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Discours de cloture – Pourquoi vous devez joindre le combat de l’Institut Schiller

Discours de cloture – Pourquoi vous devez joindre le combat de l’Institut Schiller

Jacques Cheminade

Président de Solidarité & Progrès, Paris.

Helga Zepp-LaRouche

Fondatrice et présidente de l’Institut Schiller.


 

Extrait de l’intervention de Jacques Cheminade :

Avant qu’Helga Zepp-LaRouche ne nous apporte sa conclusion, je voulais livrer une réflexion sur cette dernière séance : l’oligarchie, pour paralyser et tenir les êtres humains, promeut l’idée selon laquelle l’homme est par nature prédateur, mauvais, et qu’il est opposé, par son existence même, à la nature.

L’oligarchie allègue également que le temps est une réalité que nos sens perçoivent et que l’on peut (éventuellement) arrêter ce temps à un certain moment. Elle dit que la biodiversité est là pour toujours, que si une espèce nouvelle arrive, on doit lui demander son passeport et qu’on peut l’expulser ; que toutes les espèces anciennes doivent être maintenues.

Enfin, elle affirme que les ressources humaines sont limitées.

Repensez aux cycles de précession de l’axe de la Terre dans son mouvement galactique – des cycles de 100 0000 ans. Si vous allez au musée d’Eyzies-de-Tayac et de Tautavel, il y a sur les murs de l’un et dans les salles de l’autre une idée de ce qui s’est passé depuis 500 000 ans. Dans ces régions d’Europe, il y a eu à un certain moment des rhinocéros laineux et des mammouths (et de la glace et de la neige partout), et à d’autres moments, un climat tropical avec des tigres à dents de sabre et des crocodiles géants. Les choses changent donc, dans la nature, et ces cycles de 100 000 ans marquent des changements extrêmement importants. Donc, prétendre arrêter le temps, vouloir préserver les choses telles qu’elles sont à un moment donné, c’est une idée absolument infantile. Et si vous avez une idée infantile, vous êtes manipulables et les oligarchies peuvent vous tenir.

Du point de vue du judaïsme et du christianisme (en particulier mais pas seulement), prétendre arrêter le temps à un moment donné est conçu comme le péché majeur. Pour la science moderne, Einstein notamment, l’espace et le temps ne sont pas des données absolues, ce sont des « relatifs » : l’espace-temps est un domaine relatif. Par rapport à cela, on doit penser à Héraclite, qui est le premier à ma connaissance – avec les Védas en Inde – à avoir dit qu’il n’est de permanent que le changement. En effet, l’être humain est capable de penser, changer, transformer, améliorer son univers, ce qui le rend complètement différent de l’animal, et capable de se donner un avenir.

Or l’oligarchie promeut le pessimisme culturel, selon lequel l’homme a nécessairement des effets négatifs sur la nature, conçue comme séparée de lui. Cette séparation conduit à justifier la dépopulation, puisque les ressources sont limitées et qu’il faut bien arrêter de croître un jour.

Si vous regardez nos sociétés européennes, il y a une chose très caractéristique qui en est le reflet : c’est l’abstention électorale. En s’abstenant, les citoyens n’interviennent plus dans la politique et l’oligarchie s’en félicite absolument ! Elle espère ainsi que dans un pays comme la France, on aura comme perspective, pour la présidentielle de 2017, Nicolas Sarkozy, Marine le Pen et… François Hollande. C’est donc comme un gel du temps, et c’est vraiment ce contre quoi nous devons nous mobiliser.

Le vrai défi, c’est de parvenir à trouver en nous-mêmes la capacité de penser – de manière créatrice – et de marcher vers l’inconnu. Il faut pour cela avoir les deux qualités des astronautes (taïkonautes ou cosmonautes) : parce qu’ils rencontrent nécessairement du nouveau, ils doivent, pour survivre, inventer des choses nouvelles. Un des principaux défis de l’espace, de cet impératif extra-terrestre, c’est qu’il force à découvrir, à connaître, et à avoir la plus haute compétence tant dans les domaines de la physique, de la connaissance et de la culture, que dans le domaine manuel. Nous trouvons là cette qualité de l’humanité qui consiste à aller voir ailleurs, tous ensemble, pour le développement mutuel.

C’est de cette façon qu’on doit voir la dernière séance de cette conférence, car notre avenir est dans la maîtrise des processus qui ont lieu dans la galaxie et dans le système solaire. Cela peut être fait depuis la Terre, sans nécessairement s’imaginer des épopées hollywoodiennes (où on irait voir ailleurs en croyant trouver les mêmes conditions). Car les conditions là-bas (radiations, vents solaires, radiations galactiques, etc.) sont extrêmement différentes et nous devons acquérir la capacité de les voir et de les comprendre.

Je crois encore plus profondément que (même si c’est une image), si Einstein n’avait pas joué du violon quelques heures par jour, il n’aurait pas été le grand scientifique qu’il a été. Ainsi, je demanderais à Helga Zepp-LaRouche de conclure en nous emmenant dans ce domaine de la culture, qui est pour nous la chose fondamentale que l’on doit vivre chaque jour.

 

 

Intervention d’Helga Zepp-LaRouche

Avant d’aborder la question de la culture, je suis bien obligée d’aborder celle de la contre-culture. Car les preuves apportées par les orateurs de la dernière séance [1], montrant clairement que le catastrophisme « réchauffiste » n’est qu’une vaste imposture, sont extrêmement choquantes. Le 18 juin, la nouvelle encyclique papale sera présentée par le cardinal Peter Turkson, de Justice et Paix, le patriarche de l’église orthodoxe grecque John Zizioulas, de Pergame, et quelqu’un dont nous avons déjà parlé par le passé, Hans Joachim Schellnhuber. C’est une précision importante, car comme Ben Deniston l’a souligné dans son exposé, derrière la thèse réchauffiste se trouve l’idéologie malthusienne et anti-populationniste, qui est l’ennemi à combattre. En clair, c’est le diable en personne qui va, ou a déjà pris le contrôle de l’Eglise catholique. Sur ce point, il s’agit sans doute d’une compétition avec l’Eglise protestante. C’est une déclaration de guerre car les tenants de cette idéologie ont dit qu’ils avaient l’intention d’influencer deux conférences majeures : la première, c’est celle sur le financement du développement qui aura lieu à Addis Abeba, où l’on cherchera à imposer l’utilisation de « technologies appropriées », une escroquerie que nous dénonçons depuis quarante ans. Personnellement, j’ai rejoint ce mouvement en 1971, après un voyage sur un bateau de marchandises qui a fait escale dans plusieurs ports africains, avant de rejoindre la Chine via la Thaïlande et la Malaisie. Ainsi, j’ai pu passer plusieurs jours dans quelques villes africaines et un peu plus de temps en Chine, en pleine Révolution culturelle. Ce voyage m’a amenée à dire qu’il était impossible de laisser le monde dans un tel état. Car si vous voyagez en cargo, vous avez une vision très différente de celle que donne une croisière de luxe. Ces croisières, réservées à une certaine classe sociale, vous laissent aveugle aux véritables conditions d’existence de l’humanité. Un jour par exemple, à Dakar, j’ai quitté le bateau à l’aube, vers six heures du matin, et déjà une vingtaine de personnes, des hommes et des femmes magnifiques me dépassant en taille, ont tenté de me vendre des objets artisanaux. Lorsque je leur ai dit que je n’étais qu’une pauvre étudiante et que ce n’était pas la peine d’insister, ils ne m’ont pas crue. Je me suis dit alors que si des adultes devaient courir derrière une pauvre étudiante comme moi, qu’en était-il de la dignité humaine ? J’avais bien du mal à leur expliquer ce que je ressentais. Ensuite, je me suis rendue en Thaïlande. A notre arrivée au port, les parents amenaient leurs propres enfants pour les prostituer aux marins. Et je peux vous en raconter encore longtemps comme ça. Quand vous voyez à quoi la pauvreté réduit les gens, vous vous rendez compte qu’elle est la plus grande violation des droits de l’homme qui soit. C’est pour changer cela que j’ai rejoint ce mouvement, parce que lorsque j’ai rencontré M. LaRouche, il défendait l’idée qu’il fallait développer les pays du Sud. Dès 1976, nous avons publié un livre avec nos plans et projets pour industrialiser l’Afrique. Nous avons même organisé une conférence à Paris pour présenter ce livre dont le contenu reste valable. On a toujours besoin de ports, de chemins de fer et d’infrastructures physiques et humaines, car sans cela, même l’agriculture ne peut pas fonctionner, pour la simple raison qu’on ne peut pas acheminer la production vers ceux qui voudraient la consommer. Tout cela serait facile à résoudre si l’on faisait preuve de volonté politique.

Les quatre cavaliers de l’Apocalypse

Nous voici des années plus tard. Ce fut un long combat, mené par notre mouvement et des gens partageant notre vision, comme Indira Gandhi ou Lopez Portillo, avec qui nous avions élaboré des plans de développement qu’il a commencé à mettre en œuvre. Si à l’époque, l’Argentine et le Brésil s’y étaient joints, cela aurait pu marcher.

Ensuite, en 1974, j’ai assisté à la conférence des Nations unies sur la population, à Bucarest. Je m’y suis rendue avec un plan de développement, notamment avec l’idée que les pays industrialisés devaient consentir des transferts de technologie à grande échelle vers les pays en voie de développement. Ainsi, il aurait été assez simple de surmonter le sous-développement.
Lors de ce sommet, John D. Rockefeller III a présenté son programme, introduisant pour la première fois les termes de « développement durable » et de « technologie appropriée ». En clair, cela signifie que les Africains ne devraient jamais pouvoir disposer de chemins de fer, mais se contenter de petites pelles et de puits au village afin de faire des choses « appropriées ».
A cette époque, ces idées apparaissaient comme novatrices. L’environnementalisme n’existait pas encore vraiment. Les mouvements de gauche présents à cette conférence de Bucarest, qui n’étaient pas dupes, ironisaient sur la «  bombe démographique » en disant qu’il s’agissait d’un «  bébé de Rockefeller », car ils savaient bien que c’était un piège de l’oligarchie.
J’ai alors pris la parole pour dire que les conséquences d’une telle politique étaient cent fois pires que celle d’Hitler. Et je n’avais pas tort, car si l’on comptabilise le nombre de morts provoqués par la politique du FMI qui a privé de technologies les pays du tiers monde, cela se chiffre en centaines de millions.
De ce point de vue, le CBE (Commandant de l’Empire britannique) Schellnhuber est un escroc. En langage diplomatique, il s’agit, psychologiquement, d’une personnalité difficile. C’est pourtant lui qui impose sa vision à l’Eglise catholique en faveur d’une « décarbonisation » de l’économie mondiale. Nous l’avons d’ailleurs combattu lorsqu’il a présenté cette thèse au gouvernement allemand, car elle impliquerait de bannir les hydrocarbures ainsi que l’énergie nucléaire. La transition énergétique vers des énergies dites renouvelables, l’éolien et le photovoltaïque, impliquerait une réduction de la capacité d’accueil démographique de la Terre à moins d’un milliard d’êtres humains.
Nous avons suivi de près les mouvements prônant la « croissance zéro » au début des années 1970, qui cherchaient comment réduire la population mondiale. Eh bien, il y a ce que la Bible appelle les quatre cavaliers de l’Apocalypse : la guerre, la mort, la famine et les épidémies. Si vous les lâchez sur le monde, alors la démographie s’effondre toute seule.
Par conséquent, s’ils parviennent à imposer (ce dont je doute) cet agenda secret lors du sommet mondial sur le climat (COP21) qui aura lieu à Paris en décembre, cela donnerait à ces institutions une dimension génocidaire. On doit tout faire pour l’empêcher car il s’agit d’une forme de nazisme ou d’« écofascisme » (peu importe le terme).

Cela commence avec l’esprit

Nous devons vraiment nous mobiliser partout dans le monde pour bloquer cette tentative, et nos orateurs [2], nous ont donné d’excellentes munitions pour cela. Nous avons affaire à des imposteurs : cette campagne pour le réchauffement climatique me rappelle l’image du petit chien assis devant le gramophone de son maître, écoutant la voix de celui qui le nourrit !
C’est de la même façon qu’on essaya de détruire l’influence de Leibniz à l’Académie de Berlin. On organisa des concours bidon pour promouvoir les scientifiques les plus corrompus. Des savants comme Kaestner et Lessing ont dû guerroyer contre ces manigances. Ce sont les vieilles ruses de l’oligarchie. Aujourd’hui, la plupart de ces scientifiques s’ennuient mortellement car ils ne font cela que pour obtenir des subventions. Même quelques scientifiques plus sérieux se voient contraints d’employer la terminologie verte afin d’obtenir un meilleur financement. Une fois les fonds obtenus, ils en profitent pour mener un projet de recherche de leur choix, tout en lui donnant un nom « vert » pour toucher les subventions !

La corruption des esprits est incroyable. Pourquoi croyez-vous que ça marche ? Pourquoi sommes-nous à deux doigts d’une guerre ? Parce que les gens sont trop stupides pour imaginer les conséquences de leurs pensées et de leurs actes. Ils appartiennent à un cercle, pro-britannique ou pro-américain, et ils pensent comme ce cercle. Ils n’imaginent même pas qu’on puisse penser différemment.
Je ne peux que vous mettre au défi. Si vous avez le moindre doute sur ce qui a été dit ici – à savoir que nous sommes au bord d’une troisième guerre mondiale – et si vous avez un minimum de respect pour vous-même, rentrez chez vous et faites vos devoirs. Car si vous n’avez pas réellement étudié la situation, c’est que vous êtes intellectuellement paresseux. Moi j’ai lu tous les documents écrits par des experts militaires américains, anglais, allemands, français, italiens, russes, chinois, et il n’y a pas le moindre doute : si vous regardez l’évolution des doctrines militaires, la doctrine de première frappe et les réactions russes et chinoises par rapport à cette doctrine, et que vous n’en tirez pas la conclusion qu’on est au bord du gouffre, c’est que vous êtes intellectuellement paresseux, ou pire.
Mais si vous êtes sérieux, vous arrivez à cette conclusion. Et alors, il va falloir vous lever et faire quelque chose pour la survie de la civilisation. Je pense que la corruption de l’esprit vient de là : nous ne défendons aucune cause.

Des cadeaux pour l’avenir

Je suis convaincue que nous sommes la seule organisation à prendre l’avenir en compte, c’est-à-dire les mille ans qui viennent. Et même les quelques milliards d’années, serais-je tentée de dire, car je souhaite que l’espèce humaine soit immortelle. Je fréquente des géophysiciens qui me disent que l’humanité va disparaître à la seconde après minuit. C’est une idée qu’on ne peut accepter ! Je ne sais pas si vous vous en souvenez, il y a quelques mois, lorsque la sonde Voyager quitta notre système solaire, on avait placé à son bord des enregistrements de la Neuvième symphonie de Beethoven par Furtwängler. Cette idée m’intrigue : imaginons qu’un peuple intelligent, quelque part dans ce vaste univers, se mette à écouter un jour ces enregistrements !
L’idée que toutes les batailles de l’humanité aient été menées pour rien m’est inacceptable. Le peuple indien, Mahatma Gandhi et d’autres, se libérant de l’impérialisme britannique ; les Chinois mettant fin aux guerres de l’opium ; la Résistance allemande, qui a tenté de nous débarrasser d’Hitler et qui fut écrasée… Tous ces gens courageux, tous les beaux accomplissements de l’humanité qui nous ont conduits là où nous sommes aujourd’hui, tout cela pour rien ? C’est une idée totalement inacceptable !
Dans l’esprit de Schiller lorsqu’il écrivait « Pourquoi doit-on étudier l’histoire universelle ? », nous devons nous montrer reconnaissants envers les générations précédentes pour tous ces précieux dons et organiser notre vie de façon à en léguer de plus riches encore aux générations futures.
C’est vraiment une chose que j’aimerais enraciner dans vos cœurs et vos esprits. Ne pensez pas de façon étroite, car c’est cette étroitesse d’esprit qui nous a amené deux guerres mondiales. Nous devons réellement partir du principe qu’on doit dépasser la pensée géopolitique, car au XXe siècle, la géopolitique nous a conduits par deux fois à une guerre mondiale. Le danger aujourd’hui est que si l’on ne sort pas de la géopolitique, nous risquons de nous exterminer nous-mêmes.

Pourquoi ai-je mentionné hier la différence entre « ratio » et intellect ? Je veux vraiment vous faire réfléchir à cela parce que la plupart des gens se disent, « j’ai du bon sens, je connais tout. Je suis un érudit. J’ai fait des études et j’ai des titres divers ». Cependant, il leur manque la conscience de soi – c’est ce qui arrive lorsqu’on ne pense qu’au niveau du « ratio », c’est-à-dire le niveau où se posent toutes les contradictions, où mon intérêt s’oppose à celui de l’autre. Quelle est la différence entre ce niveau de pensée et celui que le Cusain appelle l’intellect ? C’est que ce dernier est celui de la « coïncidence des opposés », qui vous élève à un niveau où ces contradictions n’existent plus. Dans la tradition philosophique humaniste platonicienne de l’Europe, c’est l’idée que le « un » est d’un ordre plus élevé, et d’une puissance plus grande, que le « multiple ».
C’est de cette façon que l’on doit raisonner, car tant qu’on reste au niveau des contradictions, on est incapable de résoudre le moindre problème. Ce fut la grande percée du Traité de Westphalie de 1648, car après 150 ans de guerres de Religion, les belligérants ont fini par reconnaître que si l’on continuait comme ça, il ne resterait plus grand-monde en Europe. Dans certaines régions, les deux tiers de la population avaient déjà disparu. Ils en sont donc venus à la conclusion qu’il fallait trouver un principe supérieur : celui de « l’avantage d’autrui », selon lequel une paix durable ne peut se construire que sur l’idée de l’intérêt de l’autre.

La beauté est légitime

Cette méthode de penser peut s’appliquer dans tous les domaines. Vous ne ferez aucune découverte en science si vous n’êtes pas capable de concevoir une hypothèse, c’est-à-dire d’effectuer le pas nécessaire dans l’inconnu. La découverte scientifique n’est pas l’histoire d’un quidam qui a un jour une idée géniale et qui découvre un « truc ». Non, il s’agit d’abord d’une accumulation de connaissances, de « masses-pensées » (Geistesmassen), qui entrent en résonance. De là vient le pas nécessaire vers la découverte.
La fusion thermonucléaire contrôlée représente le prochain pas nécessaire, car elle conduira à la maîtrise de flux énergétiques d’une densité supérieure, condition pour garantir l’existence future de l’humanité.
De la même manière, on ne peut pas composer un morceau de musique classique en jetant à la poubelle toutes les lois de la composition classique, sous peine de se retrouver avec de la musique atonale ou dodécaphonique et, finalement, avec de la laideur.
Il faut écouter et travailler les derniers quatuors de Beethoven, les belles symphonies, travailler Brahms, Schubert, ses magnifiques lieder et tous les sommets de la musique classique, avant d’être en mesure de définir ce qui sera le prochain pas dans la composition musicale. Il faut respecter les règles tout en envisageant leur dépassement légitime.
L’humanité en est à un stade proche du chaos, et l’on ne pourra pas s’en sortir autrement. Si vous ne pensez pas qu’il s’agit d’un effondrement civilisationnel, il est temps de vous réveiller !
Evidemment, il existe des pays où la population est majoritairement jeune. Le Premier ministre indien Narandra Modi dit que l’avenir de l’Inde sera radieux car le pays a beaucoup de jeunes et que s’ils reçoivent une éducation de qualité, ils seront un atout considérable. En revanche, d’autres pays, notamment l’Allemagne ou l’Italie, connaissent un recul démographique. Sans les Indiens, ces pays disparaîtront car ils ont cessé de procréer. Je n’ai pas les chiffres en tête, mais il y a tellement de mariages sans procréation que tôt ou tard, nos pays cesseront d’exister. Heureusement, les Indiens vont aider les Allemands à survivre… Pour M. Modi, éduquer ces jeunes donnera un potentiel pour l’avenir. C’est vraiment comme cela qu’on doit penser.
Une crise civilisationnelle ne se limite pas à une situation où l’on est à deux doigts d’une guerre mondiale, elle se traduit aussi par des tragédies à vous briser le cœur, comme les naufrages de réfugiés. Ces photos de la Méditerranée illustrent la faillite de l’UE, car c’est le pire des comportements possibles. Au lieu de développer l’Afrique, on va couler les navires ? L’UE se voit comment dans cette affaire ?

Mais il y a plus. Deux milliards de gens souffrent de malnutrition. Un milliard est au bord de la mort et l’autre est touché par l’insécurité alimentaire immédiate. Et ceci sans aucune raison. Sans parler de la drogue. Combien sont accros à la drogue ? Rien qu’en Russie, 40 000 personnes en meurent chaque année et selon le gouvernement, il s’agit du plus gros problème de sécurité qu’il doit confronter. Parmi les jeunes qui fréquentent les discothèques, 85 % prennent de la drogue ! Quant à la pornographie, il n’y a plus aucune limite car tout peut être visionné à la télévision publique. Chaque fois que j’allume la télévision, ce qui m’arrive de temps en temps, je suis absolument choquée. Je ne vais pas vous décrire chaque détail, mais à chaque fois je me dis : ce n’est pas possible ! Chaque fois que je crois avoir vu le summum de la perversité, de la pornographie et de la violence, on trouve quelque chose allant au-delà.

Regardez ce qu’on fourre dans la tête des adolescents. A huit, neuf, dix ans, filles et garçons sont au fait de l’homosexualité, de toutes les pratiques sexuelles, de la violence et des films branchés. Regardez du côté de la Couronne britannique et du vaste scandale de pédophilie qui fait trembler la Grande-Bretagne et ses « élites », notamment [l’ancien commissaire européen] Sir Leon Brittan, que j’ai eu la malchance de croiser lors d’une conférence à Beijing en 1996, où il déclara : « La Route de la soie, ça ne marchera jamais car on aurait du terrorisme et des déstabilisations dans toute l’Asie centrale. » C’était évident que le « grand jeu » britannique désapprouvait cette initiative. Aujourd’hui, Brittan est mort, mais il était impliqué au plus haut niveau dans l’industrie de la pédophilie, organisant des partouzes, etc. C’est un scandale qui touche des milliers d’individus au sein des élites britanniques. Ce sont des dégénérés !

Faites-vous une idée d’ensemble de la culture des jeunes aux Etats-Unis et en Europe. Aux Etats-Unis, mieux vaut éviter de faire du shopping, car si vous vous rendez dans un centre commercial, le risque est grand de vous faire tirer dessus par quelqu’un qui passe en voiture. Regardez le taux de mortalité dans les grandes villes des Etats-Unis. Regardez la violence policière. Pourquoi croyez-vous qu’il y ait toutes ces émeutes dans les villes, à Ferguson ou à Baltimore ? Parce que la police américaine a été militarisée. Ils reçoivent de l’Armée des armes lourdes pour les utiliser contre leur propre population. Et si le système financier s’effondre, les Etats-Unis sombreront probablement dans une guerre civile, car il y a des armes partout et le facteur de violence envahit la culture. Aujourd’hui, on voit un mouvement de pasteurs se dresser contre cela, qui s’unissent pour agir ensemble.

Un saut qualitatif

Je pourrais continuer pendant longtemps. Mais si vous n’êtes pas aveugle, vous vous rendez compte que nous ne sommes pas seulement face à un danger de guerre, mais que nous devons affronter une crise civilisationnelle, un peu comme le système de castes en Inde. Certains pensent que les classes inférieures se composent de gens inférieurs. J’ai beaucoup d’amis en Inde et pour l’un d’eux, j’ai observé un jour comment il se comportait envers un porteur de bagages dans un hôtel. C’est une pensée oligarchique, ni plus ni moins que celle de la Reine d’Angleterre organisant le trafic de drogue. (On nous a accusés d’avoir dit cela et on l’a prouvé.)

Regardez les Anglo-Saoudiens organisant le terrorisme, ce qui est le sujet des fameuses «  28 pages » [du rapport sur le 11 septembre]. Vous avez entendu Walter Jones dire qu’il existe un mouvement de plus en plus fort aux Etats-Unis pour faire toute la vérité sur cette affaire.

Nous sommes face à une crise civilisationnelle qui englobe tout. Nous avons atteint un point, dans l’histoire de l’humanité, où soit nous faisons un saut qualitatif vers un paradigme entièrement nouveau, soit tout est perdu. L’histoire nous offre des exemples de ce type à étudier. Au milieu du XIVe siècle, l’Italie et le reste de l’Europe ont été décimées par la peste noire. Il y a eu les flagellants et on brûlait ceux qu’on accusait de sorcellerie. Les structures élémentaires de la société se sont effondrées avec le système financier. Si vous regardez les tableaux de Jérôme Bosch et de Brueghel, on y voit les trognes de certains individus de l’époque, un œil regardant vers le ciel et l’autre plongeant vers le sol. Ce que ces peintres ont capté, c’est l’effondrement moral d’une société dans un « âge des ténèbres ».

Ensuite, il faut regarder comment l’humanité a su se relever pour entrer dans un « âge d’or », celui de la Renaissance italienne. Cela s’est fait progressivement. D’abord avec Dante Alighieri, Pétrarque et tout un mouvement d’humanistes, qui ont commencé à rassembler des manuscrits de grands penseurs du passé. Ensuite, il y a eu la bataille courageuse de Jeanne d’Arc qui, avec Louis XI par la suite, a transformé la France. C’est ainsi que le niveau de vie des Français a doublé en vingt ans sous le règne de Louis XI.
Ensuite, il y a eu en particulier Nicolas de Cues et tous ceux qu’il a influencés. Cues s’en est pris aux scolastiques, ces aristotéliciens qui dominaient à l’époque les universités européennes. Il a développé une nouvelle façon de penser qui servit de fondement aussi bien à l’émergence de l’Etat nation qu’à la science moderne. Kepler n’aurait jamais pu faire ce qu’il a fait sans l’apport de Nicolas de Cues, qu’il surnomma le « divin » Cusain. Quant au savant Vernadski (bien mieux connu en Russie qu’en Europe), il considérait « Cusansky » comme le tremplin vers la science moderne.
Le monde a donc besoin d’une rupture de ce type, d’une pensée entièrement nouvelle qui ne soit pas définie par les conflits ethniques ou géographiques, mais qui voit l’humanité comme un « un » et lui offre une vision d’avenir. Si vous commencez à voir l’ensemble des choses de ce point de vue, alors oui, tous les conflits trouveront une solution.

On l’a dit et répété : nous n’avons pas seulement besoin d’un nouvel ordre économique mondial, tel qu’on vient de l’esquisser avec le projet de « Pont terrestre mondial », mais aussi d’une Renaissance culturelle. On doit faire disparaître cette culture décadente. Confucius et Lessing ont parfaitement raison de dire qu’on peut devenir un homme de bien, pourvu qu’on le veuille. Si vous décidez de devenir une personne aimante, vous commencerez à aimer. C’est une question morale. En êtes-vous capable ?

Redonner vie à l’idéal classique

De la même façon, en rompant avec la culture ambiante, chaque culture pourra retrouver le meilleur d’elle-même. Les Allemands devraient évidemment faire revivre la tradition musicale portée par Bach, Mozart, Haydn, Schubert, Schumann, Beethoven, Brahms, et même certains lieder d’Hugo Wolf. Et, évidemment, il faut retrouver Schiller et les autres grands poètes.

La France doit faire renaître la tradition de l’Ecole polytechnique à ses origines. Nous devons recréer une société « tractée » par un vecteur scientifique, comme l’envisageait Charles de Gaulle lorsqu’il parlait de la mission de la France dans le monde. L’Italie a une tradition riche de scientifiques et d’artistes : Verdi, Dante, Léonard de Vinci, etc. L’Inde est un pays qui a 5000 ans d’histoire. On doit redécouvrir les écrits védiques et le théâtre de la période Gupta. La Renaissance indienne de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe, avec de magnifiques penseurs et poètes comme Tagore et Shri Aurobindo, Vivekananda et bien d’autres. En Chine, la Renaissance confucéenne est en cours.

Aux Etats-Unis, le pays tente de retrouver la meilleure part de son histoire. Il ne s’agit pas d’un monstre monolithique ou d’une superpuissance à laquelle on est obligé de se soumettre, ou que l’on doit aimer aveuglément parce qu’ils sont les plus forts. Non, les Etats-Unis ont deux traditions fondamentalement différentes. Nous venons de tenir une conférence le week-end dernier à New York, où l’on évoqua la thèse, basée sur des recherches historiques, selon laquelle le défi de surmonter l’esclavagisme était au cœur du processus de formation historique des Etats-Unis d’Amérique. Cet enjeu se posa dès le début, lorsqu’il s’agit de déterminer qui, des Pères fondateurs, exerceraient une influence prépondérante : ceux qui s’opposaient à l’esclavage ou les partisans du compromis, qui voulaient rester sous l’influence de l’Empire britannique ? L’Empire britannique, de son côté, n’a jamais accepté d’avoir perdu ce qu’il considérait comme sa plus importante colonie. Et à défaut de la récupérer, il a choisi de la pervertir.
D’abord par la guerre. Les Britanniques étaient alliés aux Sudistes confédérés, qui étaient financés par les grands propriétaires de plantations. Lorsqu’ils se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient pas l’emporter militairement, ils firent appel à d’autres moyens, comme le cercle de la Table ronde, animé par Lord Milner et consorts. L’idée était de convaincre les élites américaines qu’il fallait gérer le monde comme un Empire, en prenant pour modèle l’Empire britannique. C’est encore le problème des Bush et des Obama, car c’est leur philosophie actuelle.

Mais il existe une autre Amérique, celle des Benjamin Franklin, Alexander Hamilton ou John Quincy Adams. Ou encore celle de Lincoln, de McKinley, de Franklin Roosevelt ou des frères Kennedy. Nous sommes très engagés actuellement à faire renaître cette Amérique-là. J’ai la plus profonde conviction que sans cela, il n’y aura pas de solution durable aux problèmes du monde. Aux Etats-Unis, un vent de révolte souffle dans le camp des démocrates, et jusque chez certains républicains, comme Walter Jones, qui est un homme intègre entièrement dévoué à sa base.

L’Amérique doit redevenir une République. Elle doit retrouver une politique étrangère comme celle de John Quincy Adams, qui prônait une alliance entre Républiques parfaitement souveraines. C’est ce qui rendrait tout le monde heureux.

Je pourrais sans doute identifier dans l’histoire de chaque pays sa période glorieuse. Mais ça, vous le savez aussi bien que moi. C’est en partant des meilleurs moments de l’histoire de chaque nation et de chaque culture que l’on créera une nouvelle Renaissance. Comme pour les autres renaissances, il nous faut redonner vie à ce que l’on a connu de magnifique dans le passé, afin de créer et nourrir quelque chose d’encore plus beau pour l’avenir.
Voilà ce que je conçois comme la tâche qui nous attend dans l’immédiat. Je souhaite que vous nous rejoigniez tous pour l’accomplir, car il s’agit peut-être de la mission la plus noble de votre existence. Et parce que c’est nécessaire.


Jacques Cheminade : une nouvelle Route de la soie maritime et terrestre a son fondement d’entente Est-Ouest (INTERVIEW)‏

http://french.xinhuanet.com/chine/2014-12/24/c_133874807.htm

> PARIS, 23 décembre (Xinhua) — Jacques Cheminade, président du parti politique Solidarité et progrès, ancien candidat à l’élection présidentielle de 1995 et de 2012 en France, a indiqué, dans une récente interview accordée à l’agence de presse Xinhua, qu’il existe une base, un fondement d’entente entre l’Est et l’Ouest sur une nouvelle Route de la soie maritime et terrestre.

> Jacques Cheminade a rappelé que Mme Helga Zepp-LaRouche, fondatrice de l’Institut Schiller, avait évoqué dès 1996 cette nouvelle Route de la soie, soulignant que ce concept est en fait un concept de paix entre les nations et de prospérité mutuelle. M. Cheminade a affirmé être partisan des propositions de Madame LaRouche, propositions qui “sont aussi les siennes”. Il s’agit de soutenir les grands projets chinois tels que le transfert de l’eau et le passage d’une économie de charbon à une économie sur lequel on pourra compter sur le nucléaire.

> “Je pense qu’il y a une base de coopération en particulier entre la France et la Chine, qui est déjà en place mais qui pourrait encore aller plus loin sur la base du nucléaire. Et le nucléaire de la 4ème génération et à un certain moment sur la fusion thermonucléaire contrôlée, la fusion pour faire de l’énergie très bon marché qui permette un développement économique du monde. Il y a déjà des accords entre la France et la Chine, mais il faut aller plus loin”, a précisé le président du parti Solidarité et progrès.

> Il a émis le souhait de voir la France participer au projet de la Route de la soie et espéré que le train de la Route de la Soie arrivera aussi à Lyon, “qui est la ville de la soie”. Pour rappel, le président chinois Xi Jinping s’est rendu à Lyon lors de sa visite officielle en France en mars dernier et a encouragé ce genre d’échanges et de communication.

> Il a reconnu qu’en France, il y a des gens qui ne se rendent pas compte de l’importance du programme chinois. Parce qu’en Chine, le projet à long terme, est de trouver l’hélium 3 sur la Lune pour alimenter la fusion thermonucléaire terrestre. Donc les Français pensent que c’est loin, c’est pharaonique et difficile. “Ce n’est pas vrai, il faut commencer. La Chine a l’ambition de ce projet-là, que d’autres pays ont perdu. Donc il faut aussi retrouver en Europe, cette ambition là, et j’espère qu’on la retrouvera avec la Chine, la Russie aussi avec des pays comme le Brésil et l’Argentine”, a poursuivi M. Cheminade.

> A cette occasion, il a dit avoir signé une pétition proposée par l’Institut Schiller de Mme Helga Zepp-LaRouche. Selon cette pétition intitulée “L’Europe et les États-Unis doivent abandonner leur approche géopolitique et coopérer avec les BRICS !”, A l’ère nucléaire, une politique d’affrontement avec la Russie et la Chine “ne peut que conduire à l’extinction de notre espèce”, a-t-il estimé, insistant sur le fait qu’aucun effort ne doit être épargné pour coopérer afin de résoudre les multiples crises auxquelles fait face l’humanité.

> La pétition appelle l’Europe et les Etats-Unis à abandonner leurs “géopolitiques suicidaires du passé, qui furent à l’origine de deux guerres mondiales et nous mènent à une troisième, afin de bâtir un avenir pour toute l’humanité en adoptant de nouveau le principe du Traité de Westphalie”.

> M. Cheminade a fait remarquer que cette conception est déjà partagée par de nombreux Français. “Ils n’osent pas le dire tout haut et assez fort … Nous avons six ou sept Français importants qui ont signé le texte de Madame Larouche, et qui sont à la fois dans la vie publique et qui sont très intéressés. Il y a aussi des économistes très intéressés par ce développement et cette possibilité. Parce qu’il faut bien voir que l’Europe est en train de s’étouffer elle-même. L’Europe n’est plus capable d’avoir une vision. Il faut qu’au-delà d’elle-même quelque chose l’inspire pour sortir du corset dans lequel elle s’est enfermée”, a conclu M. Cheminade.


Helga Zepp-LaRouche: “La Nouvelle Route de la Soie transforme la planète: Une nouvelle ère pour l’humanité”

Helga Zepp-LaRouche

Présidente de l’Institut Schiller


Mesdames et Messieurs, je vous souhaite à tous la bienvenue à cette importante conférence, et vous fais part tout d’abord des salutations les plus chaleureuses de M. Lyndon LaRouche, qui est en pensée avec nous et dont les travaux prophétiques ont énormément contribué à élaborer et mettre en œuvre une solution dans le monde aujourd’hui.

Je dois toutefois vous dire que nous sommes confrontés à une crise de dimension inégalée. L’humanité est au bord de l’abîme, menacée d’un génocide qui pourrait s’avérer pire que tout ce que nous avons connu dans notre histoire, et c’est ce qui arrivera si l’on continue à appliquer les mêmes politiques dans le monde transatlantique. Nous faisons face à court terme à une combinaison de trois dangers mortels :

D’abord l’expansion des activités terroristes de l’Etat islamique (EI), qui cause déjà un génocide à l’égard des populations kurdes en Irak et en Syrie ainsi que contre les autres minorités religieuses. L’on pourrait très rapidement atteindre le point où les pays contre lesquels ce terrorisme est dirigé n’auront d’autre alternative que de s’engager dans la guerre, ce qui pourrait faire exploser toute la région de l’Asie du Sud-ouest, menant à un conflit global.

Le second danger, lui aussi mortel et instaurant une situation tout aussi dangereuse, est la pandémie d’Ebola, qui est déjà complètement hors de contrôle. Ravageant non seulement les pays d’Afrique de l’ouest, elle s’étend à l’Europe, aux Etats-Unis et à l’Amérique latine. Contrairement aux déclarations irresponsables affirmant que la maladie ne peut se propager dans le secteur dit « avancé » et que les dits pays « avancés » y sont préparés, la situation pourrait échapper à tout contrôle à cause des coupes budgétaires dans le secteur de la santé.

Le troisième danger mortel est que nous devons nous attendre, avec une certitude absolue, à un nouveau krach financier qui sera bien pire que celui de 2008. Si les Etats-Unis et l’Europe s’engagent dans le soi-disant bail in (renflouement interne), autrement dit le modèle chypriote consistant à se servir dans les comptes des épargnants et des entreprises, le monde se trouvera alors plongé dans un nouvel âge sombre, débouchant sur une guerre impliquant un possible recours aux armes nucléaires.

Ce sur quoi je dois insister, cependant, c’est que ces dangers ne découlent pas de processus inévitables car ils sont tous d’origine humaine, et qu’on peut donc y remédier. Mais on doit commencer par reconnaître qu’ils sont la conséquence de la faillite des politiques de l’establishment transatlantique, puis que nous pouvons y mettre fin si nous avons la volonté politique pour cela.

En ce qui concerne la première menace, l’EI, qui poursuit son avancée sur le terrain en dépit des bombardements, mon mari Lyndon LaRouche a produit en 1999 une vidéo, intitulée Storm Over Asia (Tempête sur l’Asie), qui montrait de manière prophétique jusqu’où nous conduiraient les politiques des Anglo-américains.

Dans cet extrait, M. LaRouche expliquait en détails comment la nouvelle version du Grand jeu qu’on était en train de lancer contre la Russie, puis plus récemment contre la Chine, impliquait le recours au terrorisme pour préparer ce qui pourrait devenir une nouvelle guerre mondiale. Il y soulignait, entre autres, le rôle traître de la Turquie. Je vous encourage vivement à regarder cette vidéo sur le site du LaRouche PAC.

L’idée de faire appel à la « carte islamique » contre la Russie avait été présentée à l’origine par [Zbigniew] Brzezinski, lors d’une conférence de la Commission trilatérale à Kyoto en 1975. Ensuite, après avoir entraîné les moudjahidines pour combattre l’Union soviétique en Afghanistan, le mouvement s’est emballé de lui-même, se propageant de l’Afghanistan à l’Asie centrale, vers le Daghestan, la Tchétchénie, le Pakistan et au-delà.

Ensuite, comme si cela n’avait pas déjà créé suffisamment de problèmes, s’y ajouta la politique de « changement de régime », résultant de la volonté anglo-américaine de transformer le monde en empire global, dans la foulée de la chute de l’Union soviétique. Cette politique de changement de régime a aggravé la situation en démantelant les Etats, sur lesquels repose l’organisation de l’ordre international.

En 2003, la guerre contre Saddam Hussein et l’Irak, entièrement fondée sur des mensonges fabriqués par Tony Blair et le MI 6, conduisit au bombardement de l’Irak, renvoyant ce pays « à l’âge de pierre », tout en en faisant un lieu d’incubation pour la vague de terrorisme que nous voyons à l’œuvre aujourd’hui.

Vint ensuite la guerre contre la Libye, qui reposait encore une fois sur des mensonges, et où l’on parvint à tromper les puissances disposant d’un droit de veto à l’ONU – la Russie et la Chine – en leur faisant croire qu’il ne s’agissait que d’une « intervention humanitaire », ce qui explique qu’elles soient restées neutres lors du vote au Conseil de sécurité. Si l’on regarde aujourd’hui le résultat en Libye, on voit un pays plongé dans le chaos le plus total.

Il y eut ensuite les mensonges contre la Syrie, selon lesquels le gouvernement d’al-Assad aurait utilisé des armes chimiques, ce qui n’a toujours pas été prouvé. Au contraire, il a été démontré que ce sont les rebelles qui en ont fait usage, soutenus en cela par l’Arabie saoudite et l’Occident. Les médias occidentaux continuent néanmoins à colporter, aujourd’hui encore, le mensonge que le gouvernement syrien aurait eu recours à des armes chimiques.

Les frappes militaires ont été arrêtées in extremis, mais si vous regardez la région aujourd’hui, l’Irak et la Syrie se retrouvent aux prises avec l’EI, tandis que l’Europe doit composer avec cette proposition complètement insensée, émanant du Parti vert [en Allemagne], d’envoyer des troupes allemandes sous le mandat de l’ONU, chose impossible pour la simple raison que le soutien des Verts au coup d’Etat nazi en Ukraine a contribué à isoler la Russie, de sorte que les chances de voir l’ONU autoriser une telle opération sont pratiquement nulles.

Le ministre allemand des Affaires étrangères a souligné lui aussi ce paradoxe, avant de se rendre en Arabie saoudite pour lui demander de jouer un rôle prépondérant dans la lutte contre l’EI ! Vous pouvez aussi bien demander à la chèvre de garder le jardin et de protéger le chou. Le porte-parole de la CDU, Philipp Missfelder, prétend qu’il ne peut exister de solution pour la Syrie que sans al-Assad, mais qu’on peut le soutenir pour le moment, sinon l’EI prendra le pouvoir…

Nous avons affaire à des amateurs ! Ces politiques irresponsables jouent avec une situation qui pourrait très rapidement conduire le monde à une troisième guerre mondiale. En ce moment, aux Etats-Unis, une révolte gronde, où les gens exigent que l’on remonte aux sources de cette crise avec l’EI, en enquêtant sur les circonstances réelles des attentats du 11 septembre 2001 et en rendant publique la totalité du rapport [d’enquête conjointe du Congrès sur les attentats du 11 septembre], rédigé à l’époque sous la direction du sénateur Bob Graham. La vraie bataille aux Etats-Unis, qui pourrait déterminer le cours des événements mondiaux, est d’obtenir la publication de la section de 28 pages de ce rapport, qui reste confidentielle à ce jour. Ces 28 pages avaient été placées sous le sceau du secret par George Bush, et Obama en avait promis la publication au cours de sa campagne électorale de 2008, afin de permettre aux familles des 3000 victimes des attentats de savoir ce qui était réellement arrivé.

Grâce à nos efforts, il y a actuellement un nombre croissant de députés et sénateurs qui exigent la publication de ce chapitre. La chaîne canadienne CBC a diffusé il y a deux semaines une émission de 11 minutes expliquant précisément l’importance de ces 28 pages. Premier extrait vidéo : « Notre plus grand problème est nos alliés. Nos alliés dans la région ont été notre plus grand problème en Syrie. » C’est la voix du vice-président Joe Biden, qui a prononcé il y a deux ou trois semaines un discours très remarqué, où il a déclaré que le problème avec l’actuelle campagne de bombardements contre l’EI par les Etats-Unis, est que les « alliés » – Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabe unis – ont une politique assez différente et que les Etats-Unis n’ont pas d’alliés.

Mais les propos de l’ancien sénateur Bob Graham (bien que toujours soumis au devoir de réserve) vont plus directement aux sources du problème, en augmentant la pression pour que ces 28 pages classées secret défense soient enfin publiées. Extrait suivant [Graham] : « La connexion est directe. Non seulement l’Arabie saoudite a promu cette forme extrême de religion, mais elle en a été la principale source de financement – d’al-Qaïda d’abord, puis de ses diverses succursales partout dans le monde, plus particulièrement celles en Somalie et au Yémen ; et maintenant, il y a le soutien de l’EI… »

Cette déclaration est de la dynamite. Le scandale est, de toute évidence, que tous les chefs d’Etat en Europe et ailleurs savent cela ! Le sénateur Bob Graham est une personnalité très connue et jouissant d’une grande réputation. Il a dirigé l’Enquête conjointe du Congrès [sur les activités des agences de renseignement] sur les circonstances entourant le 11 septembre, et M. Steinmeier, par exemple, en tant que chef de cabinet de l’ex-chancelier Schröder, était responsable des services secrets. Etant aujourd’hui ministre des Affaires étrangères pour la seconde fois, il est impossible qu’il ne soit pas au courant, et ceci vaut également pour tous les gouvernements européens.

Le scandale que nous devons faire éclater auprès du grand public, puis utiliser pour obtenir un changement de politique, est le fait que ces pays mêmes qui ont financé et développé, d’abord les moudjahidines, puis al-Qaïda et al-Nousra, et enfin l’EI, sont censés faire partie de la coalition qui doit combattre l’EI, ce qui est évidemment grotesque.

L’agence de presse Bloomberg publiait il y a deux jours un reportage affirmant que l’Etat islamique encourage des combattants tchétchènes à s’attaquer à Poutine, et l’un des hauts dirigeants de l’EI, un Géorgien portant le sobriquet « Omar le Tchétchène » (son nom est Omar al-Shishani) affirme ouvertement que la cible de l’EI est le Président russe. Nous savons également que la majorité des combattants de l’EI sont tchétchènes et qu’ils se préparent à étendre à la Russie les combats qui font rage actuellement en Asie du Sud-ouest.

Le chef des nazis en Ukraine, Dmytro Iarosh, de Secteur droit, a demandé au seigneur de guerre tchétchène Dokou Oumarov de prendre les armes contre la Russie ; ce Iarosh, soit dit en passant, s’est battu aux côtés des Tchétchènes au cours de leur première guerre contre la Russie.

Comme nous le voyons clairement, ces opérations ne visent pas seulement le Moyen-Orient, elles sont dirigées contre la Russie et la Chine aussi. Le chef de l’EI, Abou Baker al-Baghdadi, a publié, le 4 juillet dernier, une carte montrant comment le Califat qu’il entend instaurer, doit s’étendre jusqu’au Xinjiang, en Chine. Il a également nommé vingt pays sur lesquels les musulmans ont, selon lui, des droits.

Quelle conclusion tirer de tout cela ? Plutôt que s’allier à des pays qui ont financé et encouragé des groupes terroristes, depuis les moudjahidines jusqu’à l’actuel EI, nous devons absolument, si nous souhaitons empêcher que cette situation ne dégénère en troisième guerre mondiale, changer de politique et former une alliance incluant la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran, la Syrie et l’Egypte. La crise ne pourra être résolue que si nous changeons le cours de notre politique en nous engageant dans cette direction.

Cela signifie également que nous devons de toute urgence mettre sur la table la question d’une architecture de sécurité « inclusive », car si nous espérons éviter une troisième guerre mondiale, nous ne pouvons nous permettre de laisser certains pays s’engager sur la voie d’un affrontement avec la Russie. Il nous faut revenir au droit international, au respect complet de la souveraineté des pays, telle que développée dans le cadre des négociations pour la Paix de Westphalie et telle qu’elle est représentée aujourd’hui par la Charte des Nations unies.

Aussi, tout le paradigme des changements de régime par des « révolutions de couleur », qui sont une forme de guerre, bien que non déclarée, doit être banni, en particulier la doctrine Blair d’intervention soi-disant « humanitaire ». En 1999, l’ex-Premier ministre britannique a prononcé un discours à Chicago, qui a complètement transformé la doctrine de l’OTAN et de l’Occident, en affirmant essentiellement que dorénavant, les interventions militaires humanitaires pourraient être entreprises par l’OTAN sans même l’accord de l’ONU. La première fois que cela se produisit, ce fut lors de la guerre au Kosovo contre la Yougoslavie. Il faut aussi en finir, et au plus vite, avec le « droit de protéger » (R2P), une conséquence de la doctrine Blair qui a été adoptée en 2005 au sommet mondial des Nations unies. Car cette politique a conduit à l’érosion qui ronge en ce moment l’Asie du Sud-ouest et l’Afrique.

Il faut revenir à la Paix de Westphalie de 1648, qui mit fin à 150 ans de guerre religieuse, et qui fut à l’époque une véritable percée, établissant les premiers principes du droit international. Si l’on prend les principes de Westphalie, le premier stipule : pour parvenir à la paix, tous les crimes commis par tous les belligérants doivent être oubliés. Le second principe est : dorénavant, la politique étrangère doit reposer sur l’« intérêt d’autrui ». Il faut respecter entièrement la souveraineté nationale, ce qui signifie qu’il faut abandonner l’idée d’intérêt géopolitique d’un pays ou d’un groupe de pays. Car c’est la géopolitique qui a mené à deux guerres mondiales au cours du siècle dernier et qui est sur le point de nous conduire à une troisième, conséquence du Grand jeu consistant à encercler la Russie et la Chine.

Il faut donc remplacer la géopolitique par l’idée des intérêts communs de l’humanité, et il faut construire une nouvelle architecture de sécurité, prenant en compte l’intérêt de tous les pays, sans exception, sur cette planète. Le président chinois Xi Jinping a déclaré à plusieurs reprises qu’il est impossible d’envisager un monde où l’on aurait la sécurité pour certains pays seulement, et le chaos pour les autres.

Si nous portons maintenant notre attention sur le second danger mortel, la pandémie d’Ebola, nous constatons qu’elle est entièrement hors de contrôle. Il n’y a à l’heure actuelle aucun traitement ni vaccin, et c’est un virus extrêmement agressif, avec un taux de mortalité de 70 à 80 %. Il progresse à un rythme exponentiel, et l’on estime que d’ici janvier prochain, on aura, et ce sont là des estimations prudentes, 1,5 million de personnes infectées ! Il y a actuellement entre 10 000 et 20 000 nouveaux cas par semaine. En fait, les personnels médicaux ont arrêté de compter, car la situation est totalement hors de contrôle.

En mars, lorsque la première éruption se manifesta en Afrique de l’Ouest, principalement en Sierra Leone, au Libéria et en Guinée, ces pays ont demandé de l’aide auprès de l’Organisation mondiale de la santé et des Nations unies, sans rien obtenir. Aujourd’hui, nous avons une situation comme celle décrite par Boccace dans le Decameron et les personnels médicaux ont pratiquement abandonné le combat dans ces pays. Ils ont commencé par rassembler les malades dans des camps pour les soigner, puis dans des camps de détention, qui se sont transformés en camps de la mort. Ils ont alors dit aux gens de rentrer chez eux, de prendre de l’aspirine et de ne pas quitter la maison, ce qui signifie que toute la famille serait bientôt contaminée.

Déjà en 1972, mon mari avait appelé à la formation d’un groupe d’étude pour évaluer les implications des politiques d’ajustement structurelles du Fonds monétaire international, car il estimait que si l’on continuait à appliquer ces politiques, cela aurait pour conséquence ultime une catastrophe biologique. Or, nous savons aujourd’hui [les documents ont été rendus publics en 1992, ndt] qu’Henri Kissinger, alors Conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, avait rédigé en 1974 un mémoire, le tristement célèbre NSSM-200, où il disait que la natalité dans certains pays du tiers-monde constituait la plus grande menace à la sécurité nationale des Etats-Unis, car leur population excédentaire utilisait trop de matières premières, et qu’il fallait donc enrayer la croissance démographique. Avec les politiques d’ajustement structurel du FMI, si vous dites à un pays du tiers-monde, « vous ne pouvez pas investir dans la santé ni dans l’infrastructure, car vous devez d’abord payer votre dette », les conséquences sont très claires. Les conditions déplorables dans lesquelles se trouvent plongés de nombreux pays, notamment en Afrique, en sont les conséquences délibérées, voulues par le système mondial actuel.

Il faut aussi se rappeler que la réduction démographique a été la politique britannique depuis au moins la Deuxième Guerre mondiale, lorsque Bertrand Russell écrivait, dans un article de la revue Science intitulé « L’Impact de la science sur la politique », qu’il serait salutaire qu’une pandémie mortelle se déclare à chaque génération, car la population se verrait alors réduite et les survivants pourraient procréer plus librement sans provoquer de surpopulation. Sans oublier que le prince Philip a déclaré publiquement à plusieurs reprises, dans des conférences publiques, que s’il pouvait se réincarner, il aimerait que ce soit sous la forme d’un virus mortel capable de réduire la population mondiale.

En 2008, le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) avait rédigé un mémoire à l’intention du futur président Obama, qui n’a été publié qu’ hier (le 17 octobre) dans le Washington Times, en vertu de la Loi de libre accès à l’information, disant que les coupes budgétaires prévues pourraient mener à une situation où des maladies comme la rage, l’hépatite A, puis Ebola, pourraient devenir des menaces mortelles. Ceci a de toute évidence été ignoré et les coupes budgétaires ont été brutales.

Nous devons remédier aujourd’hui, aux Etats-Unis comme en Europe, à une situation bien pire qu’auparavant, car il s’avère, par exemple en Espagne, où les premiers cas d’Ebola se sont manifestés et où plusieurs infirmières ont été contaminées, qu’il n’y a aucune procédure concernant les personnels de santé ! Plutôt que d’hospitaliser les gens dans des unités de niveau 4, rien n’a été prévu et les infirmières ont dû déterminer elles-mêmes ce qu’elles devaient faire. Aux Etats-Unis, il n’y a que quatre hôpitaux où l’on peut traiter des malades au niveau 4 ; en Allemagne, il n’y a de place que pour 50 patients. Mercredi dernier [le 15 octobre], il y a eu une visioconférence aux Etats-Unis, organisée par le syndicat National Nurses United, à laquelle participaient 11500 infirmières. Reprochant à Obama le manque total de préparation au sein des institutions de santé, elles ont expliqué n’avoir reçu aucune formation, aucun équipement de protection ni masque respiratoire, et ne disposer d’aucun moyen pour éliminer les déchets contaminés.

Des travaux effectués par Rebecca Milner, de l’International Medical Corps, à l’Université du Minnesota, montrent comment, contrairement aux affirmations officielles, Ebola peut se transmettre par voie aérienne. Autrement dit, il est faux de dire que transmission ne se fait que par contact physique.

Les militaires espagnols ont proposé en août dernier, c’est-à-dire il y a deux mois, lorsque le cas de l’infirmière espagnole fut porté à la connaissance du public, de faire appel aux unités ABC de l’armée, des équipes spécialement formées pour faire face aux attaques atomiques, biologiques et chimiques, pour prendre en main la situation, puisqu’elles ont été formées pour cela. Le gouvernement espagnol a rejeté la proposition. Au lieu de cela, les patients ont été envoyés à l’hôpital Carlos III de Madrid, où l’unité la plus avancée pour le traitement des maladies contagieuses a été démantelée il y a un an afin de réduire les coûts, dans le cadre des privatisations. Le personnel non qualifié n’eut alors droit qu’à une vidéo de 20 minutes et, naturellement, ces gens se sont retrouvés contaminés.

Des experts de ces unités ABC en colère ont accordé une entrevue à El Confidencial Digital, expliquant qu’au cours de leur entraînement, leurs équipes apprennent comment mettre et enlever leur équipement de protection plusieurs centaines de fois, sous l’œil attentif d’un officier qui relève la moindre erreur, leur disant : « Si c’était pour de vrai, vous seriez déjà mort. » 500 médecins, infirmières et autres personnels soignants ont par ailleurs publié une déclaration affirmant que le virus le plus mortel, c’est la politique du gouvernement espagnol et des responsables du secteur sanitaire, qui mettent en pièces le système de santé publique en le privatisant. Ce qui ne se limite pas, bien entendu, à l’Espagne.

Les ministres européens de la Santé soutiennent obstinément que l’épidémie n’est pas hors de contrôle, qu’elle ne peut se transmettre par voie aérienne, mais il faut reconnaître que la pire menace n’est pas la propagation rapide d’Ebola en Europe, mais plutôt la politique de la Troïka, qui a démantelé les systèmes de santé de la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, et la négligence criminelle de ces gouvernements apparaît aujourd’hui par le simple fait qu’ils limitent pratiquement leurs dispositions à un examen des passagers débarquant aux aéroports et aux gares ferroviaires, consistant à prendre leur température, ce qui n’empêche aucune contamination ni contagion.

En regardant les chiffres pour l’Europe, on constate une chute du nombre de lits d’hôpitaux pour 100 000 habitants entre 2013 et 2014, à cause des politiques d’austérité de la Troïka. En Allemagne, il a été réduit de 6 %, en France de 16 % et en Italie de 18 % ! L’Europe n’est pas prête à faire face, car il faut 20 personnes pour traiter un seul patient. Vous pouvez imaginer dans quelle situation nous sommes.

Bien entendu, la première chose à faire serait de déclarer l’état d’urgence pour mettre fin à la crise en Afrique, ce que l’on ne fait pas en ce moment. Toutes les armées du monde devraient envoyer des navires hôpitaux sur les côtes d’Afrique de l’Ouest, puisque les pays les plus durement touchés se situent sur la côte atlantique. On pourrait ainsi soigner très rapidement un grand nombre de patients. Il y a bien 3500 soldats américains qui ont été envoyés là bas pour réaliser certaines installations, mais ils n’ont pas construit un seul bâtiment ! Ainsi, plutôt que d’attendre et de perdre un temps précieux, l’on devrait simplement prendre certains immeubles et les transformer rapidement en hôpitaux de niveau 4, afin d’empêcher la propagation de cette épidémie avant qu’il ne soit trop tard. On doit déployer toutes les unités des armées du monde qui ont été formées pour faire face à la guerre biologique, car ce sont là les seules capacités dont nous disposions à l’heure actuelle dans ce domaine. Ici encore, faute d’une collaboration entre les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, les pays européens et autres, on ne pourra pas résoudre ce problème.

Voici donc deux situations dans lesquelles il est parfaitement suicidaire pour l’espèce humaine de rechercher l’affrontement avec la Russie, et je puis vous assurer qu’au cours des semaines et des mois à venir, la panique ira croissant dans le monde par rapport à tout cela. Il faudra la transformer en un mouvement en faveur d’un changement profond de paradigme, conduisant à une nouvelle architecture de sécurité à l’échelle internationale, où tous les pays travailleront ensemble pour faire face à ces menaces mortelles.

Déjà, au cours des années 1970, LaRouche avait appelé à une Initiative de défense biologique, dans le contexte des mesures imposées par le FMI. LaRouche réitéra cet appel après les attaques à l’anthrax aux Etats-Unis, dans le contexte du 11 septembre 2001, demandant qu’un effort de défense national soit entrepris pour contrer la guerre biologique, en s’inspirant des leçons tirées de la Guerre de Corée, à l’origine de la loi Hill-Burton aux Etats-Unis.

En février 2006, j’ai moi-même demandé que soit lancée une Initiative de défense biologique, alors que l’épidémie de grippe aviaire avait déjà touché trois continents et qu’il y avait un danger de mutation immédiat de ce virus, lui permettant de se transmettre de personne à personne. En 1991, l’Organisation mondiale de la santé avait indiqué qu’il y aurait une fenêtre d’opportunité de dix ans avant qu’une combinaison d’anciennes et de nouvelles pandémies, ainsi que de maladies résistant aux antibiotiques, ne crée les conditions d’un holocauste biologique. Ce délai de grâce a pris fin il y a quatorze ans maintenant, et il est évident qu’il est plus urgent que jamais de rassembler les ressources à l’échelle internationale dans le domaine de la santé, et d’éviter le type de redondance que l’on voit aujourd’hui pour des raisons de brevet et de profit, car nous faisons face à une nouvelle peste noire qui pourrait provoquer un effondrement de la population mondiale, comme ce fut le cas au XIVe siècle.

Cette Initiative de défense biologique requerrait un véritable programme à marche forcée, mais suivant une approche entièrement nouvelle, non pas au profit des laboratoires pharmaceutiques mais pour étudier une question fondamentale, qui est de savoir ce qu’est réellement la vie, autrement dit de déterminer la nature de la connexion entre la biosphère et la noosphère, dans le sens où l’entendait le scientifique russe Vladimir Vernadski.

Il était déjà établi dès les années 1970 que le monde se dirigeait vers un nouveau krach financier et l’émergence d’un nouveau fascisme. Rappelez-vous le célèbre avertissement lancé par mon mari Lyndon LaRouche le 15 août 1971, lorsque le président Nixon découpla le dollar de l’étalon-or, démantelant le système de Bretton Woods. Il avait alors averti que tout cela conduirait à un nouveau krach.

Entretemps, le système financier international est devenu un système criminel, qualifié de « système cannibale » par Jean Ziegler, le nouveau commissaire chargé de l’enquête sur les activités des fonds vautours, qui en sont la composante la plus criminelle et le principal responsable, dans une large mesure, de l’état dans lequel se trouve non seulement l’Argentine, qui se bat courageusement contre eux, mais aussi l’Afrique. En effet, ces fonds vautours, qui exigent de l’Argentine 850 millions de dollars pour des obligations pourries qu’ils ont acquises pour 48 millions de dollars (soit un rendement de 1608 % sur six ans !), s’étaient conduits de la même manière à l’égard du Congo-Brazzaville : il s’agit d’un fonds dénommé Elliott Management, appartenant au même Paul Singer qui est aujourd’hui en guerre contre l’Argentine.

Il serait bon de savoir combien de médicaments, de nourriture, de logements on pourrait se procurer avec les millions que les fonds vautours empochent, sans compter les coûts associés à leurs activités criminelles. Combien de vies auraient pu être sauvées au cours des quatre dernières décennies, et aujourd’hui encore ? Nous avons souligné tout au long de cette période que les politiques du FMI étaient cent fois pires que celles d’Adolf Hitler, et si l’on compte combien de gens sont morts à cause d’elles, on peut affirmer que ce n’est absolument pas exagéré.

Ce système, qui nous a menés à une situation où 85 individus dans le monde possèdent autant de richesses que les 3,5 milliards de leurs congénères, est sur le point de s’effondrer. Il va se désintégrer, et au train où vont les choses, si rien ne change entretemps, ce sera bien pire qu’en 2008, car les banques trop grosses pour sombrer sont 50 % plus grosses, et 50 % plus endettées. Un grand nombre d’experts de la finance martèlent que « le big one est sur le point d’arriver ». William White, l’ex-dirigeant de la Banque des règlements internationaux (BRI), et Guy Debelle, le chef de la Commission des marchés de la BRI, affirment que ce sera un krach relativement violent ; Thomas Hoenig, le vice-président du Fonds de garantie des dépôts américain (FDIC), a déclaré récemment que si une seule banque trop grosse pour sombrer s’effondrait, tout le système suivrait. Tout ce que les autorités, aux Etats-Unis comme en Europe, ont prévu est un renflouement interne (bail in), une coupe transversale dans tous les comptes bancaires inspirée du modèle chypriote.

Comme je l’ai dit au début, ces trois menaces existentielles convergent, et si aucun changement fondamental n’a lieu dans le paradigme en place, nous passerons tous à la trappe, y compris les responsables de cette situation.

Il existe fort heureusement une porte de sortie, parce qu’un processus parallèle est en train de se développer, en réaction directe à ce système de casino totalement immoral et criminel fondé sur l’optimisation des profits de quelques-uns, entraînant la pauvreté et la mort pour des millions sinon des milliards d’individus. Un système alternatif se prépare depuis longtemps déjà. Ce processus, qui remonte au combat du Mouvement des non-alignés au cours des années 1960, puis à la bataille pour un Nouvel ordre économique mondial dans les années 1970, a connu de nombreux échecs et fut temporairement écrasé. Notre mouvement se bat pour ce système alternatif depuis que Lyndon LaRouche a proposé la création d’une Banque internationale de développement en 1975, et nous avons poursuivi le combat pendant près de quarante ans.

Mais une nouvelle ère a débuté lorsque le président chinois Xi Jinping a proposé l’année dernière, au cours d’une visite au Kazakhstan, la construction d’une Nouvelle route de la soie. L’ancienne Route de la soie, construite en grande partie il y a deux mille ans, à l’époque de la dynastie Han. Elle permit à l’époque l’échange de nombreux produits et d’idées, ainsi que des échanges culturels, et il s’agissait là en effet d’une immense victoire puisqu’il avait fallu relever d’incroyables défis, comme le désert du Taklamakan, tandis que l’on ne se déplaçait qu’à cheval, à dos de chameau, à pied et par bateau.

C’est un endroit que j’ai eu la chance de visiter en août dernier, à l’invitation de la Fondation Soong Ching Ling et de l’Académie Dunhuang. Nous avons pu voyager le long de l’ancienne Route de la soie, depuis Lanzhou jusqu’à la Grande muraille à Jiayuguan, Dunhuang et encore plus à l’ouest, dans le désert de Gobi. C’était très intéressant. Vous ne voyez que le désert, mais regardez ici ces arches : c’est le début de la nouvelle ligne ferroviaire, qui ralliera Lanzhou à Urumqi, et au-delà. Elle se construit à une vitesse prodigieuse.

La nouvelle Route de la soie n’est pas qu’une liaison entre la Chine et l’Europe, via l’Asie centrale : il s’agit d’un concept ouvert, tous les pays de la planète sont invités à s’y joindre. En novembre dernier, Xi Jinping y ajoutait une autre proposition, la Nouvelle route de la soie maritime, et en mai, s’est tenu le sommet de Shanghai entre les présidents Poutine et Xi Jinping, une très grande réussite, au cours duquel furent annoncés l’accord de trente ans conclu sur les ventes de gaz, ainsi que quarante autres accords. En juillet, le sommet des BRICS s’est réuni à Fortalezza, au Brésil, rejoint ensuite par les dix-sept chefs d’Etats du CELAC, puis ceux de l’Unasur, suivis plus tard par les rencontres de l’Association des pays du Sud-est asiatique (ASEAN) et de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Il s’agit là de plus de la moitié de l’humanité ; ces pays sont engagés dans un paradigme complètement différent de tout ce que vous pouvez imaginer, ici en Europe ou aux Etats-Unis. Il y a un optimisme culturel incroyable en Chine. C’est un pays qui a connu un développement extraordinaire au cours des trente dernières années, développement qui a demandé des centaines d’années à la plupart des pays du secteur qu’on dit avancé. La Chine offre aujourd’hui ce même type de développement aux pays désireux de se joindre à la Nouvelle route de la soie.

Ceci implique une nouvelle conception de l’homme, l’humanité se définissant par rapport à son futur et à sa relation à l’ordre cosmique. Cette partie du monde associée aux BRICS opère déjà selon des principes entièrement différents : la Route de la soie n’est pas une conception géopolitique, elle surpasse l’intérêt national en tant que fondement de la coopération entre les grands pays, dans l’intérêt commun de l’humanité. A Fortalezza, une myriade de projets de développement ont été adoptés par les pays participants, et je vais vous en énumérer quelques-uns pour vous donner une idée de leur ampleur.

Tout d’abord, les pays participants se sont mis d’accord sur des mécanismes de crédit et sur certains principes visant à élever le niveau de développement de toute la planète. Trois banques sont en train d’être mises en place : la Banque asiatique d’investissement dans l’infrastructure, la Nouvelle banque de développement, la Banque de l’Organisation de coopération de Shanghai. L’objectif sera de fournir du crédit, non pour la spéculation mais seulement pour les projets. Ces banques, même si elles ne sont pas encore complètement opérationnelles, offriront une bouée de sauvetage lorsque sombrera le Titanic du système transatlantique.

Parmi les nombreux projets adoptés, mentionnons la construction, avec l’aide des Chinois, d’un second canal de Panama au Nicaragua, reliant le Pacifique et les Caraïbes, appelé à devenir le foyer de tout le Bassin de l’Amérique centrale et des Caraïbes. Ce projet a été conçu par un grand groupe chinois, qui a déjà travaillé à la construction de deux ports, d’un aéroport, d’un lac artificiel, d’une cimenterie et d’une aciérie, ainsi que par le Changjiang Institute of Survey, Planning, Design and Research, concepteur du barrage des Trois gorges. La Russie a aussi fait part de son intérêt à participer au projet.

Ensuite, il y a la ligne ferroviaire transcontinentale reliant le Pérou au Brésil. Il s’agit là d’un projet gigantesque, qui relierait pour la première fois le Brésil à la côte Pacifique, via le Pérou. Lors d’une rencontre avec Xi Jinping, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a déclaré que ce projet est essentiel pour l’intégration du continent sud-américain et pour faciliter les exportations brésiliennes vers l’Asie. La Bolivie a entretemps demandé à la Chine son aide pour construire la partie du projet traversant son territoire, une route transcontinentale alternative allant du Brésil jusqu’au Pérou, en passant par la Bolivie.

Il y a toute une série de projets entre la Russie et le Nicaragua, la Russie et Cuba, la Chine et Cuba (29 grands projets) ; entre la Russie et la Bolivie, des projets de centrales nucléaires et autres infrastructures ; entre la Chine et la Bolivie, une coopération dans le domaine des satellites ; entre l’Argentine et la Russie, des projets d’infrastructure ainsi que dans le nucléaire, la construction et l’opération de centrales commerciales, ainsi qu’un réacteur de recherche, pour dessaler l’eau de mer, etc. Ensuite, entre la Russie et le Brésil, des accords commerciaux, militaires et de coopération dans le nucléaire (on parle de doubler les échanges commerciaux chaque année), et les deux pays travaillent ensemble au développement d’un système de défense anti-aérien, puis à l’expansion du système de navigation au GPS Glonass ; entre le Brésil et la Chine, un véritable partenariat stratégique s’est mis en place et les deux pays travaillent à renforcer leur coopération dans le spatial, ainsi qu’à un travail conjoint avec l’Afrique pour développer des satellites. Le Brésil vend également des avions à la Chine, sans parler des nombreux échanges de scientifiques entre les deux pays. Entre l’Argentine et la Chine, il y a 19 accords en tout, infrastructure, coopération nucléaire, entre autres. Mentionnons enfin les accords entre le Venezuela et la Chine, la Chine et le Mexique.

Les relations Inde-Chine

Lorsque Xi Jinping s’est rendu en Inde entre les 17 et 20 septembre dernier, pour une importante visite d’État, les deux dirigeants se sont entendus sur dix accords économiques majeurs et sur une coopération dans le domaine nucléaire, en particulier pour développer des réacteurs au thorium, ainsi qu’un réacteur à lit de boulets chinois de démonstration, d’une puissance de 100 MW.

Tous ces projets sont extrêmement importants parce qu’ils montrent la voie vers l’avenir. Alors que ces pays construisent à grande vitesse, toute la région transatlantique a jeté l’éponge, comme dans le domaine du nucléaire, au bénéfice de la spéculation à court terme. Mais même si ces projets sont évidemment cruciaux, l’esprit d’une nouvelle Renaissance des pays des BRICS et des autres pays qui coopèrent avec eux est encore plus important. Car les populations d’Europe et des Etats-Unis sont devenues si pessimistes qu’elles ont du mal à imaginer que certains dirigeants, ailleurs dans le monde, soient en train de se battre réellement pour le bien commun de leurs propres peuples.

Je vous encourage vivement à regarder de plus près le discours prononcé par Xi Jinping lors de sa visite en Inde, car c’est un discours qui représente le plus haut niveau de gouvernance et qui exprime, de fait, le principe de la Paix de Westphalie.

Xi a rappelé que la Chine et l’Inde partagent une longue histoire d’amitié s’étendant sur deux mille ans. Le bouddhisme s’est développé en Inde et a été amené par des moines en Chine. Il a mentionné Ji Xianlin, le maître d’études chinoises qui était un expert du Sanskrit, ainsi que l’amiral Zheng He, de la dynastie Ming, qui a fait plusieurs voyages d’exploration et s’est rendu en Inde à six occasions. Ils en ont ramené l’astronomie, des calendriers, la littérature, l’architecture, qu’ils ont introduits en Chine. De son côté, la Chine a apporté à l’Inde la fabrication du papier, la soie, la porcelaine, le thé et la musique.

L’Inde a soutenu la Chine au cours des Guerres de l’opium et la Chine a encouragé l’Inde au moment de sa lutte pour l’indépendance, a souligné Xi Jinping, citant ensuite longuement le grand poète indien Rabindranath Tagore, adoré des Chinois, lorsqu’il visita la Chine : « Je ne sais pas, mais je me sens comme si je revenais chez moi lorsque je suis en Chine. » Et en repartant : « Mon cœur reste ici. »

Xi Jinpin s’est ensuite adressé à la jeunesse chinoise et indienne présente :

« J’espère que vous pouvez assimiler la sagesse de l’histoire ancienne de la Chine et de l’Inde, et poursuivre vos efforts pour rechercher la vérité. En Chine, gardez vos cœurs jeunes, et en Inde également. Entretenons le même esprit et créons un avenir meilleur, main dans la main. Quiconque souhaite réussir cherche à aider les autres à réussir. Quiconque souhaite être compris, s’efforce de comprendre les autres. Tandis que la Chine œuvre à son propre développement, nous souhaitons sincèrement que l’Inde soit prospère, active et puissante. Nous sommes la locomotive du développement en Asie et au niveau global, et nous nous retrouvons à nouveau à la frontière des temps. La Chine et l’Inde travaillent ensemble au bénéfice de l’autre, de l’Asie et du monde entier. »

Xi a insisté sur le fait qu’il avait ressenti dès son plus jeune âge un profond intérêt pour la civilisation indienne, résumant avec une grande maîtrise les périodes marquantes de l’histoire indienne : civilisation du Gange, culture védique, période Goupta, avant de réciter de très beaux passages de Tagore.

Tel est l’esprit dans lequel l’Institut Schiller a été créé il y a trente ans : si les pays veulent vivre en paix les uns avec les autres, il nous faut mettre en avant et souligner les points culminants atteints par les autres cultures. La Nouvelle route de la soie ne sera pas seulement une plateforme supérieure de développement économique, bénéfique à autrui et apportant le progrès à tous les pays participants, c’est aussi une métaphore pour une nouvelle Renaissance, où chaque pays mettra de l’avant et fera revivre ce qu’il y a de meilleur, de plus beau, dans la poésie, la musique et la philosophie.

A l’occasion du 2565e anniversaire de la naissance de Confucius, Xi Jinping a déclaré dans un séminaire international : « Si un pays ou une nation ne chérit pas sa propre pensée et culture, s’il perd son âme, quel que soit ce pays ou cette nation, il ne pourra pas rester debout. » Voilà le problème de l’Europe et des Etats-Unis : nous avons perdu notre culture et notre âme.

Xi Jinping a également déclaré : « Les classiques devraient être enchâssés dans l’esprit de l’élève et constituer les gènes de la culture chinoise. » Pour la Chine, Confucius, Mencius et ses cinq mille ans d’histoire sont en train de devenir très rapidement l’identité de la nation entière, et le gouvernement chinois fait d’immenses efforts pour que chacun puisse se familiariser avec ces cinq mille ans d’histoire chinoise, et y adhérer. En Inde, des efforts similaires sont entrepris afin d’étudier les écrits védiques, le Rig Veda, le magnifique cantique de la création ; le Sanatana Dharma, la religion éternelle dominant toutes les autres, ce qui est exactement l’idée de Nicolas de Cues selon laquelle il existe une vérité supérieure unissant toute l’humanité, et un être supérieur au-dessus de la religion. Comme l’a écrit Tagore dans sa célèbre correspondance avec Einstein : « Lorsque notre univers est en harmonie avec l’homme, l’éternel, nous le connaissons en tant que vérité, nous le ressentons en tant que beauté. »

Pour la Russie, cela signifie le pouvoir de la poésie de Pouchkine et la prescience de Vernadski, qui doit de la même manière incarner l’identité nationale. Si nous voulons, nous Européens, survivre, nous ferions bien de faire revivre notre belle tradition forgée par Platon, Léonard de Vinci, Cervantes, Rabelais, Rembrandt, Nicolas de Cues, Leibniz, Bach, Beethoven et Schiller, et faire revivre la noble conception qu’ils avaient tant d’eux-mêmes que de l’homme en général.

Comme l’a déclaré Narendra Modi, nous devons former un mouvement de masse en faveur du développement, non seulement en Inde et dans les pays en voie de développement, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis : nous ferions bien de rejoindre les BRICS pour créer un monde meilleur et plus harmonieux, pour le développement de tous les peuples de la planète. Ce mouvement de masse pour le développement doit s’inspirer d’un amour passionné de l’humanité !

Pour la Russie, ce nouveau paradigme doit se fonder sur la beauté de la poésie de Pouchkine et les travaux de Vernadski qui, comme l’écrit Lyndon LaRouche dans son livre Earth’s Next Fifty Years, doit être défini comme le point de référence sublime, intégrant la question cruciale de savoir quelle différence il y a, d’un point de vue quasi axiomatique, entre les pays. A quoi ressemblera, essentiellement, la noosphère dans deux générations ? Quelle est la meilleure manière de répondre aux exigences de la souveraineté des pays et des individus au cours des deux générations à venir, et au besoin urgent d’améliorer les caractéristiques et la qualité de la noosphère ?

Il faut s’attaquer aux problèmes actuels du monde du point de vue de l’avenir : quel dessein voulons-nous pour l’humanité dans deux générations, ou dans cent ans ? Si nous ne souhaitons pas nous retrouver dans un nouvel âge des ténèbres, avec seulement quelques millions de gens vivant dans des conditions misérables, presque à l’état sauvage, ou si nous ne souhaitons pas voir l’humanité disparaître, pour la simple raison que nous n’aurions pas réussi à nous débarrasser de l’Empire avant qu’il ne provoque notre extinction par voie thermonucléaire, il faut clamer haut et fort que l’identité de l’humanité est d’être la seule espèce créative connue jusqu’à présent dans l’univers.

Il faut donc bâtir un mouvement de masse voué à servir les buts communs de l’humanité, avec une vision du futur, en vue de construire un monde dans lequel toute l’humanité ait accès à l’énergie et aux matières premières, puisque nous aurons établi une base sur la Lune pour exploiter l’hélium-3, qui servira à produire de l’électricité grâce à la fusion nucléaire, ainsi que d’autres matières premières. Nous aurons alors les conditions pour l’émergence d’une économie isotopique, la maîtrise de techniques médicales de haute précision, la fabrication de moteurs pour la propulsion spatiale permettant des accélérations constantes de 1G, des voyages vers des corps célestes encore plus éloignés, vers Mars et les astéroïdes. Et nous serons en mesure de défendre notre planète contre les astéroïdes, les météorites et les comètes.

Des révolutions scientifiques nous permettrons de savoir ce que représentent réellement notre système solaire, notre galaxie, notre univers avec ses milliards de galaxies. La nouvelle architecture de sécurité internationale inclusive devra être définie de ce point de vue. Le concept de Nouvelle route de la soie ne sera pas qu’une liaison entre les pays de notre planète, comme le fut l’ancienne Route de la soie, ni même un pont terrestre mondial reliant tous les continents, mais un ascenseur pour l’espace, capable d’élever l’humanité à un niveau de pensée supérieur, celui de la coincidentia oppositorum, la coïncidence des opposés développée par Nicolas de Cues.

Telle doit être l’identité de l’humanité à l’ère de la Nouvelle route de la soie, celle d’une espèce créatrice, vivant en harmonie avec les lois du cosmos.

Madame LaRouche montre ici un vidéo :

Narrateur : Un rêve chinois remontant aux temps anciens est devenu réalité. La sonde lunaire, baptisée du nom de la déesse mythique chinoise Chang’e, a amorcé sa descente vers la Lune le 14 décembre à 21 heures, heure de Beijing. Quelque 12 minutes plus tard, elle s’est posée dans le cratère Sinus Iridum, dans la baie des Arcs-en-ciel.

[Les Chinois annoncent le contact réussi avec le sol, sous les applaudissements.]

Narrateur : Juste un jour après l’arrivée de Chang’e-3 sur la surface lunaire, le rover Lapin de Jade débutait sa tournée d’exploration. Alors qu’il avait parcouru 9 mètres vers le nord, le rover et l’atterrisseur se sont photographiés l’un l’autre. Ces images en couleur ont été immédiatement transmises vers la Terre, grâce à un système de relais conçu par les Chinois. C’est la première fois que le drapeau chinois est planté sur un corps extraterrestre ! Alors que les photos de l’espace étaient transmises vers le Centre de commande et de contrôle de Beijing, des applaudissements et des félicitations fusaient de toute part. Le directeur du programme lunaire chinois a déclaré que la mission Chang’e-3 était une réussite complète !

Les choses sont donc entre nos mains. Souhaitons-nous que l’humanité devienne vraiment humaine ? Voici, en agrandissement, un détail de la fresque de la Chapelle Sixtine montrant Dieu touchant la main d’Adam.

C’est le symbole de l’homme devenant un être créateur. Voici maintenant une interprétation présentée par un Chinois lors d’une conférence récente, montrant comment la Chine tend la main aux Etats-Unis.

 

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“Une alternative constructive à l’ordre mondial actuel et la stabilité en Ukraine – La voie pour sauver l’humanité”

Natalia Vitrenko

Économiste, Présidente du Parti Socialiste Progressiste d’Ukraine, Kiev, Ukraine.


Cette conférence offre aux scientifiques et aux spécialistes de tous les continents une occasion d’échanger face aux tensions belliqueuses extrêmes auxquelles nous nous confrontons. Voici effectivement une chance qui nous est donnée pour tracer une voie qui permettra de sauver le monde et de le réorganiser afin de garantir tant la souveraineté que la stabilité politiques, la croissance économique ainsi qu’une belle qualité de vie pour tous les peuples.

Pour nous, citoyens ukrainiens, ces questions se posent de façon dramatique. La guerre civile saigne notre pays. Nos pertes humaines, nos pertes économiques sont énormes ; le pays se débat dans les griffes d’une dictature néo-nazie qui n’est qu’un outil entre les mains de ceux qui souhaitent déclencher une troisième guerre mondiale.

Notre pays a la chance d’avoir un excellent climat, avec 20 % des Terres Noires très fertiles de la planète, une situation stratégique formidable, et une force de travail exceptionnellement bien formée et qualifiée.

Sous la houlette du FMI

Pendant vingt-deux longues années, l’Ukraine s’est pliée aux conditions imposées par le FMI et la Banque Mondiale, et pendant huit ans, aux règles de l’OMC. Et cette année, elle a signé un accord d’association avec l’UE, prélude à l’abîme – à la désintégration et à l’auto-destruction. Dès 2013, le PNB de l’Ukraine ne représentait plus que 65 % de celui de 1990. Et la chute s’est poursuivie en 2014 : -1 % au premier trimestre ; -4,7 % au deuxième. Les projections pour fin 2015 sont de -10 %. La dette étrangère de l’Ukraine grimpe rapidement, +102,2 % sur l’année 2014.

Au cours des huit premiers mois de 2014, la production industrielle a chuté de 7,8 % tandis que l’hryvnia, notre devise, a connu une dévaluation de plus de 60 %, accompagnée d’une inflation de 90 % sur la période. La guerre civile alimente cette crise économique. Les dépenses militaires dévorent le budget de l’État, les salaires, les pensions de retraite et les allocations sont gelées, tandis que les prix des biens et des services, y compris dans le secteur public, ont déjà augmenté de 40 % cette année. Le niveau de vie a chuté de 30 % et 78 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Au lieu des valeurs européennes qui nous avaient été promises – l’état de droit, la liberté de parole et de manifestation pacifique, le droit à la vie, à la sécurité et à la dignité, le droit au vote libre – c’est une dictature néo-nazie qui se consolide. Les livres scolaires, les médias de masse, nos institutions étatiques glorifient les collaborateurs de Hitler qu’étaient l’Organisation des nationalistes ukrainien et l’Armée des insurgés ukrainien. La corruption prend désormais une forme nouvelle,« européenne ».

Il ne faut pas voir ce qui arrive en Ukraine comme un simple incident de parcours, au sein d’une communauté mondiale florissante. Que non ! C’est la conséquence froidement planifiée de l’ordre mondial actuel que les États-Unis ont fondé suite à la défaite de l’Allemagne nazie. Ils en ont jeté les bases en 1944 lors de la Conférence de Bretton Woods : le dollar américain devint alors la devise de réserve du monde entier (alors sur étalon or).

La dollarisation a permis à l’oligarchie américaine d’engranger des profits titanesques. Depuis août 1971, les États-Unis, après avoir instauré une économie post-guerre bien plus puissante que celles de l’URSS, de l’Europe ou des autres continents, ont soudainement décroché de l’étalon-or.

Qui osait alors s’y opposer ? Car les États-Unis avaient déjà créé des instruments de mondialisation tels le FMI, l’OTAN, La Banque Mondiale et l’OMC (« GATT »), qui servaient ses intérêts. Pillage sans pitié du monde, destruction des économies nationales – des milliards d’êtres humains vivotaient à peine, ou mourraient, victimes de la faim, des drogues, des épidémies, des guerres, tandis que les États-Unis ne se préoccupaient que de leur propre bien-être. Yougoslavie, Irak, Afghanistan, Libye ou la Syrie ont tous fait les frais des « intérêts nationaux » des États-Unis.

Mais des pays toujours plus nombreux considèrent l’ordre mondial actuel comme injuste et inacceptable : un ordre fixé par le FMI et l’OMC dans des conditions de dollarisation totale, de sanctions économiques, de coups d’état provoqués « sur mesure », de révolutions dites « de couleur » et de conflits armés, et ce, pour servir l’hégémonie américaine.

L’ère des BRICS

Mais de nouveaux dirigeants donnent de la voix. De nouvelles associations de pays comme les BRICS, l’Organisation de coopération de Shanghai, l’Union douanière et l’Union eurasienne affirment désormais leurs intérêts économiques et politiques communs.

Le 8 octobre dernier, le Financial Times publiait une analyse des marchés émergents, indiquant des perspectives qui vont miner la primauté américaine. En termes de PNB, ajusté pour la parité de pouvoir d’achat, le vieux Groupe des Sept, dirigé par les États-Unis, perd du terrain face aux nouveaux sept : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, le Mexique, l’Indonésie et la Turquie, qui totalisent un PNB de $37 800 milliards comparés à $34 500 milliards pour le G7. La Chine a déjà dépassé les États-Unis. Son PNB (ajusté pour la parité de pouvoir d’achat) représente $17 600 milliards comparés aux $17 400 milliards des États-Unis.

Pour les États-Unis, ne plus être leader du monde, et voir la pyramide du dollar s’effondrer, c’est une véritable menace. Menace non seulement à leur domination mondiale, mais aussi à leur existence nationale même. La dette étrangère américaine est astronomique – $17 000 milliards et son déficit budgétaire représente $1700 milliards. Pour les États-Unis, l’issue radicale est la Troisième Guerre Mondiale, qui est censée avoir lieu sur le continent européen. L’Ukraine est pour eux une mèche pour allumer la flamme de cette guerre.

La renaissance des néonazies

Dès la chute de l’URSS, les États-Unis se sont mis à « travailler » l’Ukraine. Au début des années 1990, la reconstitution et la promotion des groupes et partis néo-Nazisservait manifestement leurs intérêts : l’Assemblée nationale ukrainienne, Auto-Défense du peuple ukrainien ((UNA-UNSO) dans les années 90 ; le Parti national-social de l’Ukraine (SNPU) en 1991, rebaptisé en 2004 Svoboda, l’Association pan-ukrainienne. Svoboda siège dans les législatures locales de Halychyna (l’Ukraine occidentale) depuis 2010 et au parlement national depuis 2012. En 1993, l’Organisation Trident Stepan Bandera fut créée, et devint en décembre 2013 la base de Pravy Sektor (secteur droit).

Et tant d’autres. Tout au long de leur existence, ils ont été généreusement arrosés de subventions et d’informations en provenance de l’Occident.

  • Ceci, en violant la Charte et le Jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg, qui obligent les juridictions nationales à intenter des procès à l’encontre des collaborateurs de Hitler ;
  • Ceci, en violant les résolutions de l’ONU condamnant le racisme et le Nazisme, et qui obligent les Etats à interdire, en en faisant un acte passable de sanctions pénales, la promotion de la haine nationale, raciale ou religieuse ;
  • Ceci, en violant la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale pour la prévention et la répression du crime de génocide, et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui interdisent toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la langue, la religion, les convictions politiques ou les croyances, les origines nationales ou sociales, le statut comme propriétaire, ou sur quelque base que ce soit ;
  • Et en violation de l’Article 37 de la Constitution de l’Ukraine, qui interdit la création et les activités de partis politiques et organisations publiques dont les objectifs programmatiques ou actions visent à inciter les conflits inter-ethniques, raciaux ou religieux, ou qui portent atteinte aux droits et libertés de l’homme,

Or, ceux qui détiennent le pouvoir en Ukraine (sous le président Iouchenko et sous le président Ianoukovitch), ont fait usage des lois et règlements pour faire d’une idéologie nazie celle de l’Ukraine maintenant.

Les néo-Nazis étaient le centre idéologique de l’Euromaidan. Pendant leurs manifestations, des symboles nazis ont été hissés de manière éhontée (la croix gammée, les chiffres 14 et 88, la croix celte et différents drapeaux), ainsi que des portraits de leurs idoles, les collaborateurs et agents de l’Abwehr : Konovalets, Bandera, et Choukhevitch. Sur l’Euromaidan à Kiev, ils ont scandé sans arrêt« Poignardons les Moscovites ! », « Les Communistes à l’échafaud », « l’Ukraine aux Ukrainiens », « Gloire à la Nation et Mort à ses ennemis », « Gloire à l’Ukraine et à ses héros » et et « l’Ukraine au-delà de Tout ».

L’Euromaidan de Kiev avait cessé d’être pacifique dès le 1er décembre 2013. Cela correspond au moment où les forces spéciales de la Berkout [police anti-émeutes] se sont vues interdire l’usage de toute arme, tandis que les guérillas du Maidan utilisaient profusément des bâtons de baseball et de golfe, des pavés de la rue, des cocktails Molotov, et des chaînes. Après, ils s’emparèrent de dépôts d’armement de la police et des bases militaires à Halychyna, et acquirent ainsi des armes automatiques. Ils ont saisi 19 édifices gouvernementaux situés dans le centre de la capitale.

Washington et Bruxelles ont toutefois interdit avec insistance aux autorités d’user de la force, bien qu’elles aient constaté les actes de pillages et de violence des guérillas néo-nazies dans Kiev.

Comparez donc ce comportement de l’Occident aux événements du 9 août 2014, lorsque la police de Ferguson, au Missouri aux États-Unis, tira sur un jeune afro-américain de 18 ans, non armé, du nom de Michael Brown ? Et avec la manière dont la police a accueilli les manifestants pacifiques, touchés par cet événement, avec des gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc ? Après cela, la Garde nationale fut envoyée sur place et imposa l’état d’urgence et le couvre-feu.

Une partie de la population ukrainienne a soutenu l’Euromaidan mais des millions, des dizaines de millions, l’ont rejeté. Ceux qui l’ont rejeté ne voulaient pas que l’Ukraine soit transformée en ennemi de la Russie. Ils se sont opposés à la signature de l’Accord d’association avec l’UE, qui aurait délibérément détruit de forts liens économiques, culturels, d’échange d’information, scientifiques, ou simplement familiaux avec les Russes. Un sondage effectué en février 2014 par la Fondation d’initiatives démocratiques a clairement montré que seuls 16,8 % des Ukrainiens soutenaient complètement les agissements des manifestants. Les participants au Maidan étaient majoritairement originaires de Halychyna : 55 % des protestataires venaient de petits villages de l’Ouest de l’Ukraine. Après cela, les gens ont le culot d’affirmer que le Maidan de Kiev représentait le choix de la population !

Le 20 février 2014, les milices néo-nazies disposaient déjà d’armes à feu. Le 21 février, trois ministres des Affaires étrangères (Allemagne, France, Pologne) forcèrent Ianoukovitch à reconnaître de fait le coup d’État et à se plier aux demandes du Maidan. Le mémorandum contenait des obligations pour chacun des deux côtés. Mais les représentants du Maidan n’avaient pas la moindre intention de remplir les leurs, et personne ne les obligea non plus à s’y tenir. Les unités armées illégales ne furent ni désarmées ni démantelées.

L’idéologie néo-nazie devint l’idéologie du nouvel État. Ceci est une idéologie selon laquelle un groupe ethnique dicte sa volonté à tous les autres. Ceci est une idéologie de représailles contre les Russes (et tout partisan de la Russie) : une idéologie de représailles contre les dissidents. Les nouvelles autorités proclamèrent : « Un pays, une langue, une église, un État. »

Sous ces conditions, des représentants du monde Russe (et ceci ne signifie pas seulement les citoyens de la Fédération de Russie et les gens d’origine russe, mais aussi ceux que l’on nomme les « petites Russes », ces ukrainiens qui s’identifient avec le monde russe et la civilisation slave orientale), ont définitivement sonné l’alarme. La Crimée a explosé, et le 16 mars un référendum exprima pratiquement de façon unanime la volonté d’un retour à la Russie. Le Donbass s’est soulevé. Cette région est habitée par 6,5 millions de gens, la plupart de culture russe, et étroitement liés à la Russie. Le référendum du 11 mai a montré que 75 % de la population des régions de Donetsk et de Lougansk ne voulait pas vivre dans une Ukraine néo-nazie et anti-russe.

Mais le régime de Kiev décida de punir le Donbass, piétinant les valeurs, la volonté et les intérêts de sa population.

Avant avril 2014, nous n’imaginions pas que le gouvernement aurait recours, contre les civils et les rebelles, de méthodes d’annihilation aussi sophistiquées, comme les lanceurs de roquettes Grad et Uragan, les bombes à fraction, les bombes à phosphore, les missiles tactiques Tochka-U (également appelés SS-21), et autres armements offensifs lourds à effet sélectif. Ces combats impliquant l’armée ukrainienne et divers bataillons de volontaires ont conduit à la mort de 3600 personnes, en blessant 8700 autres dans le Donbass, selon des chiffres de l’ONU, sérieusement sous-estimés et datant de début octobre. En comparaison, 3600 soldats et officiers de l’armée ukrainienne ont été tués au cours de la guerre de 10 ans conduite par les soviétiques en Afghanistan ! Cette guerre fratricide dans le Donbass a également provoqué un exode de la population, un million de gens ayant trouvé refuge en Russie et 300 000 dans d’autres régions de l’Ukraine.

Mais les problèmes de l’Ukraine aujourd’hui ne sont pas limités au Donbass. Toutes les émissions des chaînes de télé russes ont été arrêtées dans le pays, et un nombre croissant de films et de séries télé en provenance de Russie sont bannies. Le phénomène appelé « garbage lustration » se développe rapidement : ce sont des actes de rue, au cours desquels des élus ou autres responsables sont tabassés sans autre forme de procès et balancés dans les poubelles. Les calomnies sont répandues contre les gens qui ne sont pas dans les faveurs du régime. Ceci touche non seulement les membres des partis politiques ou les militants ou blogueurs, mais aussi les personnes qui sont seulement actives sur les réseaux sociaux en ligne. Des nervis passent à tabac des manifestants pacifiques, et ce sont les manifestants que les policiers arrêtent ! Ceci est arrivé en juillet 2014 à l’extérieur du Parlement à Kiev, en août à Kherson, et en septembre à Odessa et Kharkov.

Face à cette situation la conscience publique devient saturée par une militarisation croissante, une russophobie bestiale, et la haine de toute opinion dissidente. Tout ceci est typique de la rhétorique des candidats aux législatives prévues pour le 26 octobre prochain.

Iryna Farion du Parti Svoboda, par exemple, a déclaré lors d’un discours le 30 septembre devant des combattants du bataillon Sich que l’Ukraine devait devenir la« tête de proue de la Troisième guerre mondiale », tout en soulignant qu’elle devait être victorieuse.

Dans ces conditions de guerre civile, de pillage, d’intimidation des militants, de censure la plus stricte, de psychose militariste et anti-russe, le résultat de l’élection du 26 octobre ne fait aucun doute. Il y aura un Parlement de guerre qui, sous les ordres des États-Unis ou bien acculés par la menace de soulèvements de masse, pourrait bien déclarer la loi martiale et déclarer la guerre à la Russie.

Étant donné le rôle de l’Europe en tant que joueur passif dans la politique agressive des États-Unis, il ne fait aucun doute qu’une telle déclaration de guerre de la part de l’Ukraine contre la Russie entraînerait les pays membres de l’OTAN, menés par les États-Unis, dans un engrenage infernal. Il ne fait aucun doute que l’humanité encourrait d’immenses pertes dans une guerre nucléaire.

La raison humaine nous oblige à proposer une alternative à ce scénario diabolique. Cette alternative devrait être un ordre mondial foncièrement nouveau, viable, organisé et s’inspirant de principes scientifiques. Bien sûr, ceci implique un ensemble de tâches difficiles, allant de la création d’institutions de crédit et de financement supranationales justes, pour remplacer le FMI et la Banque mondiale, et de nouvelles institutions commerciales pour remplacer l’OMC, au démantèlement de l’OTAN et à l’élimination du monopole du dollar, jusqu’à une réforme de l’ONU et de son Conseil de sécurité.

Ces questions globales ne peuvent pas être envisagées sans une croissance économique, notamment de la production d’énergie et du poids financier des pays en voie de développement. Ceci suppose des projets d’investissement majeurs dans l’infrastructure. Le projet chinois de Nouvelle route de la soie est particulièrement intéressant. Créer une Nouvelle route de la soie est une stratégie pour la transformation radicale du continent eurasiatique.

Ce projet peut donner une forte impulsion à la recherche scientifique, pour le développement et la mise en œuvre de technologies innovantes dans la construction de lignes ferroviaires, la création d’infrastructures modernes connexes, l’expansion de la coopération commerciale, le tourisme et la culture, et la coordination fructueuse entre les pays de l’Eurasie en termes de sécurité. Il ne fait aucun doute que l’exécution d’un tel projet renforcera les nouveaux pays émergents et permettra d’avancer vers un changement fondamental de politique monétaire, à travers la dé-dollarisation et une transition vers l’organisation des échanges en devises nationales.

Le projet de « Nouvelle route de la soie » est aussi extrêmement prometteur pour l’Ukraine. L’ancien État de la Kiev Rus contrôlait la route allant des « Varègues jusqu’aux Grecs », qui reliait les terres du nord de la Russie, à travers Kiev, à Tsargrad (Constantinople). De la même manière, Kiev doit s’intéresser aujourd’hui au développement de ses artères de transport, qui lui permettraient de tirer le meilleur avantage de sa position géographique et de devenir un pays de transit européen.

Une participation dans le projet chinois doit pousser l’Ukraine à développer des manufactures à forte intensité scientifique et technologique, qui donneraient à l’économie ukrainienne du futur une forme entièrement différente, hautement développée.

Ceci mettrait fin à toute détérioration additionnelle des forces scientifiques, technologiques et intellectuelles de notre pays, et fournirait un levier efficace pour combattre le chômage de masse, la pauvreté, la dégradation et l’exode de notre main d’œuvre. Il serait honteux de rater une telle occasion. Il serait honteux si les forces de la guerre, du mal et la cupidité insatiable de l’oligarchie réussissaient à prévaloir sur les forces de la raison, du bien, de la créativité.

Cette occasion pour le salut de l’Ukraine nous sera offerte seulement si la conscience publique peut être protégée contre l’idéologie et la propagande nazies, et si la vie politique de notre pays est débarrassée des partis et des mouvements néo-nazis. Ceci peut être accompli avec les efforts conjoints de la Russie et de l’Europe.

Les normes et les principes du droit international ne permettent pas seulement de faire cela : elles l’exigent, au nom de la mémoire des 50 millions de gens qui sont morts au cours de la Deuxième guerre mondiale.

Ce dont nous avons besoin, c’est la volonté politique.

 

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Le professeur Shi Ze : L’avantage d’autrui est désormais la politique officielle de la Chine

Le professeur Shi Ze

chercheur et directeur des études stratégiques internationales sur les questions énergétiques àl’Institut chinois d’études internationales (CIIS), un think-tank rattaché au ministère chinois des Affaires étrangères

Audio (Chinese/中文)


Honorable présidente de l’Institut Schiller, Madame LaRouche, honorables experts, amis distingués, bonjour. Je viens de Beijing, où je travaille en tant que chercheur associé à l’Institut Chinois des études internationales. Je suis très heureux de participer à cet événement célébrant le 30e anniversaire de l’institut Schiller. Je dois remercier, avec la plus grande sincérité, tant l’Institut Schiller que sa présidente Madame LaRouche pour cette invitation. J’ai participé, en Chine, à de nombreuses conférences sur le thème « une ceinture, une route », mais c’est la première fois que je me rends à l’étranger pour participer à une conférence touchant à la politique gouvernementale de la Chine et sa diplomatie internationale, et où on me donne l’occasion d’exposer les conceptions et pensées associées à notre « Ceinture économique de la route de la soie ».

Madame LaRouche est quelqu’un qui, en Chine, est reçue, appréciée et respectée par tout le monde en tant que militante touchant aux questions sociales. J’ai eu l’occasion de lire, à partir de nombreux médias chinois, ses discours et entretiens. Son opinion experte concernant la Chine est quelque chose que je respecte énormément. En tant qu’amie de la Chine et du peuple chinois, elle a contribué beaucoup d’idées sincères et sérieuses concernant le développement de la Chine. Nous honorons et respections ainsi énormément une vieille amie de la Chine l’est Madame LaRouche.

La politique dite : « Une ceinture, une route » incarne pour la Chine et le monde extérieur un magnifique concept pour engendrer la coopération. En vue des projets de développement à venir, le fait d’associer les intérêts nationaux et le développement interne aux intérêts et au développement de nos pays voisins, dans un système de développement et de progrès mutuels à l’échelle mondiale, pose des questions majeures concernant notre concept et notre pratique du développement innovateur.

La proposition du président Xi Jinping pour une « ceinture économique » tout le long de la « Nouvelle route de la soie » et d’une « Route de la soie maritime », sous la rubrique « Une ceinture, une route » visant à approfondir et élargir la coopération entre notre nation et ses voisins, revêt une grande importance stratégique. Mais comment allons-nous promouvoir cette politique ?

1. Le concept d’innovation

Il y a trois étapes.

Première étape : dans le cadre de notre programme « réforme et ouverture » [de notre pays sur le monde extérieur], la Chine a adopté au départ une stratégie de« faire entrer » [c’est-à-dire attirer les investisseurs étrangers]. Au début de ce processus, nous avons surtout pratiqué la politique de l’« autostop », nous appuyant sur le financement international pour faire avancer notre développement, avec des résultats évidents.

Nous sommes ensuite passés à la politique d’« une ceinture, une route », consistant à « sortir » [investir à l’étranger]. Grâce à une meilleure utilisation des marchés et du financement de l’étranger, la Chine a étendu la portée de sa réforme et de son ouverture, accroissant l’échelle et l’élan du développement économique.

A ce stade, le gouvernement central a proposé le concept stratégique : « Une ceinture, une route », qui est la suite légitime de la logique stratégique de « faire entrer » et de « sortir », en les combinant et en les amplifiant. La politique de« réforme et d’ouverture » consiste à développer l’économie à l’aide des marchés et des ressources naturelles à la fois nationaux et étrangers, marquant un nouveau stade du développement de la Chine et son ouverture sur le monde extérieur. La politique « une ceinture, une route » revêt ainsi une signification élargie et plus riche.

Deuxième étape : Pour ce qui est du développement économique propre de la Chine, la manière dont nous nous adaptons aux besoins de notre propre réforme et de notre développement, tout en nous impliquant dans un processus avec les pays de notre périphérie et le long de la route de la soie, leur donne une part des bénéfices de notre propre développement.

C’est ainsi que nous promouvons la collaboration entre la Chine et les autres pays du monde en vue de notre développement commun. L’accent mis sur ce concept de coopération reflète le nouveau concept chinois de justice primant sur le profit.

Du fait que nous dépendons de ressources naturelles étrangères, nous prônons une initiative consistant à utiliser nos propres dividendes de développement afin de permettre à nos partenaires de partager nos acquis, en vue d’un développement commun. Il s’agit d’un changement très important de la politique chinoise.

Outre le fait de promouvoir le développement mutuel et un concept gagnant-gagnant, notre appel à faire passer la justice avant le profit comprend également la notion de développement équilibré. La coopération dans ce domaine alimente ce processus. Il s’agit non seulement d’un développement unilatéral rapide, mais aussi d’en améliorer la qualité. En même temps, si l’autre partie connaît un développement plus lent, la qualité en souffre et on n’obtient pas un développement synchronisé.

L’objectif de la Chine est un développement mutuel, équilibré et synchronisé, et notre notion de placer la justice avant le profit l’enrichit d’un nouveau contenu.

Troisième étape : la politique d’« une ceinture et une route » insiste sur « trois non » : pas d’ingérence dans les affaires intérieures des autres, pas de recherche de« sphères d’influence » et pas de lutte pour l’hégémonie. Ceci reflète l’évolution historique unique de la « montée » de la Chine par rapport aux autres grandes nations, qui est l’orientation claire d’un pays en développement cherchant son nouveau rôle dans le monde. En promouvant la collaboration régionale, nous insistons sur ces « trois non » : nous ne recherchons pas de sphère d’influence ni ne poursuivons des intérêts égoïstes, mais plutôt l’avantage et le progrès mutuels pour la communauté internationale, en particulier pour les pays le long de la « ceinture ».

Cela reflète aussi le jugement de la Chine par rapport au contexte régional. Après la Guerre froide, la situation en Eurasie se trouvait, en gros, en équilibre. On avait un système de poids et de contrepoids entre grandes puissances. Aucune n’avait l’ascendant. Les rapports de force entre pays ne donnaient à aucun d’entre eux la primauté. Ni les États-Unis, ni la Russie, ni la Chine, ni l’Union européenne, n’étaient voués ni ne doivent chercher à dominer ou à devenir hégémoniques en Eurasie. La promotion d’« une ceinture, une route » vise aussi à maintenir cet équilibre, au lieu de le bouleverser.

L’équilibre est propice à la stabilité. Aucun pays de la région n’est en mesure d’en bouleverser l’équilibre, parce que cela ne correspond pas au statu quo en vigueur dans cette région ni à son développement et à la configuration des forces. Aucune grande puissance ne devrait garder ses distances en matière de coopération avec les autres. C’est seulement par le développement mutuel et la coopération que nous pourrons mener à bien la construction d’« une ceinture, une seule route ».

Ainsi, je crois que la Nouvelle route de la soie est une proposition qui est de nature à encadrer et à ouvrir les possibilités plutôt qu’à refermer ou empêcher les partenariats. Etant donné que je m’adresse en majorité à des Européens ici aujourd’hui, je voudrais préciser que le fondement de la Nouvelle route de la soie est que l’Europe sera à un bout de son centre et la Chine à l’autre bout. Le développement de ce couloir va non seulement renforcer l’Europe et la Chine à chacune de ses extrémités, mais il apportera le développement économique et social dans toutes les régions de l’Asie centrale, de l’Asie du sud, du Moyen Orient et de l’Europe de l’Est.

Ainsi, je pense que la Nouvelle route de la soie peut avoir un impact direct et une importance pour tous les pays européens. Ceux-ci bénéficient déjà, à cet égard, de solides fondements en termes technologiques et la Nouvelle route de la soie apportera la même chose à tous les autres pays. Il faut insister encore une fois sur l’idée qu’en promouvant la Nouvelle route de la soie, nous cherchons la coopération avec tous les pays, en travaillant vers un objectif commun tout en existant de manière différente, en cherchant à définir un socle commun. Ceci est un point central dans notre conception. Nous ne nous opposons pas à ce que les Etats-Unis, ou la Russie, ou les pays européens se joignent à nous, nous accueillons tous les pays. C’est pourquoi nous disons que la proposition est inclusive et ouverte.

2. Un nouveau modèle de coopération

Définir le type de coopération que nous avons choisi pour le projet « une ceinture, une route » est désormais de la plus grande importance. Lors des discussions, autant en Chine qu’à l’étranger, nous discutons généralement de la mise en œuvre des projets et assez rarement du modèle de coopération lui-même. Or, en ce qui concerne « une ceinture, une route », ce modèle de coopération est crucial pour déterminer la possibilité même de mettre le projet en œuvre et de le réaliser. Le modèle de coopération en tant qu’élément primordial de la coopération régionale doit être pris très au sérieux.

Le niveau de développement économique dans les pays de l’Eurasie est inégal. Certaines différences entre les pays sont évidentes, tant au niveau économique que social. Le niveau initial d’intégration est très faible et certains pays sont encore loin derrière l’ensemble de la région. En outre, le niveau culturel varie beaucoup d’un pays à l’autre, chacun ayant ses propres caractéristiques de développement.

Dès lors, quel modèle de développement choisir pour une telle région ? Le modèle de coopération de l’UE ? Celui de l’ASEAN ? Le modèle américano-chinois de coopération ? Peuvent-ils être adaptés à ce type de région ? Sont-ils adaptés à ce type de zone difficile en forme de ceinture ? Les conditions des modèles de coopération mentionnés ci-dessus s’appliquent à une région imbriquée et homogène, tandis que la coopération sur « une ceinture, une route » doit être zonale, avec un grand nombre de branches différentes.

Nous envisageons un type de vision coopérative qui a peu de précédents dans l’histoire mondiale. En ce sens, il devrait être clair que la question d’un nouveau modèle de coopération créatif est une nécessité urgente. Nous devons tous commencer à réfléchir là-dessus.

Nous pouvons tirer les leçons de certains modèles de coopération antérieurs, mais non les copier sans discernement à cause de la situation réelle des pays situés le long de la « ceinture ». Leur stade de développement économique, leur situation sociale, leur niveau culturel nous obligent à chercher un nouveau modèle. Pour en trouver un qui soit adapté au projet « une ceinture, une route », nous devons penser de manière créative.

Nous ne pouvons pas suivre le chemin de nos prédécesseurs. Certaines personnes habituées à utiliser des modèles de développement et des modes de pensée occidentaux essaient de les appliquer au projet une ceinture et une route. Je crois que c’est peine perdue parce que ces modèles ne correspondent tout simplement pas à la réalité.

3. Un modèle d’innovation coopératif

Mener à bien le projet « une route et une ceinture » sera un long processus de développement. En lançant la coopération économique régionale et en l’approfondissant en permanence, nous ferons avancer la réalisation de nos objectifs stratégiques. Mais compte tenu du caractère novateur de la coopération, je crois que nous devons y inclure nombre de nouveaux éléments que je vais énumérer ici.

Tout d’abord, nous devons déployer tous nos efforts pour mettre en œuvre ce qui existe déjà : ressources énergétiques, réseaux de transport, systèmes d’électricité, réseaux de communication, etc. Nous devons construire l’infrastructure et des systèmes de communications, commencer à façonner le développement de villes-noyaux et de zones de haute technologie et, ainsi, apporter également le développement social aux économies de la région. C’est la base du développement.

Ensuite, nous devons renforcer la coordination des politiques, en instaurant entre les pays de la ceinture une coordination des différentes stratégies de développement, mais sans viser l’intégration totale.

Encore une fois, nous devons encourager le développement innovant de chaque pays, en mettant l’accent sur le plus haut niveau de progrès scientifique atteint dans le monde, intégrant les niveaux de développement de chaque pays de la région et renforçant vigoureusement la coopération avec ceux qui sont dépourvus de ressources naturelles, en promouvant et formant une nouvelle norme de coopération économique régionale.

Enfin, nous ne devrions pas avoir d’exigences excessives, ni poursuivre obstinément la coopération économique uniquement sur une base multilatérale. Il nous faut, au contraire, mener à bien des projets de coopération bilatérale de qualité, donner l’exemple et encourager d’autres pays à s’y joindre, y associer les associations municipales et les organisations professionnelles, pour former en fin de compte un système de coopération multilatéral et de réseau.

En outre, la Chine devrait encourager et promouvoir des projets où elle n’est pas elle-même impliquée. La construction d’« une route, une ceinture » est une entreprise profitable pour la Chine, mais elle est, simultanément, une initiative contribuant à promouvoir la coopération économique en Asie du Sud-est, centrale et du Sud-ouest, et dans d’autres zones intermédiaires, pour constituer un cadre de coopération inclusif et ouvert.

4. Un système d’innovation

« Une ceinture, une route » est une vision à long terme du développement à grande échelle, ce qui implique non seulement différentes régions et départements chinois, mais aussi les relations et les perspectives futures pour la Chine et les pays situés le long de la ceinture. Elle ne concerne pas seulement les intérêts et les prérogatives internes de chaque région et département, mais aussi ceux de chaque nation.

En outre, avec le développement économique et social de notre pays, nous avons désormais des entreprises publiques qui travaillent à l’étranger, ainsi que des entreprises locales et des entreprises privées, qui ont un modèle multi-facettes. La structure antérieure de gestion et de fonctionnement devra faire face à une nouvelle réalité.

Notre capacité d’adaptation aux besoins de « une route, une ceinture » va nous obliger à ajuster et réformer notre système de fonctionnement. C’est seulement par des ajustements et des réformes que nous serons en mesure de promouvoir la coordination nationale et internationale et l’harmonisation du développement, et d’en recueillir les bienfaits pour nous et les nations voisines.

Dans notre système actuel de fonctionnement, on divise le pays en départements, on établit des frontières fonctionnelles, on sépare les opérations nationales et étrangères, mais il nous manque un plan de coordination global. Pour adapter ce système à la promotion des besoins d’« une route, une ceinture » et en éliminer les obstacles, il faudra beaucoup de réflexion et de pensée créatrice de la part de chacun.

L’expérience historique montre que les restrictions organisationnelles sont dévastatrices et très graves, et qu’il est souvent difficile de surmonter les obstacles. Le développement et la construction d’« une ceinture, une route » vont nous obliger à entreprendre des réformes structurelles, afin d’adapter le système aux besoins du développement. Nous pouvons observer comment les autres nations ont conduit leur stratégie internationale.

Par exemple, pour conduire leur propre « plan de Nouvelle route de la soie », les États-Unis ont considéré l’Asie du Sud et l’Asie centrale comme une entité par rapport à leurs propres besoins de développement, et ils ont fusionné le département des Affaires d’Asie centrale et celui d’Asie du Sud en un seul département des Affaires d’Asie centrale et du Sud, avec une coopération en branchements. Pour promouvoir le développement de sa région extrême-orientale et la coopération régionale dans la région Asie-Pacifique, la Russie a créé le ministère du Développement de l’Extrême-Orient russe.

Ce mécanisme réformé, entièrement axé sur l’Extrême-Orient, a pour vocation de résoudre de manière planifiée et coordonnée ce problème crucial. Ainsi, la discussion sur la mise en place d’un système de réforme et d’innovation en vue de réaliser le projet « une ceinture, une route » fait déjà l’objet d’une délibération pratique.

 


Dr Fatemeh Hashemi Rafsanjani: Le rôle de l’Iran dans la stratégie de la Nouvelle Route de la Soie

Dr. Fatemeh Hashemi Rafsanjani

President of WSA (Women Solidarity Association), Teheran, Islamic Republic of Iran.


Honorable audience,
mesdames et messieurs,

Je suis très heureuse d’être ici parmi vous, et je souhaite vous rappeler quelques périodes et événements historiques montrant que l’Iran est engagé en faveur du développement et du renouveau de la Route la soie.

La relation de l’Iran et son rôle essentiel dans la construction, l’entretien et la renaissance de la Route de la soie entre dans son troisième millénaire. Les anciennes cultures de l’Iran, de la Chine et du Moyen-Orient plus généralement ont coopéré non seulement sur des questions liées au commerce, mais également à la sécurité et à la culture.

Comme le montre l’histoire, vers le début du premier millénaire, la dynastie Parthe régnant sur la Perse profita massivement des droits de douanes perçus sur les biens transportés entre une Europe dominée par Rome et la Chine, sur la Route de la soie qui traversait leur domaine depuis l’Euphrate en Mésopotamie jusqu’à la Chine occidentale. La dynastie Parthe, qui était favorable à une extension du commerce est-ouest, surveillait la Route étroitement et l’entretenait.

La Route de la soie était formée d’une série de routes terrestres et maritimes reliant des civilisations diverses. Cette route contribua beaucoup au développement de la civilisation humaine. En Iran, la Route de la soie revêtait une importance cruciale. Considérant le rôle de la soie dans les temps anciens, l’on peut affirmer que l’histoire de l’Iran et de la Route de la soie étaient étroitement reliées. Les échanges culturels et commerciaux entre ces deux grands pays que sont l’Iran et la Chine passaient par la Route de la soie.

Il semble que dès le 6e siècle avant notre ère, le roi Darius le Grand établit des points de contrôle militaires sur ces routes, de manière à assurer la sécurité des caravanes. La route entre les villes de Shush et Sardes était une continuation de la Route de la soie, qui avait été construite pour stimuler le commerce de la soie entre l’Orient et l’Occident. Par son rôle clé dans la Route de la soie, l’Iran contribua beaucoup à l’expansion du commerce de la soie et d’autres produits vers l’Occident. Au cours de l’ère Parthe, la Route de la soie restait encore une route importante d’échanges de produits entre divers pays. Certaines mesures furent mises en œuvre pour réparer et étendre la Route de la soie au cours du règne de l’empereur parthe Mithridate II le Grand.

Entre la fin du premier millénaire et le début du second millénaire, l’Iran se trouvait au centre de la Renaissance islamique. L’Etat islamique s’était étendu depuis l’ouest de la Chine, par-dessus le fleuve Indus et jusqu’à l’Afrique du Nord et l’Espagne. Le rôle de l’Iran en tant que centre scientifique, philosophique et culturel fut stimulé par sa situation géographique et son héritage. Grâce aux techniques chinoises de production de papier, la science et la philosophie chinoise, indienne, perse, arabe et grecque fut traduite et se propagea à presque toutes les parties habitées de la planète. Ceci fut le plus grand processus d’échange d’idées entre les cultures jamais vu dans toute l’histoire, conduisant à la Renaissance européenne au XIVe siècle.

Le renouveau de la Route de la soie apporterait des bienfaits considérables à l’Iran, à la Chine et à leurs voisins, et confirmerait le rôle géopolitique de l’Iran en tant que carrefour commercial et culturel dans le monde.

L’Iran a fait d’immenses efforts pour renouveler la Route de la soie au cours des dernières décennies du second millénaire et au début du troisième.

La ligne ferroviaire Mechhed-Sarakhs-Tedjen (au Turkménistan), qui était située sur l’ancienne route de la soie, fut inaugurée le 14 mai 1996 en présence de son excellence l’Ayatollah Hachemi Rafsandjani, l’ancien président de l’Iran, en présence de onze chefs d’Etat et de représentants diplomatiques de 45 pays différents. A cette occasion, l’Ayatollah Rafsandjani, qui était alors président, a déclaré que « l’on peut facilement noter que même si la Route de la soie était une route pour le transport de biens, elle a joué un rôle important et efficace sur les plans culturel, social et artistique. Le renouveau de la Route de la soie, grâce à la construction de cette longue ligne ferroviaire allant du golfe Persique (Bandar Abbas) jusqu’à Sarakhs-Tedjen, qui relie à nouveau la Chine à l’Asie centrale via l’Iran, est une continuation des efforts de l’Iran pour étendre la Route de la soie. »

L’Iran a complété en 1998 la connexion ferroviaire dans sa partie nord-ouest, de Tabriz à Van en Turquie. Ainsi, la Nouvelle route de la soie se trouvait de nouveau reliée à l’Europe. En 2001, la ligne Mechhed-Bafq-Bandar Abbas fut complétée, reliant l’Asie centrale enclavée au golfe Persique. L’Iran a également complété la ligne Bafq-Kerman-Zahedan jusqu’à la frontière pakistanaise, reliant l’Iran au sous-continent indien.

Le couloir Nord-Sud entre la Russie, l’Iran et l’Inde est actuellement en construction à travers l’Arménie et le Caucase. Depuis l’Inde, via le Port de Chabahar dans le sud-est de l’Iran, et jusqu’au système ferroviaire iranien complété, l’Asie du Sud-Est et le sous-continent indien seront reliés à l’Europe du Nord. En construisant ce réseau, le transit commercial à une échelle globale a été réduit de plusieurs semaines entre l’Est et l’Ouest ainsi qu’entre le Nord et le Sud, comparativement aux routes maritimes. Outre les échanges commerciaux, ce couloir de développement a des implications massives pour les développements économique, social et politique des peuples impliqués.

Depuis le tout début, la construction de ce chemin de fer et le renouveau de la Route de la soie qui ont été accomplis avec l’aide des autorités iraniennes avaient pour objectif de fournir le fondement de la croissance économique et la promotion des relations diplomatiques dans la région. Comme il a été souligné lors de la cérémonie d’inauguration en 1996, l’Ayatollah Hachemi Rafsandjani a formulé le souhait que la Route de la soie soit la route vers la paix et l’amitié en reliant à elle cette ligne ferroviaire.

La République islamique d’Iran a également favorablement accueilli la récente initiative annoncée par le président chinois Xi Jinping, visant à lancer la Ceinture économique de la Route de la soie. En mai dernier, le président Hassan Rohani s’est entretenu avec la presse à propos des relations entre l’Iran et la Chine, après sa rencontre avec le président Xi Jinping à Shanghai.

Il a déclaré :

La Chine est actuellement le partenaire commercial le plus important de l’Iran. Nous avons plusieurs accords de coopération avec la Chine concernant des questions internationales et régionales. (…) Nous sommes d’accord avec l’idée d’un renouveau de la Route de la soie. Par le passé, la Chine s’était engagée auprès des pays longeant la Route de la soie pour ce qui concerne la culture, l’économie et les échanges commerciaux, mais aussi dans d’autres domaines comme l’énergie et les transports. Ces liens entre la Chine et l’Iran, ainsi que d’autres pays de la région, peuvent être renoués. Ainsi le plan de la Ceinture économique de la Route de la soie pourrait être couronné de succès.

Le mois dernier, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui a eu lieu à Douchanbé, au Tadjikistan, a été un fort rappel de cette ancienne Route de la soie, qui est en train d’être reconstruite aujourd’hui.

Le monde a besoin de paix et d’amitié. La Nouvelle route de la soie peut s’étendre jusqu’à l’Europe et peut devenir notre ambassadrice auprès de l’Europe et du monde. Cela ne signifie aucunement qu’il faille oublier la paix et l’amitié dans d’autres domaines.

En tant que président de la Charity Foundation for Special Diseases (CFSD), j’ai ressenti la peine et la souffrance des gens souffrant de maladies rares qui ont été affectés par des mesures qui n’ont rien de pacifique, en particulier les sanctions qui peuvent mettre la vie des gens en danger. Nous faisons tous de notre mieux dans tous les aspects de la vie humaine.

La CFSD réagit de manière appropriée pour faire connaître les conséquences néfastes et pour répercuter l’appel des patients en faveur de la paix et leur dénonciation de l’illégalité de toute sanction ciblant des gens innocents. Je suis également secrétaire générale de l’Association de solidarité aux femmes d’Iran (WSAI) et j’ai toujours cherché à coopérer avec d’autres ONGs dans le monde afin de parvenir à une paix qui pourrait être motivée par des femmes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Iran. WSAI a fait de son mieux pour promouvoir des organisations de femmes et la présence active de femmes dans les domaines social et culturel et a aidé au processus de développement de leur société en cherchant activement à résoudre les problèmes auxquels se trouvent confrontées les femmes.

Grâce à son histoire brillante et sa grande crédibilité dans ses efforts pour maintenir et assurer la paix et le progrès pour tous les peuples, par son combat incessant contre la guerre et la violence, et ses initiatives pour le respect des droits humains et la dignité, l’Institut Schiller peut faire évoluer l’opinion publique vers une paix globale, en organisant des conférences comme celle-ci. J’aimerais, pour terminer, vous remercier pour toutes vos initiatives et tous vos efforts.

Merci, merci beaucoup !

 


Jayshree Sengupta: Les BRICS et le nouvel ordre international

Jayshree Sengupta

Membre Honoraire, Observer Research Foundation, New Delhi, Inde


Un groupe de pays émergents dénommé les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) a vu le jour au début du XXIe siècle, lorsque Goldman Sachs inventa ce terme en 2002. Aujourd’hui, le mot BRICS signifie l’aube d’une nouvelle ère. Pour la première fois, on a un ensemble qui incarne la nouvelle puissance du monde derrière cinq nations émergentes, riches en ressources humaines et matérielles et pouvant se vanter d’une riche histoire de civilisation et de culture.

Il dispose aussi d’un énorme potentiel de croissance, même si on peut parler de pays « en voie de développement ». Ce groupe est divers, mais il existe une espèce de colle ou « ciment » qui les liera à l’avenir. Trois pays membres ont des ressources abondantes et sont peu peuplés, les deux autres sont fortement peuplés et parmi les plus grands consommateurs de ressources.

Ils se sont donné un agenda comprenant la recherche d’un « nouvel ordre mondial » dans lequel ils joueraient un rôle majeur, ce qui pourrait mettre un terme au monde unipolaire actuel et faire émerger un monde polycentrique et multipolaire. La première réunion des BRICS s’est tenue à Ekaterinbourg, en Russie, le 16 juin 2009, suite à la crise financière mondiale. L’Afrique du Sud s’y est jointe en 2011.

Le groupe des BRICS est très important et le sera plus encore à l’avenir du point de vue de leur part dans la production mondiale, le commerce, la démographie, l’investissement et les revenus. Aujourd’hui, ces pays représentent 18 % du commerce mondial, hébergent 46 % de la population mondiale et possèdent un PIB cumulé de 24 milliards de dollars. Ils couvrent 26 % de la surface terrestre.

Comme l’a dit le Premier ministre indien Narendra Modi,

Pour la première fois, il réunit un groupe de nations autour du paramètre du “potentiel futur”, plutôt que de la prospérité existante ou des identités partagées. Ainsi, l’idée même des BRICS est tournée vers l’avenir.

Un tel groupe est déjà une « source d’inquiétude » pour les pays qui dominent l’ordre mondial actuel, notamment pour les institutions de Bretton Woods, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

Les BRICS cherchent à obtenir un rôle de leadership dans le paradigme de gouvernance politique et économique mondial et aspirent à une plus grande équité pour le monde en développement. Ils exigent des réformes drastiques des institutions telles que le Conseil de sécurité de l’ONU, la Banque mondiale ou le FMI.

Le cas de l’Inde et les BRICS

L’Inde, pays connu pour sa civilisation ancienne et son riche héritage culturel, est membre des BRICS. Bien que possédant quelques-uns des plus beaux monuments du monde et des artisans et tisserands parmi les plus qualifiés, c’est un pays en voie de développement. Toutefois, en termes de PIB, en raison de son immense population de près de 1,3 milliard d’âmes, c’est la troisième économie du monde. L’Inde a un énorme potentiel de croissance si tout marche bien, mais si les politiques déraillent, ce sera le chaos.

Elle a une population jeune (65 % ayant moins de 40 ans) et une classe moyenne montante qui avoisine les 350 millions de personnes. Elle se bat encore contre le dénuement et une pauvreté abjecte, et doit créer des millions d’emplois à l’avenir.
Après avoir subi durant deux cents ans la domination coloniale britannique, marquée par l’exploitation et l’oppression, l’Inde a gagné son indépendance en 1947. Les dirigeants Mahatma Gandhi et Jawaharlal Nehru entrevoyaient une Inde autogouvernée de valeurs démocratiques et de non-violence, et une humanité plus harmonieuse.

Ils ont opté pour la self-reliance (c’est-à-dire la souveraineté économique) et Nehru a fortement encouragé la consolidation d’une industrie de biens d’équipement pour permettre l’industrialisation rapide et la croissance économique. En 1950, il a lancé le premier plan quinquennal de l’Inde.

Toutefois, beaucoup de problèmes se sont posés au cours des deux premières décennies de l’indépendance, et l’Inde a traversé de nombreuses crises marquées par des pénuries alimentaires, une croissance lente, des difficultés de change et des guerres avec ses voisins.

En 1991, menacée d’insolvabilité, elle a dû se tourner vers le FMI pour un plan de sauvetage et elle a choisi la réforme des marchés et la libéralisation comme voie de développement.

Depuis lors, la libéralisation de l’économie indienne a engendré des avantages comme des désavantages. La mondialisation a permis un enrichissement énorme pour certains, avec une dizaine de milliardaires (en dollars) et 14 800 millionnaires. Elle a favorisé la corruption et la création d’une élite qui s’est attribué des privilèges et des actifs. Mais une très grande partie de la population, privée d’atouts et de qualifications, a été laissée pour compte.

Ainsi, après deux décennies de libéralisation, on se retrouve avec deux Indes. L’une est prospère et jouit d’un style de vie comparable à celui du Premier monde, tandis que dans l’autre, les gens vivent dans l’indignité et endurent de multiples privations. Les disparités régionales ont mené à des niveaux de vie disparates. Dans certains Etats, l’absence de loi et de gouvernance est plus forte que dans d’autres. Les valeurs comme le patriarcat et la classe ou la discrimination de caste et de genre, n’ont pas changé malgré la libéralisation de l’économie.

Un aspect central de la libéralisation – l’acquisition de terrains pour construire de l’immobilier, des usines, des zones industrielles pour l’exportation (EPZ) – a joué contre les pauvres, car ils n’ont pas reçu de juste compensation pour les terres utilisées. Tout en apportant une richesse immense à certains, la libéralisation a entraîné la paupérisation d’importantes tranches de la population. Il nous faut donc atteindre un équilibre à travers une meilleure gouvernance et un leadership dévoué.

L’économie informelle occupe encore 90 % de la force de travail indienne, forte de 465 millions de personnes. La mondialisation a donné un rôle plus important au secteur privé, mais il n’occupe que 8 % de la force de travail. De même, le secteur ITC (technologies de l’information et communications) n’en représente que 2 %. Le problème auquel l’Inde fait face est la création d’emplois pour les 12,8 millions de jeunes qui rejoignent chaque année la population active.

Après dix ans de politique néolibérale, nous avons connu un changement de gouvernement. Un modeste vendeur de thé est devenu Premier ministre. C’est un homme qui veut faire de l’Inde un grand pays, mais en suivant sa propre voie de développement, contrairement aux diktats de l’OMC, de l’UE, de la Banque mondiale et du FMI. Il a déjà refusé d’ouvrir le secteur de la distribution, un marché de 500 milliards de dollars, aux multinationales étrangères telle que Walmart, Tesco, etc. En effet, si les géants de la distribution parvenaient à s’implanter en Inde, cela menacerait les moyens d’existence de 40 millions de petits commerçants.

Il a également refusé de signer le TFA (Trade Facilitation Act – loi facilitant le commerce.[1]) de l’OMC, parce que cette loi compromettrait la position indienne en matière de sécurité alimentaire. On espère que la présidence de Narendra Modi adoptera des réformes différentes, qui contribueront à aider les gens ordinaires au lieu des seuls riches.

Pendant ces années de politique néolibérale, les ressources en minerais de l’Inde ont été volées et les tribus indigènes se sont fait confisquer leurs terres par la mafia foncière.

Mécontents et appauvris, sans qualification ni atouts, les pauvres des tribus dans un tiers des 600 districts de l’Inde ont lancé une lutte armée, ce qui reste une grande menace sécuritaire non traditionnelle dans le pays. Le secteur minier, sous la pression des multinationales, est aussi infecté d’escroqueries et de corruption.

Plus que de tout autre chose, l’Inde a besoin d’infrastructure pour assurer sa croissance et sa prospérité. Si les investissements directs étrangers cherchent à pénétrer le marché indien pour y vendre à la classe moyenne en croissance leurs biens de consommation, notamment en prenant le contrôle du commerce au détail, très peu d’entreprises de développement de l’infrastructure veulent miser sur l’avenir de l’Inde.

C’est dans ce contexte que l’Inde saluerait cette Nouvelle Banque de développement des BRICS qui accordera au monde en développement des prêts sans conditions pour l’infrastructure.

La Nouvelle banque de développement

La création de la Nouvelle banque de développement (NBD) lors du sommet des BRICS à Fortaleza, au Brésil, suscite beaucoup de scepticisme. Elle est considérée comme une concurrente de la Banque de développement asiatique (ADB) et un défi aux institutions jumelles de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), qui ont dominé l’architecture financière internationale dans l’après-guerre.

Le discours du développement mondial a malheureusement été conçu, pour l’essentiel, par des institutions créées au cours du XXe siècle et qui ne reflètent pas les réalités contemporaines. Aujourd’hui, par exemple, le seul consensus de développement semble être « le consensus de Washington », qui vise à maximiser le rôle du marché et réduire le rôle des gouvernements dans les pays en développement. Il est clair que pour le XXIe siècle, ce n’est pas forcément la panacée.

Le concept de « taille unique pour tous » n’a pas été couronné de succès, comme le démontre la disparité des progrès accomplis par les pays en développement pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

La Nouvelle banque de développement des BRICS sera ainsi une alternative viable pour ces pays, dépourvus de représentation adéquate au sein des instances dirigeantes du FMI et de la Banque mondiale. Les réformes du système de quotes-parts et de droits de vote n’ont jamais abouti, du fait que la législation le permettant est bloquée par le Congrès américain depuis 2010. Cette réforme aurait pu réduire le poids prédominant des pays industrialisés au sein du FMI au profit des émergents. Les BRICS pèsent un cinquième de l’économie mondiale mais ne disposent que de 11 % des droits de vote au sein du FMI. La Chine, deuxième économie mondiale après les États-Unis, y dispose de moins de voix que le Benelux !

La Russie mise à part, les BRICS demeurent un forum de pays en développement et ce qui compte pour eux, c’est le développement, en particulier les grands emprunts pour les travaux infrastructurels. Espérons que lorsque la banque sera en place, il y aura moins de retards dans la disponibilité du crédit et moins de « conditionnalités ». Elle offrira aux pays membres une protection contre les pressions des marchés et inclura des swaps de devises lorsque leurs monnaies nationales seront malmenées par des turbulences financières mondiales. A cet effet, les BRICS ont signé au Brésil un « accord-cadre non contraignant »(Contingent Reserve Arrangement, CRA), instaurant une réserve de change commune de 100 milliards de dollars.

La Chine en sera le premier contributeur, ce qui fait craindre à certains qu’elle cherche à dominer la banque. Elle apportera 41 milliards de dollars, la Russie, le Brésil et l’Inde 18 milliards de dollars chacun et l’Afrique du Sud, 5 milliards. Bien qu’ayant son siège à Shanghai, la NBD ne sera pas dominée par la Chine.
La banque fonctionnera selon une approche démocratique et chaque membre obtiendra des droits de vote égaux. En ce qui concerne sa gestion, le premier président sera un Indien, le président du conseil des gouverneurs sera un Russe et le président du conseil d’administration sera brésilien. Le premier centre régional sera implanté en Afrique du Sud.

Il existe bien sûr des problèmes entre membres des BRICS, par exemple la Chine et l’Inde ont depuis très longtemps un problème frontalier qu’on doit résoudre. Ce problème nous a même amenés à nous faire la guerre en 1962. Le besoin existe également de relancer la croissance économique dans tous les pays membres des BRICS, et il est donc de la plus haute importance pour eux de disposer d’un forum et d’une banque qui leur soit propre et qu’ils contrôlent.

La banque des BRICS ne cherche pas à se substituer au FMI et à la Banque mondiale, mais jouera un rôle complémentaire répondant aux besoins des pays en développement. Beaucoup de petits pays d’Asie du Sud et d’Afrique pourraient frapper à sa porte pour des prêts dont les conditions seraient moins sévères que celles exigées naguère par les grandes banques régionales. La NBD réussira si elle adopte un mécanisme robuste d’appréciation des projets qu’elle décide de financer.
L’adhésion à la Banque sera ouverte à d’autres pays, mais la part BRICS ne peut descendre en dessous de 55 %. En fait, quand elle commencera à fonctionner pleinement, l’ère sera terminée où les pays du G-7 imposent leur monopole et la voix des pays du Sud se fera entendre.

Équipés de leur propre banque, les BRICS auront une plus grande flexibilité dans l’élaboration de la politique monétaire et par conséquent sur les marchés mondiaux. Avec l’aide de la NBD, ils peuvent travailler ensemble sans être cadenassés par le cadre rigide du Consensus de Washington.

L’accent sera mis sur le renforcement des capacités productives des pays emprunteurs. Les financements iront aussi bien soutenir les capacités nationales existantes pour la gestion et l’exécution de projets que financer de nouvelles institutions permettant de mesurer plus facilement l’impact du développement des pays bénéficiaires. Cela pourrait se faire grâce à des facilités de financements de la NBD prévues à cet effet.

Le protocole d’accord entre les fonds de garanties à l’exportation et l’accord interbancaire sur l’innovation stimulera encore davantage la coopération entre les BRICS.

Agenda des BRICS

L’ordre du jour des BRICS est forcément complexe si l’on cherche à créer un puissant forum d’importance mondiale. Il faut travailler dur pour identifier de nouveaux domaines de convergence. Ce n’est plus le moment de se conformer aux anciens modèles et paradigmes car nous vivons une ère où les regroupements se feront autour de thèmes.

Le premier point de l’agenda est d’apporter des changements dans l’architecture financière mondiale et de réformer les institutions financières mondiales. La mise en place de la NBD signifie que les pays émergents ont besoin de leur propre système financier et suivent leurs propres règles et droits de vote puisque les réformes du FMI ont été renvoyées aux calandres grecques.

La deuxième tâche consiste à établir une coopération entre pays membres des BRICS sur le plan de la sécurité alimentaire, le stress hydrique, la santé, la croissance inclusive, l’urbanisation, l’éducation, le commerce et l’investissement. Les membres ont des besoins différents, leur niveau de développement humain et leurs infrastructures sont différents et dans de nombreux cas, nécessitent une amélioration conséquente.

Par exemple, dans le domaine de la santé, les BRICS souffrent d’un développement inégal qui nécessite un immense effort de coopération. La NBD des BRICS peut faciliter l’accès aux ressources pour améliorer le fonctionnement du secteur de la santé, en particulier en Inde, en Russie et en Afrique du Sud.

Une coopération s’élabore dans les domaines de l’urbanisme et de la santé pour presque la moitié de la population mondiale que représentent les BRICS. Le partage des ressources, la technologie, la R&D, ainsi que la coordination entre des secteurs clés tels que l’informatique, l’énergie et la haute technologie, sont également à l’ordre du jour pour les cinq membres.

Les BRICS ont l’intention de partager leurs pratiques et expériences autochtones afin d’apprendre comment répondre aux immenses défis économiques et sociaux, internes et externes.

Les BRICS ont souligné à plusieurs reprises l’importance de réduire les inégalités et la pauvreté. Si l’on prend pour mesure l’indice de développement humain, la plupart des membres sont à la traîne de ceux des pays développés. Les BRICS ont un coefficient de Gini[2] de 0,49 contre 0,31 dans les pays développés, et l’espérance de vie y est de 68,1 ans, tandis qu’il est de 80 dans le secteur développé. De même, en termes de scolarisation, la durée moyenne chez les BRICS est de 8,14 années contre 13 dans les pays développés,

La moyenne pondérée des investissements en infrastructure chez les BRICS nécessitera environ 7 % du PIB du pays concerné, ce qui est beaucoup plus élevé que le pourcentage requis dans les pays développés. L’Inde aura besoin d’y investir 9,6 % de son PIB dans les cinq prochaines années.

Troisièmement, les BRICS visent à accroître l’utilisation des devises des cinq pays membres afin de promouvoir le commerce intra-BRICS et de faciliter un mécanisme dynamique permettant une plus grande coopération entre les places financières des cinq pays.

Quatrièmement, l’ordre du jour des BRICS comprend également des enjeux de politique mondiale, notamment de renoncer à utiliser la « menace de la force »dans les relations internationales, l’importance d’une approche multilatérale des problèmes mondiaux et la reconnaissance du G-20 comme la première institution en charge des questions économiques et financières.

Il vise à établir une feuille de route pour un monde multipolaire. Les BRICS aspirent à jouer un rôle de chef de file dans le paradigme de la gouvernance politique et économique mondiale et à une plus grande équité pour les pays en développement.

Il s’agit également d’intégrer le marché et de veiller à ce que les cinq membres deviennent moins dépendants de l’évolution cyclique de l’économie mondiale et des soubresauts de la valeur du dollar américain à cause des changements de politique monétaire. L’émergence des BRICS reflète le mouvement du tiers monde du XXIe siècle et l’émergence d’une solidarité Sud-Sud.

Le commerce Sud-Sud s’élève déjà à 2200 milliards de dollars, dépassant le commerce Nord-Sud. La NBD porte la promesse de devenir une source majeure de capitaux pour le monde en développement désireux de développer des infrastructures. L’Inde et le Brésil en particulier ont besoin d’améliorer à la fois leurs infrastructures physiques et sociales, ce qui nécessitera des milliards de dollars.

Les BRICS ont également l’intention d’intensifier leur coopération dans la lutte contre le terrorisme, la cyber-sécurité et le changement climatique.
Les BRICS abritent certains des territoires les plus précieux pour la biodiversité. Ils travailleront de façon préventive afin de protéger ces zones en promouvant le développement durable et préservant la base écologique dans chacun des pays membres. Ils entendent également coopérer en prévision de conflits migratoires potentiels résultant du changement climatique dans les zones exposées du littoral ou ailleurs.

Le Premier ministre indien a déclaré que les échanges entre les BRICS devraient dépasser les niveaux d’échanges entre leurs propres régions, villes et organismes locaux. Il a insisté sur le fait que les BRICS doivent être guidés par les contacts entre les peuples et que les jeunes devraient être au premier rang.

Gagnant en puissance, les BRICS deviendront un défi majeur pour cet ordre ancien, né dans l’après-guerre et qui doit être modifié en fonction des réalités du XXIe siècle et de l’exigence d’un monde multipolaire.

Les BRICS sont appelés à se développer et certains pays sont déjà en attente pour les rejoindre : la Turquie, l’Indonésie et le Mexique. D’autres pays plus petits pourront également demander leur adhésion au fur et à mesure que la voix des BRICS s’affirme.


[1] L’Inde est hélas obligée d’accorder des subventions indirectes à 80 millions de ses paysans pour la simple raison qu’ils ne disposent d’aucun compte en banque. Prévoir des réserves physiques de nourriture pour 1,2 milliards de personnes est donc une nécessité absolue. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’en méfie, du fait que cela pourrait provoquer des distorsions de prix au cas où l’Inde déciderait de vendre ses excédents sur les marchés. Le montant total des subventions s’élève désormais à près de 10 % de la valeur de la production alimentaire et dépasse la limite fixée par l’OMC. Puisque l’on doit calculer la valeur de la production alimentaire au prix de 1986 et que le taux d’inflation alimentaire en Inde est aujourd’hui élevé, celle-ci a refusé de signer le TFA.

[2] Le coefficient de Gini est une mesure statistique de la dispersion d’une distribution dans une population donnée, développée par le statisticien italien Corrado Gini.


Ali Rastbeen: Une vision de l’avenir de l’Eurasie

Ali Rastbeen

fondateur et président de l’Académie de Géopolitique de Paris, Paris, France

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Mesdames, Messieurs,

L’Eurasie est la plus grande entité territoriale du monde avec une importance géostratégique constante. Elle englobe les anciennes républiques de l’ex-Union Soviétique, les pays des Balkans, les anciens pays du bloc de l’Est situés en Europe centrale, de même que l’Iran, la Turquie, la Chine, l’Inde, le Pakistan et l’Afghanistan.

Le centre critique de l’Eurasie, foyer des crises, se situe principalement dans sa région centrale, c’est-à-dire en Bosnie, Herzégovine, Kossovo, Tchétchénie, Adjarie, Ossétie, Karabakh, Tadjikistan, Afghanistan et les régions peuplées de kurdes de la Turquie.

Les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Allemagne et le Japon sont des pays qui peuvent jouer un rôle important sur la scène politique d’Eurasie et modifier sa situation géopolitique. Outre leur impact économique, l’Allemagne et le Japon peuvent jouer un rôle plus important dans l’évolution des événements en Eurasie. Mais la plupart de leurs pays voisins s’opposeraient à leur suprématie dans cette région.

La Russie et la Chine sont les deux grandes puissances intervenant dans l’Eurasie. Grâce à leur position historique et aux conditions internationales, aucun acteur étranger ne peut, à lui seul, ébranler leur rôle historique dans la région.

Un des principaux objectifs poursuivis par les États-Unis consiste à empêcher l’unification de l’Eurasie sous le contrôle d’une puissance unique.

Ils craignent que si une seule puissance étendait sa mainmise sur les réserves eurasiatiques, l’équilibre des forces mondiales se modifierait au détriment de leurs intérêts.

En effet l’avenir stratégique des États-Unis en Eurasie dépend de deux facteurs :

D’abord, l’évolution de la participation des membres de l’alliance atlantique après la fin de la guerre froide.

Ensuite, les capacités de la Russie pour renforcer sa puissance et jouer le rôle principal dans cette région.

La fragilité de l’Eurasie est principalement due à des facteurs sécuritaires en Europe de l’Est, en Europe centrale, dans les Balkans et les ex-républiques soviétiques, ce qui tend à éterniser la rivalité entre les grandes puissances.

Après la désintégration de l’Union soviétique, la macro stratégie américaine résidait dans la canalisation des ex-républiques soviétiques, des pays du bloc de l’Est et de la Chine vers le système économique international.

Même après la fin de la guerre froide, l’Eurasie est restée la principale scène de rivalités entre les deux grandes puissances. Environ 75 % de la population mondiale y vivent et la majeure partie de la richesse planétaire se situe dans cette région. Environ 60 % du revenu mondial et presque trois quarts des réserves énergétiques connues appartiennent à l’Eurasie. Toutes les puissances nucléaires à l’exception d’une seule se trouvent également en Eurasie.

Pour l’État américain, le retour de la Russie sur la scène des rivalités géopolitiques en Eurasie, signifie le retour à la période de la guerre froide.

Les intérêts des États-Unis dans la nouvelle Eurasie se divisent en deux catégories :

A court terme, ils insistent sur la non-prolifération des armes de destruction massive qui mettraient en danger leur sécurité ainsi que celle de leurs alliés.

A long terme, ils tentent de faire obstacle à l’influence des grandes puissances rivales ou toute opposition aux valeurs et intérêts américains en Eurasie.

La Russie et la Chine sont les deux pays puissants ayant des frontières communes avec l’Asie centrale et le Caucase comme la capacité de mettre en péril les intérêts américains dans la région.

L’attrait stratégique de l’Asie centrale n’est pas un fait nouveau. La nouveauté concerne la diversité des stratégies dans ce domaine et les évolutions qui guettent cette région.

Dans le monde bipolaire né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le mur entre l’Est et l’Ouest, constituait la ligne stratégique séparant les deux blocs. Le partage de l’Allemagne, la naissance de la Chine communiste et l’obstacle de l’île de Formose, la guerre de Corée et l’apparition de deux Corées, la crise des guerres d’indépendance dans les colonies de l’Asie orientale et du Sud, les guerres du Vietnam et du Cambodge… et deux pactes, l’OTAN et Varsovie, se confrontaient.

Avant que l’Europe, l’Asie et les États-Unis soient visés par les armes nucléaires et la « guerre des étoiles », Moscou s’est déclarée vaincue, mettant ainsi un terme à soixante-dix ans de cauchemar des conservateurs occidentaux et marquant le début d’une nouvelle ère sur l’échiquier mondial.

Le vide créé, a progressivement été comblé par l’Occident. L’OTAN est restée en place alors que le pacte de Varsovie disparaissait. L’alliance des États de l’Europe de l’Est a été rapidement remplacée, sous les coups des anticommunistes locaux, soutenus par des régimes conservateurs qui se sont alliés à l’OTAN.

Ces événements se déroulaient au moment où la capitale du monde communiste était en proie à la crise de transition du système socialiste au système capitaliste. Le nouveau système a instauré sur un large territoire, sous le contrôle de l’Occident, la Fédération de la Russie et quatorze républiques indépendantes. À l’instar de Londres, en 1945, la Russie a créé un Commonwealth avec ces nouvelles républiques afin de préserver sa suprématie.

Plus de vingt ans après la chute dudit régime, la base de la marine russe dans la mer Noire se trouve sur le territoire ukrainien, tandis que le plus important pipeline conduisant le pétrole et le gaz russes vers l’Europe, traverse ce même territoire. La base spatiale de Baïkonour se situe au Kirghizistan.

Dans ces républiques où la domination du parti communiste durant soixante-dix ans n’avait pu bouleverser les fondements de la structure sociale, se sont succédé la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie avec pour objet le Haut Karabakh, la guerre civile en Ouzbékistan contre les fanatiques religieux, la guerre civile tribale et religieuse au Tadjikistan… les conflits internes de la Géorgie contre les indépendantistes de l’Ossétie du nord et d’Abkhazie, la guerre ethnique et religieuse de la Tchétchénie contre la République soutenue par Moscou, etc., auxquels il convient d’ajouter les conflits entre Moscou et certaines de ces républiques qui constituent les axes économiques et militaires de la Russie, comme la situation actuel de l’Ukraine.

Les républiques les plus proches qui, avant la désintégration de l’Union soviétique, étaient des centres industriels et les voies commerciales de la Russie avec l’Occident, sont devenues, avec le soutien de Washington, et grâce à des « révolutions de velours », des rivaux de la Russie. Progressivement, l’OTAN et l’Union européenne s’avancent vers ces territoires. La guerre en Afghanistan fut une opportunité pour Washington d’établir des relations militaires avec les républiques asiatiques en question.

Alors que les Etats-Unis faisaient une démonstration de force en Afghanistan et en Irak, Pékin et Moscou ont créé le « pacte de défense de Chang-Hai » avec la participation des républiques asiatiques de l’ancienne Union soviétique. Outre ce pacte stratégique de défense, Moscou s’est intéressé à créer un maillage autour de la mer Caspienne, étendant ses relations commerciales jusqu’au bassin du Golfe Persique.

Le Caucase a été, en permanence, sous le contrôle et l’influence de trois puissances régionales, la Russie, l’Iran et la Turquie. Même si durant ces dernières années les Etats-Unis et l’Europe ont également pénétré dans cette région, l’impact des trois premières puissances y reste plus important que l’influence des nouveaux arrivants.

Le poids de l’Eurasie est considérable dans le maintien de la sécurité internationale. Cette particularité a transformé cette région en un des foyers internationaux de rivalité entre les grandes puissances. Les intérêts palpables et matériels, les menaces et les inquiétudes communes, les valeurs culturelles communes, les antécédents historiques et la position géographique des pays de l’Eurasie ont conduit à l’établissement des rapports géopolitiques entre les pays de cette région, et probablement à des coopérations futures entre ces pays.

Sans aucun doute, compte tenu de ses capacités diverses, l’Eurasie constitue un des moteurs de l’économie mondiale et toute évolution dans cette région se répercutera sur l’ordre international.

De même l’Eurasie est en proie à de nombreuses difficultés telles que le terrorisme, l’extrémisme, le trafic des stupéfiants, l’arriération économique et politique, les tensions ethniques, frontalières et religieuses, les difficultés environnementales et les conflits politiques qui défient la stabilité et la sécurité de cette région et du globe.

Pour relever ces défis, une coopération croissante et une utilisation convenable des capacités et des ressources de cette région sont plus qu’indispensables.

Pour conclure, rappelons que le destin de six milliards d’êtres humains se trouve entre les mains de quelques puissances qui rivalisent de manière permanente en vue d’instaurer leur domination.

Pour réorganiser le monde, à l’abri de la volonté de domination des grandes puissances et des conflits ainsi générés, la charte des Nations unies reste, à ce jour, l’acquis le plus efficace du monde civilisé qui doit gérer la volonté des grandes puissances et des alliances.

 


Col. Alain Corvez (cr): Un monde contre la violence et l’extrémisme.

Colonel Alain Corvez (cr)

ancien conseiller du général commandant la Force des Nations unies déployée au Sud-Liban (FINUL), actuellement conseiller en stratégie internationale.

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Dans son discours à l’Assemblée Générale des Nations-Unies le 24 septembre 2013, le président iranien nouvellement élu Hassan Rouhani a dit des choses essentielles pour améliorer les relations entre les nations du monde. Invitant à instaurer la modération dans les revendications des états, il a suggéré de supprimer « l’option militaire est sur la table » et d’adopter l’attitude « la paix est toujours possible », proposant enfin la formule : « Le monde contre la violence et l’extrémisme ».

Le monde, a-t-il dit n’est plus le résultat d’un équilibre entre deux blocs, ni dominé par une seule puissance mais désormais multipolarisé et tous les états dont la base du pouvoir est dépendante des urnes ont droit au même respect de leurs particularismes et de leurs intérêts légitimes. Aucune culture n’est supérieure aux autres et ne doit chercher à s’imposer.

Ce programme frappé au coin du bon sens ne semble pas être appliqué puisque des conflits incessants éclatent partout, notamment au Moyen-Orient, provoquant des drames horribles perpétrés par des fanatiques, attisés par les puissances majeures qui cherchent à atteindre ainsi des objectifs stratégiques en entretenant des crises régionales puisque l’arme nucléaire empêche les affrontements directs.

Ainsi en est-il des combats menés par l’Etat Islamique (EI) contre lequel les Etats-Unis ont constitué une coalition internationale, alors qu’on sait bien qu’ils sont, avec leurs alliés arabes et turcs, les responsables de la création de cette engeance de terrorisme islamique.

Si des frappes aériennes sont utiles pour vaincre l’EI, tous les experts militaires savent bien que seules des troupes au sol seront en mesure d’éradiquer ces extrémistes, bien armés et entraînés grâce aux multiples complicités dont ils ont bénéficié, en particulier des services occidentaux, troupes qui ne peuvent être que celles des pays sur le territoire desquels ils exercent leurs méfaits et qu’il est urgent de soutenir dans cette lutte. La créature ayant échappé à son créateur, la coalition annonce que tel est son but, acceptons-en l’augure, mais comme l’a dit le Président Bachar el Assad lors d’une rencontre avec un haut responsable iranien : ce ne sont pas les états qui ont créé le terrorisme qui peuvent le mieux lutter contre lui. On a noté les réticences de la Turquie à rejoindre la coalition puisqu’elle tire profit des conquêtes de l’EI contre les Kurdes.

Les alliances conjoncturelles dont a bénéficié l’EI, avec les baasistes et les anciens militaires de Saddam qui sont entrés en résistance lors de l’invasion américaine de 2003, avec les tribus sunnites mécontentes de leur sort dans l’Irak de Maliki, se déferont dès lors que les intérêts de toutes les composantes de la société irakienne seront reconnus par le gouvernement. Il semble que le nouveau Premier Ministre Haïdar al Abadi s’efforce de constituer un consensus national dans ce but, envisageant d’attribuer des postes de responsabilité à certains baasistes et aux différentes minorités qui composent la mosaïque irakienne. Car, comme l’avait dit le Président Poutine dans une réunion internationale à Munich en 2007, la démocratie ne consiste pas à la négation des revendications légitimes de minorités, mais au contraire à leur prise en compte par une majorité éclairée.

Mais l’Irak et la Syrie, une fois débarrassés de cette plaie, espérons-le, que deviendront tous ces combattants perdus enrôlés à grands renforts de propagande et de dollars ? : Ils essaimeront vers des pays où ils pourront chercher à poursuivre leur œuvre de mort : pour certains les pays d’Asie Centrale comme l’Afghanistan et d’autres retourneront dans leurs pays d’origine pour y commettre des attentats, comme les milliers d’entre eux venus des pays européens. A cet égard , la Syrie qui subit depuis plus de trois ans et demi les assauts de ces hordes barbares doit aussi être aidée dans sa lutte et, au lieu de prôner l’absurde soutien à des « islamistes modérés » qui n’existent pas sur le terrain et qu’on essaie de former dans des camps en Jordanie ou ailleurs, nous devons reconnaître que sa connaissance de la mouvance islamiste nous est indispensable et qu’une franche coopération pour lutter contre elle doit enfin être renouée. Il faut cesser de parler de dictature en faisant l’amalgame, toujours porteur de mensonges, avec le régime précédent qui avait l’immense avantage de barrer la route aux islamistes et avec lequel tous les états parlaient. La nouvelle Constitution votée au cœur de la crise en 2012 par les Syriens est totalement démocratique, préservant les libertés fondamentales, et le gouvernement, en même temps qu’il combat les fanatiques djihadistes, s’efforce de réconcilier toutes les tendances modérées de la nation, avec succès puisque de nombreux opposants soutiennent désormais le gouvernement légal, conscients qu’il est le seul rempart contre les terroristes. D’ailleurs, s’allier à des pays aux mœurs politiques et religieuses rétrogrades comme l’Arabie Séoudite et le Qatar, où les urnes n’existent pas, pour prôner la démocratie à travers le monde est un autre des paradoxes de notre époque qui s’apparente à l’absurde.

Il faut donc suivre les préceptes de sagesse indiqués par le Président Rouhani à l’ONU pour bâtir un monde plus raisonnable dans lequel les puissances régleront leurs conflits d’intérêts par le dialogue et la modération des exigences, plutôt que par la guerre. C’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu car les hommes ont désormais une puissance qui leur permet de faire exploser notre planète par un coup de folie. La dissuasion a fonctionné jusqu’à maintenant, nous préservant d’un cataclysme, l’équilibre de la terreur retenant jusqu’ici celui qui aurait eu envie de détruire son ennemi en lançant une salve nucléaire parce qu’il savait qu’il serait anéanti au même moment par la représaille automatique, mais on sent bien que certains bellicistes veulent nous persuader que les Etats-Unis possèdent un bouclier anti-missile qui les protège de frappes nucléaires en retour, rendant leur suprématie militaire à nouveau totale et annihilant le concept de dissuasion. Ceci est évidemment faux puisqu’aucun bouclier ou « dôme de fer » n’est entièrement étanche et ne le sera pas à moyenne échéance.

Les peuples du monde, quelles que soient leurs richesses économiques ou culturelles doivent être égaux en droit. Aucune culture ne peut s’attribuer la prééminence et se croire le phare du monde. La liberté dont la statue éclaire le monde à l’entrée de la baie d’Hudson est l’apanage de toutes les nations, sans que l’une d’entre elles puisse se prévaloir à cet égard d’une supériorité quelconque, même si elle possède momentanément une supériorité économique et militaire sur les autres.

La France ferait bien de se souvenir de son héritage intellectuel des « Lumières », et du niveau de prestige mondial où la politique du Général de Gaulle l’avait portée en refusant l’alignement sur aucun bloc,- à une époque où il était bien plus difficile que maintenant de sortir de l’OTAN -, défendant le droit des peuples à décider eux-mêmes de leurs destins, prônant l’entente entre toutes les nations du globe qui l’acclamaient lors de ses nombreux tours du monde, car il connaissait les différentes cultures et proposait partout, en Asie, en Afrique, en Amérique Latine de respecter les hommes avec leurs différences. C’est ce qui le guidait aussi dans sa volonté de construire une Europe de nations gardant leurs particularismes et leur souverainetés qui devait, à ses yeux, s’ouvrir à une grande coopération avec la Russie et au-delà. Pour nous Français, qui possédons la deuxième Zone Economique Exclusive (ZEE) mondiale grâce à nos territoires ultra-marins répartis sur les cinq continents, tout doit nous pousser à avoir une politique de citoyens du monde en entretenant avec toutes les nations des rapports de respect, de confiance et de coopération.

Je laisserai la conclusion finale de mon exposé au Général de Gaulle qui, s’adressant aux universitaires mexicains lors de son voyage au Mexique en mars 1964, leur délivra ce message philosophique et politique, d’une frappante actualité cinquante ans après, démontrant une fois encore l’immense visionnaire qu’il était :

« En effet, par-dessus les distances qui se rétrécissent, les idéologies qui s’atténuent, les politiques qui s’essoufflent, et à moins que l’humanité s’anéantisse elle-même un jour dans de monstrueuses destructions, le fait qui dominera le futur c’est l’unité de notre univers ; une cause, celle de l’homme ; une nécessité, celle du progrès mondial, et, par conséquent, de l’aide à tous les pays qui le souhaitent pour leur développement ; un devoir, celui de la paix, sont, pour notre espèce, les conditions mêmes de sa vie. »


Zepp-LaRouche – Resolution: Passons à l’âge adulte de l’humanité !

Zepp-LaRouche

Lecture par Helga Zepp-LaRouche de la Résolution adoptée par acclamation lors de la conférence – Passons à l’âge adulte de l’humanité!


 


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