concernant l’économie, le Basement s’est vu confier la tâche d’animer la caractéristique la plus essentielle de l’économie : les découvertes qui la portent vers l’avant. Une « voie étroite » de découvertes fut étudiée en profondeur, allant de [Johannes] Kepler à [Carl Friedrich] Gauss puis [Bernhard] Riemann.

Suite à ce travail sur la pratique scientifique en tant que telle, LaRouche nous a ensuite assignés à des projets sur la politique scientifique et économique, allant de l’exploration spatiale jusqu’aux grands projets d’infrastructure, en passant par la défense planétaire et la fusion thermonucléaire, ainsi que la métaphore et l’accord musical bien tempéré.

La tâche la plus récente qu’il nous a assignée est celle de développer l’humanité en tant que mesure de l’univers, grâce à une meilleure compréhension de la créativité en tant que force naturelle, telle que l’a envisagée le scientifique russo-urkainien Vladimir Vernadski. Une découverte révèle-t-elle des choses déjà existantes dans la nature – des principes, les lois de la physique ou d’autres choses de ce genre ? Mieux que cela : est-ce que la substance de la découverte fait elle-même partie de la nature ?

N’est-elle pas un phénomène naturel ? Une compréhension du monde peut-elle être complète si elle n’inclut pas ce processus de changement en tant que partie fondamentale, substantielle de la nature ? C’est ce dont je vais traiter dans cette présentation.

Le sujet dont je vais vous parler est intitulé : « Une approche prométhéenne pour le développement de nouvelles formes de feu : l’hélium-3 lunaire pour une humanité qui est passée à la fusion. » Je vais utiliser la perspective du développement de la fusion nucléaire et de l’exploitation des ressources en hélium-3 – le combustible le plus utile dans cette entreprise – pour faire ressortir ce que l’individu humain a de plus profond : son identité prométhéenne.

Parmi tous les êtres vivants, seuls les humains peuvent changer intentionnellement leur mode d’existence d’une génération à l’autre, et cela ne peut être réalisé que par la découverte et l’application de nouveaux principes.

Même si c’est la condition naturelle de l’homme, ce n’est pas toujours mis en pratique. Nous voyons aujourd’hui les BRICS en train de s’engager dans une direction très positive (comme nous en avons discuté hier) tandis que l’Empire britannique cherche à faire dérailler et à préempter ces politiques. Telle est la nature de l’oligarchie.

La vieille légende de Prométhée est la présentation la plus condensée de la bataille entre l’humanisme et l’oligarchie. Eschyle raconte cette histoire dans sa pièceProméthée enchaîné. Après que Zeus, le chef des dieux de l’Olympe, eut interdit à l’homme l’usage du feu, Prométhée ramena le feu du ciel (autrement dit de l’oligarchie) et en fit don à l’humanité. Il fut pour cela puni par Zeus, qui le condamna à être enchaîné à un rocher au sommet des montagnes et à se faire manger le foie par un aigle (symbole de Zeus) jour après jour.

Prométhée se considérait malgré tout comme le vainqueur car Zeus ne pourrait jamais lui enlever ni sa dignité ni la noblesse de son geste. Cet usage du feu par l’homme est, si l’on peut dire, ce qui a créé la race humaine : il s’agit là de la première technologie, celle qui nous sépare de tous les animaux. Prométhée décrit lui-même l’état dans lequel se trouvait l’humanité avant qu’il ne nous ait apporté la connaissance :

Au début, ils voyaient sans voir, ils écoutaient sans entendre, et, pareils aux formes des songes, ils vivaient leur longue existence dans le désordre et la confusion. Ils ignoraient les maisons de briques ensoleillées, ils ignoraient le travail du bois ; ils vivaient sous terre, comme les fourmis agiles, au fond de grottes closes au soleil. Pour eux, il n’était point de signe sûr ni de l’hiver ni du printemps fleuri ni de l’été fertile ; ils faisaient tout sans recourir à la raison, jusqu’au moment où je leur appris la science ardue des levers et couchers des astres. Puis ce fut le tour de celle du nombre, la première de toutes, que j’inventai pour eux, ainsi que celle des lettres assemblées, mémoire de toute chose, labeur qui enfante les arts. Le premier aussi, je liai sous le joug des bêtes soumises soit au harnais, soit à un cavalier, pour prendre aux gros travaux la place des mortels, et je menai au char les chevaux dociles aux rênes, dont se pare le faste opulent. Nul autre que moi non plus n’inventa ces véhicules aux ailes de toile qui permettent au marin de courir les mers. – Et l’infortuné qui a pour les mortels trouvé telles intentions ne possède pas aujourd’hui le secret qui le délivrerait lui-même de sa misère présente !

Pensez à toutes ces inventions : le calendrier nous indiquant quand il faut semer, des abris pour bénéficier d’une meilleure santé, des animaux pour nous assister dans le travail manuel, des véhicules munis de roues tirés par des animaux, la musique, les nombres et l’entendement. Pensez à cette situation : « Même s’ils avaient des yeux pour voir, ils ne leur servaient à rien. »

Grâce au don du feu, Prométhée affirme que l’homme « apprendra plusieurs arts », et effectivement le « feu », par son usage généralisé, est le fondement du développement technologique. Avec le feu de bois, on peut cuisiner les aliments, chauffer son foyer, s’éclairer et assurer sa sécurité la nuit ; et transformer des matériaux, comme durcir certaines roches et plier le bois en le faisant bouillir. Puis un nouveau type de « feu » nous a ouvert tout un domaine de nouvelles potentialités.

Cette nouvelle forme de feu fut le charbon de bois, créé en brûlant du bois sans apport d’air (pyrolyse), dans un trou couvert de terre. Le charbon de bois, qui est du bois débarrassé de son eau et de ses impuretés, permet d’obtenir un feu plus chaud qu’avec le bois normal. Grâce à ce procédé, la première machine chimique fut créée : ainsi naquit la métallurgie, en particulier l’âge de bronze.

Vous voyez ici deux pierres : l’une est grise et l’autre est verte. Elles ont certaines différences physiques, mais cette pierre est importante avant tout parce qu’elle ne provient que du charbon de bois. Pour cet exemple, nous utilisons une torche à acétylène plutôt que du charbon de bois afin que vous puissiez observer la transformation. La pierre grise est devenue rouge et s’est mise à luire, mais elle est restée une pierre. La pierre verte s’est transformée en métal ! C’est du cuivre. En ajoutant de l’étain au cuivre, on obtient du bronze. C’est un nouveau matériau qui n’avait jamais existé auparavant dans la croûte terrestre, avant que les humains aient réussi à le fabriquer. L’humanité est ainsi devenue une force géologique de plus en plus grande, en créant de nouvelles choses.

Afin de créer des métaux, beaucoup d’arbres ont été abattus puis brûlés pour faire du charbon de bois, et l’une des premières règles environnementales fut inventée il y a plusieurs siècles pour protéger les forêts contre les fabricants de charbon de bois.

Savez-vous ce qui a permis de sauver les arbres ? Le charbon de terre ! Oui, en utilisant du charbon de terre, des températures plus élevées et des énergies plus denses ont pu être obtenues bien plus facilement et plus rapidement qu’avec les arbres, et la machine à feu – autrement dit « à vapeur » – est née.

Souvenez-vous que Prométhée a mentionné son don de la connaissance de la force animale pour accomplir un travail. Nous pouvons maintenant utiliser des roches pour accomplir un travail ! Avec le charbon (transformé en coke), le bois peut être conservé pour la construction plutôt que d’être brûlé à grande échelle. Et contrairement aux arbres, le charbon peut faire fonctionner une usine et économiser une immense quantité de travail, transporter des gens et des biens, grâce aux locomotives à vapeur, laissant les chevaux et les bœufs se reposer sur le côté du chemin, tout en permettant aux travailleurs d’acquérir de nouvelles compétences et d’occuper de nouvelles tâches.

Ensuite, le pétrole a été développé en tant que nouvelle source de feu. Avec son énergie plus dense, le moteur à combustion interne est devenu possible. Privée d’ailes, l’humanité s’est pourtant trouvée en mesure de voler. Les distances se sont rétrécies, et les hommes se sont retrouvés plus étroitement reliés les uns aux autres. La découverte des principes de l’électromagnétisme a permis le transport de l’énergie par des fils en acier, plutôt que par le mouvement mécanique, et les moteurs électriques ont transformé nos techniques de production de manière spectaculaire.

Faisons maintenant un saut jusqu’à aujourd’hui. Vous voyez ici un graphique montrant le lien entre la consommation d’électricité par tête et le PIB par tête. Même si le PIB n’est pas une unité de mesure très précise de la création de richesse économique, ce graphique rend absolument clair qu’un pays sans électricité sera pauvre. Alors que certaines personnes peu recommandables proposent des « technologies appropriées » pour les pays africains, des panneaux solaires et des moulins à vent par exemple, pour pomper de l’eau la Chine investit là-bas des milliards dans de véritables projets d’infrastructure !

Revenons à notre compte-rendu historique : des percées dans le domaine de la chimie ont permis à de nouveaux processus d’émerger, comme la réfrigération et la production de fertilisants artificiels, dont la découverte à elle seule a conduit à un accroissement du potentiel de densité démographique de plusieurs milliards d’êtres humains. Le pétrole a pu être transformé en de nouvelles matières, comme les plastiques ; au cas où vous ne le saviez pas.

De la même manière que les forêts ont pu être sauvées par la découverte du charbon de terre, nous avons dû faire en sorte que nos ressources pétrolières ne soient pas entièrement brûlées, en développant une nouvelle forme de feu plus avancée. C’est ici qu’entre en scène le noyau de l’atome. Beaucoup plus puissant que les anciennes machines à leviers, à poulies ou à vis, plus puissant encore que la transformation chimique associée à la combustion, le noyau atomique est devenu la dernière forme prise par le « feu ».

Même si la science nucléaire est née il y a cent ans avec les travaux d’Henri Becquerel et de Marie Curie, ce domaine n’a été ni exploré de manière adéquate ni cultivé. Les mystères et les promesses qu’il cache encore engendrent la peur dans une population superstitieuse et peu raisonnable, plutôt que l’émerveillement devant nos propres pouvoirs. Pourquoi l’énergie nucléaire n’a-t-elle pas été développée, ou l’a-t-elle réellement été ?

Le rayonnement radioactif a été découvert en tant que nouvelle source d’énergie mystérieuse, émanant de certains matériaux. En plus de l’uranium et du thorium radioactifs qu’ils connaissaient déjà, les Curie ont isolé le polonium et le radium, qui sont encore beaucoup plus radioactifs. Pourtant, même le radium n’est pas très puissant en tant que source d’énergie par voie de rayonnement. Il faudrait plus de 100 kg de radium radioactif par foyer pour produire l’énergie dont il a besoin pour une année.

La science nucléaire a réussi à nous fournir le feu non pas par le rayonnement, mais par un processus différent, la fission, qui est la division du noyau atomique plutôt que la simple soustraction de petites quantités de rayonnement. En organisant certains isotopes atomiques, l’humanité s’est dotée de la capacité à créer des réactions en chaîne provoquant d’autres fissions, permettant la libération de quantités inconcevables d’énergie. (Les premiers scientifiques atomiques ont pensé un temps que la loi de la conservation de l’énergie avait été violée dans cet incroyable processus.)

Vous voyez à gauche une chaîne de désintégration allant de l’uranium jusqu’au plomb. Chaque étape de la chaîne se fait spontanément et libère une petite quantité d’énergie. A droite, un neutron venant du haut de l’écran frappe l’uranium-235, pour catalyser et provoquer une fission. Nous faisons en sorte que ce processus ait lieu.

Aujourd’hui, quelques grammes d’uranium produisent autant d’énergie que des tonnes de charbons et des piles de barils de pétrole, et une économie reposant sur le nucléaire apporte de nombreux autres avantages, tels que l’irradiation des aliments, l’imagerie médicale qui permet de sauver de nombreuses vies, les traitements contre le cancer ainsi que les détecteurs de fumée. Pourquoi, alors, l’usage de l’énergie nucléaire ne s’est-il pas propagé à toute l’économie mondiale, nous permettant de préserver nos réserves de pétrole pour d’autres usages, plutôt que de les brûler ?

La réponse : Zeus ! Regardons le graphique suivant, qui montre la consommation par tête aux Etats-Unis par rapport au temps. En utilisant les données d’un seul pays nous avons des chiffres plus cohérents et nous pouvons démontrer une évolution importante. Il y a deux remarques importantes à faire immédiatement :

D’abord, la consommation d’énergie par tête progresse avec le temps, et deuxièmement le type d’énergie change avec le temps, évoluant vers des formes de feu plus avancées comme nous l’avons mentionné plus tôt.

Regardez la période allant de 1960 à aujourd’hui. Nous voyons deux changements dans l’évolution à long terme : premièrement, l’énergie consommée a cessé d’augmenter et ensuite, la nouvelle forme de feu, le nucléaire, n’est pas devenue la source dominante. C’est inhabituel. Le charbon a complètement remplacé le bois, par exemple. Mais qu’est-il arrivé avec le nucléaire ? Pourquoi ?

Un pseudo environnementalisme et un véritable colonialisme. Essentiellement, les pays en voie de développement se sont vu nier le crédit et la technologie pour prendre part à l’âge nucléaire, en dépit des efforts du président Eisenhower, par exemple. Le mouvement « environnementaliste », une concoction ridicule dirigée par le prince nazi Bernhard de Hollande et son acolyte le prince Philip d’Angleterre, qui souhaite réduire la population mondiale de plusieurs milliards, a déclaré que tout ce qui est proprement humain n’est pas « naturel ». Il été amené à cibler tout particulièrement l’énergie nucléaire, bien que cette énergie remarquablement propre ne pollue pas, contrairement aux centrales à charbon qu’elle devait remplacer. Des campagnes médiatiques largement financées ont terrifié les gens à propos de ce processus physique parfaitement naturel.

Le graphique montre à quel niveau le gouvernement Kennedy prévoyait l’usage du nucléaire aujourd’hui ; le double de ce qu’il est en réalité. La chute n’a pas eu lieu qu’aux Etats-Unis : à l’échelle du monde, la consommation d’énergie par tête n’est que de 20 à 25 % de celle des Etats-Unis environ, et l’accroissement nécessaire d’un point de vue mondial est encore plus dramatique. La mise en œuvre de la fission, y compris le cycle au thorium qui a été étudié en profondeur en Inde, est une nécessité absolue, sans laquelle il sera physiquement impossible de garantir une dignité à tous. Mais il nous faut autre chose en plus : il faut passer à une forme d’énergie encore plus avancée, attendue depuis longtemps : la fusion nucléaire.

Contrairement à la fission, qui est la division de gros noyaux, la fusion consiste à unir deux noyaux légers. Elle produit plus d’énergie que la fission et, chose d’un grand intérêt pour nous, elle produit une énergie d’une qualité différente, surtout avec le meilleur combustible qui pourrait nous être accessible : l’hélium-3.

Pour montrer l’importance de cela, regardons ce graphique qui présente certaines réactions de fusion différentes, avec les produits obtenus. Précisons d’abord que le deutérium et le tritium sont des isotopes de l’hydrogène, ce qui signifie qu’ils ont tous trois un proton (ce qui en fait de l’hydrogène) mais que le deutérium a un neutron et le tritium deux. D’un point de vue chimique, tous trois se comportent comme de l’hydrogène. Tout comme l’hydrogène, qui libère une petite quantité d’énergie lorsque deux atomes s’unissent pour former une molécule gazeuse, ces isotopes peuvent se combiner chimiquement.

La plupart des laboratoires étudient la fusion du deutérium et du tritium, par laquelle les deux protons et les trois neutrons donnent lieu à une particule alpha (deux protons et deux neutrons) plus un neutron solitaire. Cette réaction libère dix millions de fois plus d’énergie que la combinaison chimique de ces deux atomes. La puissance n’est pas dans les matériaux mais dans l’esprit, dans notre capacité de faire apparaître de nouvelles transformations dans la nature.

Le neutron libéré par cette réaction de fusion des atomes de deutérium et de tritium est un gros problème, car il ne peut être contrôlée par les champs électrique et magnétique ou par des expériences de confinement électrostatique.

Cela signifie que les neutrons libérés par la réaction partent dans tous les sens, se heurtant aux parois de l’installation, ce qui fait qu’elles deviennent très chaudes. Les stratégies actuelles consistent à utiliser cette chaleur pour produire de l’énergie comme nous le faisons dans des centrales thermiques (au charbon) : la chaleur fait bouillir de l’eau, qui produit de la vapeur et passe par une turbine associée à un générateur d’électricité. Une très vieille technologie !

C’est là qu’entre en jeu l’hélium-3.

Voyez ce qui se passe lorsque l’on combine l’hélium-3 avec le deutérium : nous avons trois protons au total, ainsi que deux neutrons. Les produits sont une particule alpha et un proton, qui sont toutes deux des particules chargées électriquement, et qui peuvent par conséquent être contrôlées par les forces électromagnétiques. C’est très important ! Nous pouvons produire de l’électricité (qui est le mouvement d’une charge) directement à partir de ces particules chargées en mouvement, doublant ainsi le rendement et permettant de simplifier considérablement la conception des centrales.

Ces particules produites par la réaction peuvent également être dirigées pour engendrer une poussée au sein d’une fusée propulsée par la fusion. L’apport de protons énergétiques peut aussi nous donner un plus grand contrôle sur les isotopes.

Avec la fusion à l’hélium-3, nous pourrons finalement passer à une nouvelle forme de feu, où la production de vapeur n’est pas du tout impliquée.

Qu’est-ce qu’un isotope ?

Vous voyez ici le tableau des éléments de Mendeleïev, puis ici une version moderne. Il n’y a que 90 éléments qui puissent être trouvés dans des quantités appréciables dans la croûte terrestre. Pourtant, nous avons étudié plus de 100 éléments. Puis vous avez ici un tableau des éléments et de leurs isotopes. Ils sont plus de mille ! Alors que le chimiste ne voit aucune différence entre deux isotopes de l’étain, les processus nucléaires et vivants ont des relations différentes avec les isotopes.

Maintenant que nous sommes tout excités à propos de l’hélium-3, où peut-on le trouver ? Malheureusement, il y en a moins d’une tonne sur toute la Terre. Mais il y en a plus d’un million de tonnes sur la lune. Si seulement nous pouvions l’utiliser, tant sur place que sur Terre ! Contrairement aux diamants, qui occasionneraient un gaspillage de combustible si on tentait de les amener sur la Lune, l’hélium-3 vaut bien plus que son équivalent en or. Il faudra par contre des investissements majeurs et une volonté manifeste pour arriver à l’exploiter et à le rapporter sur Terre. Et la Chine est en train de s’orienter dans cette direction.

De la même manière que nous nous sommes tous réjouis du succès de l’atterrissage de Curiosity sur Mars ou de l’insertion réussie de la sonde indienne autour de la planète rouge, nous devrions nous réjouir du fait que la Chine a exprimé un intérêt pour l’exploration de la Lune et pour son développement, y compris l’exploitation de ses ressources en hélium-3.

Par exemple, le père du programme lunaire chinois, Ouyang Ziyuan, a déclaré à ce sujet :

L’Helium-3, un isotope de l’hélium, est un combustible idéal pour la fusion nucléaire. On estime les réserves d’hélium-3 sur toute la Terre à seulement 15 tonnes, tandis que 100 tonnes d’hélium-3 seront nécessaires chaque année si la technologie de la fusion nucléaire est utilisée pour répondre à la demande mondiale. La Lune, de l’autre côté, a des réserves estimées à quelque chose entre un et cinq millions de tonnes.

A quoi ressemblera une société qui s’est développée en s’appuyant sur la fusion à l’hélium-3 ?

Une telle société ne serait plus préoccupée par des questions énergétiques (elle pourrait même utiliser des ampoules à incandescence !) ou de matériaux, puisque le pouvoir de la torche à plasma de fusion serait le nec plus ultra en matière de traitement des matières premières. Les déchets des minerais pourraient être vaporisés et décomposés en éléments chimiques de base. Même les océans pourraient être exploités avec succès pour les minéraux qui y sont dissous.

En parlant des océans, le dessalement de l’eau de mer fournirait de l’eau potable à nos villes et à nos fermes, une chose qui serait à la portée d’une économie de fusion, permettant à l’humanité de se prémunir contre les aléas de la nature. Des matériaux nouveaux, affinés en fonction de leurs isotopes, amèneraient des percées fondamentales dans la science des matériaux. La médecine nucléaire connaîtrait des améliorations véritables, avec la capacité de produire des radio-isotopes à une échelle plus locale, utiles pour l’imagerie médicale et le traitement des malades.

Et ce pouvoir acquis par l’homme pourra même s’étendre au-delà de la Terre ! Il faudra développer notre capacité à prendre le contrôle du système solaire interne dans son ensemble, et la fusion nous permettra d’y arriver.

Lors de la conférence de l’Institut Schiller qui a eu lieu ici en avril dernier, nous avons discuté de la question de la défense planétaire, et de la possibilité que des astéroïdes qui n’ont pas encore été découverts viennent heurter la Terre et balayer des pays entiers ou même causer l’extinction de l’humanité. Des observatoires performants, y compris dans l’espace, sont nécessaires pour détecter les menaces à temps, et un meilleur partage de l’information est également nécessaire afin de pouvoir analyser les données. La chose la plus importante toutefois est de se donner les moyens de faire quelque chose pour contrer ces menaces ! Sinon, nous serions dans une situation terrible où nous serions conscients de la destruction à venir sans être en mesure de faire quoi que ce soit pour nous défendre.

Je vais vous donner deux exemples illustrant à quel point les fusées à propulsion chimique sont inadéquates. Le premier est un film concernant l’envoi par la NASA de la sonde Messenger sur Mercure. La sonde a été lancée en août 2004 pour une insertion sur l’orbite de Mercure en 2011. Cela fait un voyage de six ans et demi, avec six assistances gravitationnelles : une de la Terre, deux de Vénus, et trois de Mercure elle-même, plus cinq impulsions chimiques pour effectuer des changements d’orbite. Lors de ces assistances gravitationnelles, la sonde passe suffisamment près des planètes pour laisser une petite traînée.

De la même manière, nous voyons ici la mission Rosetta, qui vise à étudier une comète. La sonde a été lancée en 2004 et devrait se poser sur la comète en novembre prochain, après une décennie de voyage dans l’espace, avec des assistances gravitationnelles de la Terre, de Mars, puis de la Terre à nouveau, un astéroïde, puis de la Terre une troisième fois, avant d’atteindre sa cible. Imaginez : s’il fallait dix ans pour atteindre un astéroïde récemment identifié, nous serions dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit !

Ces satellites ne sont pas comme des ballons d’air chaud, dépendant des courants pour se mouvoir et se rendre à leur destination de la manière la plus passive. Avec la propulsion à fusion nucléaire, au contraire, nous pourrions transporter suffisamment de combustible pour maintenir une accélération continue, pour atteindre des vitesses toujours plus grandes au cours du voyage, et se rendre à n’importe quel endroit du système solaire interne en quelques jours ou quelques semaines. Si nous devons nous donner toutes les chances de survie, il nous faut prendre au sérieux ce type de menace et nous doter de la fusion nucléaire comme mode de propulsion dans l’espace, et développer la plate-forme économique et scientifique adéquate.

J’ai mentionné le travail qu’effectue la Chine en vue du développement des ressources en hélium-3 sur la Lune, mais il faut cependant rappeler qu’il faut aussi faire le travail nécessaire pour développer la fusion nucléaire en elle-même, que nous ne maîtrisons toujours pas. Les expériences dans ce domaine continuent à nous surprendre, car nous ne savons pas encore tout. Sur ce front aussi la Chine progresse, avec un Tokamak supraconducteur de dernière génération. Elle prévoit de former 2000 scientifiques spécialisés sur la fusion d’ici à 2020. Voilà la direction que doit prendre le monde, à l’opposée du pacte suicidaire entre les systèmes bancaires américain et européen. Il faut développer notre savoir de manière à ce que Prométhée soit fier de nous !

Pour y arriver, nous devons examiner la manière dont le feu a été découvert, c’est-à-dire l’acte de création en tant que tel. Comment devons-nous penser pour générer les percées scientifiques dont nous avons besoin pour l’avenir ?

Lyndon LaRouche a identifié deux trios de penseurs qui ont joué un rôle fondamental dans l’avancement de la science. Le premier trio, à l’origine de la science moderne, est formé par Filippo Brunelleschi, Nicolas de Cuse et Johannes Kepler. Brunelleschi a découvert que c’est la physique et non la géométrie qui définit l’espace dans le petit ; de Cuse a montré la même chose dans le très grand – sur l’existence de l’intelligence elle-même au sein des contradictions de la pure rationalité – ; et ces découvertes ont été unifiées par Kepler. Tant dans sa vie que dans ses travaux, Kepler a cherché à connaître la raison qu’avait Dieu de créer le monde tel qu’il l’a fait. Pourquoi y avait-il six planètes connues à son époque ? Et pourquoi chacune d’entre elles se déplaçait-elle de la façon dont elle se déplaçait ? Kepler a stupéfié ses contemporains en s’aidant de cette science terrestre, la physique, pour résoudre des problèmes situés dans les cieux. Il a découvert que le Soleil est la cause du mouvement des planètes. Il y est arrivé en démontrant que la géométrie et les mathématiques étaient à elles seules incapables d’expliquer l’orbite de Mars.

Les travaux du second trio identifié par LaRouche n’ont pas encore été complétés. Ce trio est formé de Max Planck, dont la découverte de la nature discrète (quantifiée) de l’énergie a ébranlé les conceptions sous-tendant notre compréhension de l’extrêmement petit ; d’Albert Einstein, qui a partiellement mis en pratique le programme de Bernhard Riemann pour développer la forme de l’espace-temps en fonction des principes physiques qui en sont la cause ; et de Vladimir Vernadsky, dont l’esprit fertile nous a légué plusieurs pistes d’étude qui n’ont pas encore été explorées. Ce qui importe le plus pour les idées économiques de Lyndon LaRouche, c’est le concept de noösphère, tel qu’il a été développé par Vernadsky, qui est l’étude de l’action de la pensée elle-même sur son environnement. L’humanité est une force géologique, et la pensée est encore plus puissante, bien que d’une manière différente, que les volcans, la gravité, le magnétisme ou la lumière.

A l’opposé de la méthode de pensée des grands penseurs, il y a, comme l’a souligné LaRouche, le programme de David Hilbert de 1905 (et de Bertrand Russell), qui cherche à axiomatiser les mathématiques et la science en général, transformant tout domaine de connaissance en branche de la logique. Ce qui a pour effet de tuer la créativité de quiconque serait assez bête pour adhérer à ce programme. Même si de Cuse avait déjà montré que Russell avait tort, bien des siècles avant qu’il n’apparaisse, Kurt Gödel a présenté une preuve dévastatrice montrant que même si Russell réussissait, selon ses critères, à éliminer la métaphore et la créativité, l’univers se réserverait le privilège de penser autrement. Aucun système de logique complet ne pourra jamais être créé.

Ceci vient conforter le programme de Riemann pour la science : c’est le processus de la découverte qui est à l’origine de la science. L’autorité de la science ne réside pas dans le fait d’avoir des réponses toutes faites (puisque nous ne les aurons jamais). Son autorité se situe plutôt dans la manière dont elle renverse la pensée dominante en présentant des découvertes nouvelles qui ne peuvent être réduites au système en place, qui sont pour ainsi dire incommensurables avec le système dominant.

La musique magnifique que nous avons entendue hier soir devrait nous inspirer et nous aider à poser les fondements d’une culture orientée vers ce type d’identité. Tel est l’objectif que nous devons nous donner. Il nous faut nous débarrasser de l’oligarchie, de la faim, de la pauvreté et, chose plus importante encore, de l’inutile. Le plus haut devoir de la société et des pays est de créer les conditions pour que les peuples puissent contribuer de manière durable au futur.

Aujourd’hui, la plate-forme la plus adaptée pour accomplir une transformation historique est l’économie de fusion, fondée sur l’hélium-3. La Lune est là pour nous le rappeler et nous lance un défi : celui de faire le prochain grand saut vers l’avenir.

Merci.

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