Helga Zepp-LaRouche
présidente de l’Institut Schiller international
Lors de ses multiples voyages en Chine, elle s’est inlassablement battue pour le concept de “Nouvelle Route de la soie” comme moyen privilégié de créer une dynamique de paix et de progrès autour d’un dessein commun pour l’humanité. C’est en grande partie sur ce concept que repose aujourd’hui la politique gagnant-gagant mise en place par le président Xi-Jinping. Mme Zepp-LaRouche est connue en Chine comme la “Dame de la Route de la soie”.
Je voudrais commencer par parler du XIXe congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui vient de se dérouler, et surtout de la perspective présentée par le President Xi Jinping pour les 35 prochaines années.
J’ai eu la chance de m’être rendue en Chine en 1971 pour la première fois, au moment de la révolution culturelle, et donc je peux dire que j’ai pu voir personnellement et de première main le changement incroyable qu’a représenté le miracle chinois.
Depuis les réformes de Deng Xiao Ping il y a plus de 40 ans on peut dire que la Chine a réalisé la plus grande transformation économique de tous les pays de la planète.
La Chine, en trente ans, a sorti 700 millions de personnes de l’extrême pauvreté, une classe moyenne a émergé, qui s’en sort aujourd’hui très bien, et comme l’a annoncé Xi Jinping, elle espère éliminer totalement l’extrême pauvreté d’ici 2020, c’est à dire dans trois ans. Il ne reste actuellement en Chine que 42 millions de personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté.
Xi Jinping a commencé son discours en revenant sur le travail accompli pendant les cinq premières années de son mandat en tant que secrétaire général du Parti communiste chinois, et en particulier de toute la politique de développement qui a été menée à l’intérieur et à l’ouest du pays. Il faut savoir que c’est un travail particulièrement difficile car il s’agit, en grande partie, de régions désertiques. Mais ce défi a été relevé.
Un an après son élection à la tête de la Chine, Xi Jinping a lancé le projet de la Nouvelle Route de la soie, connu sous le nom « Une ceinture, une route », depuis le Kazakhstan en 2013. Rien qu’en quatre ans, les développements qui ont été réalisés depuis sont impressionnants et aujourd’hui ce sont plus de 70 pays dans le monde qui collaborent autour de ce projet avec la Chine.
Xi Jinping a annoncé que d’ici 2020, la Chine deviendrait un pays modérément prospère ; d’ici 2035, elle devrait être totalement modernisée et d’ici 2050 elle doit devenir un pays fort, démocratique, culturellement avancé, une nation harmonieuse et belle.
Le développement actuel de la Chine, a-t-il dit, est une suite de miracles, et elle compte faire appel à ses 5000 ans d’histoire, pendant lesquels elle a contribué par de nombreuses découvertes au progrès de l’humanité. La Chine, selon Xi Jinping, continuera à se forger un esprit scientifique, d’innovation et d’excellence pour l’avenir.
Il a répété pas moins de 14 fois, au cours de son discours, que le but de sa politique était que les gens aient une vie meilleure et plus heureuse. Je n’ai pas entendu ce type de discours chez les politiciens occidentaux depuis très longtemps ! Même si on peut rappeler que dans la Constitution américaine la notion de poursuite du bonheur est inscrite comme un droit inaliénable de l’homme, on ne peut pas dire aujourd’hui que le droit au bonheur soit un sujet dans les débats politiques chez nous.
Ce que la Chine a fait, c’est prendre le miracle économique chinois et l’offrir, à travers le projet « Une Ceinture, une Route », à tous les pays qui y participent. Cette politique a déjà transformé de nombreux pays, en Asie, en Afrique, en Amérique Latine, ainsi qu’en Europe du Sud et de l’Est. Lors du Congrès du PCC, de nombreux dirigeants étrangers ont déclaré s’inspirer du miracle chinois pour leur propre développement économique.
Alors que ceci se produit là-bas, nous avons eu le droit ces jours-ci, à un véritable barrage d’articles dans les médias occidentaux – Bloomberg, Time Magazine, le Wall Street Journal etc – pour dénoncer la Chine, l’accusant de vouloir contrôler le monde, de remplacer l’impérialisme anglo-américain par un impérialisme chinois, de vouloir s’accaparer les matières premières. Des articles comparant Xi Jinping à Staline, à Mao Zedong…
Comment se fait-il alors que les 70 pays qui collaborent aujourd’hui à ce projet avec la Chine se disent quand on les interroge tous extrêmement heureux de ce que cela leur rapporte ? C’est flagrant de voir la perception totalement différente qu’on peut avoir ici en Occident. C’est ce que j’appelle le clash entre l’ancien paradigme et le nouveau. Parce que ce que la Chine propose à ces pays est un partenariat gagnant-gagnant. Évidemment elle a ses intérêts dans ces projets, mais ce n’est pas détaché des intérêts des pays avec lesquels elle travaille et c’est une politique de bénéfices et de développement mutuels qu’elle met en place.
Si on revient un petit peu en arrière au moment où l’Union soviétique s’est effondrée, les néo-conservateurs qui étaient au pouvoir aux États-Unis ont développé le concept d’un « Projet pour un Nouveau Siècle Américain » (PNAC). C’était la mise en place d’un monde unipolaire, dominé par les Anglo-américains.
Lorsque le mur de Berlin est tombé, l’organisation animée par mon époux, Lyndon LaRouche, proposa qu’à partir du triangle productif européen – Paris, Berlin, Vienne – soit lancée une politique de modernisation des anciens pays du Comecon, à l’aide des technologies occidentales via des corridors de développement allant vers l’Europe de l’Est et la Russie.
En 1991, après la chute du mur de Berlin, nous avions fait la proposition du « Pont terrestre eurasiatique », dans l’idée de connecter les centres de population et de production industrielle européens avec ceux de l’Asie, via des corridors de développement industriel. Déjà en 1991 nous avions appelé cela le « Pont terrestre eurasiatique » ou la « Nouvelle Route de la soie ».
Nous avons mené campagne pour cela depuis 26 ans ! Mais si on revient à 1991, c’est clair que ce projet n’était pas dans l’intérêt de l’administration de Bush-père, ni de Thatcher pour qui la réunification de l’Allemagne constituait la menace d’un IVe Reich ou encore de François Mitterrand qui était aussi opposé à la réunification de l’Allemagne. Il y avait donc de nombreux obstacles géopolitiques qui ont bloqué la réalisation de ces projets à cette époque.
Pour des raisons de temps je ne peux pas entrer dans les détails, mais les forces favorables à un monde unipolaire ont poursuivi leurs politiques : changement de régime contre tout gouvernement qui pourrait s’y opposer, révolutions de couleurs… ils ont inventé des concepts comme le « Droit de protéger » pour, sous prétexte de lutter pour les droits de l’homme et pour la démocratie, mener des guerres qui nous ont donné la crise du Moyen-Orient et des refugiés aujourd’hui.
Cette politique stratégique militaire a été accompagnée d’une politique de non développement mise en place par des institutions comme le FMI vis à vis des pays du tiers monde, ou chez nous la troïka avec les politiques d’austérité brutales qui ont été imposées à la Grèce, à l’Italie, au Portugal ou encore à l’Espagne. Tout ceci a conduite à la révolte contre ce système que nous constatons depuis presque deux ans.
Cette révolte s’est exprimé dans le BREXIT, dans la victoire de Trump aux États-Unis et la défaite de Hillary Clinton, dans le « non » en Italie contre le referendum pour le changement de la Constitution, et dans les développements récents tels que la victoire de Kurz en Autriche, ou de Babige en République tchèque, ou encore la révolte de la Catalogne. Il s’agit là d’une révolte générale en cours.
A cela s’ajoute une nouvelle crise financière qui sera beaucoup plus grave que celle de 2008. La politique d’assouplissement quantitatif qui a été mis en place par les banques centrales, avec une politique de taux d’intérêts négatifs, s’est traduite par un accroissement massif des liquidités dans le monde, et donc des dettes des sociétés financières, des sociétés non financières, des entreprises, la bulle des prêts automobile et des prêts étudiants et ainsi de suite. Tout cela contribue au fait que cette crise aujourd’hui sera bien plus grave que celle que nous avons connue en 2008.
La Chine est tout à fait consciente des réactions des médias occidentaux à son encontre. C’est drôle de voir le changement de ton qui a été opéré par les officiels chinois dans la presse ces derniers temps. Aujourd’hui, leur ton exprime une nouvelle confiance en eux et est légèrement moins diplomatique que celui dont ils ont l’habitude, en disant que leur modèle est plus fort, plus robuste que le modèle occidental. Ils parlent même des erreurs des Occidentaux dans leur conception vis-à-vis de ce que représente la Chine aujourd’hui. Les Occidentaux ne comprennent pas la vraie nature du développement actuel de la Chine ; ils ne veulent pas que la Chine réussisse et prévoient même qu’elle échouera. Un article dit que pour les Occidentaux, plus la Chine se rapproche d’eux, plus elle est sur la bonne voie, plus elle s’éloigne, plus c’est dangereux. Pour eux, la Chine devrait consolider les intérêts de l’Occident, sinon, si elle défie l’ordre mondial, son développement est négatif. Elle ne devrait pas, disent-ils, défier les valeurs universelles, mais quand ils parlent de valeurs universelles, ils entendent, en réalité, les intérêts occidentaux.
Dans plusieurs articles les Chinois disent « regardez le chaos en Occident. L’influence des médias occidentaux se réduit et la Chine ne devrait plus tenir compte des préjugés occidentaux ». Je parle de ces questions car ma conviction profonde est que la dynamique de la Nouvelle route de la soie est inarrêtable, parce que c’est un modèle de coopération internationale bien plus attractif et il finira par être mis sur la table partout en Europe.
Je crois ce sera dans l’intérêt des nations européennes de coopérer avec la Chine et la Russie autour du développement de l’Afrique. C’est la seule façon humaine de remédier à la crise des refugiés. La Chine a offert une coopération gagnant/gagnant à Mme Merkel, à M. Gentiloni en Italie, à Jean Pierre Raffarin, qui était présent au Sommet de Beijing en mai dernier. Donc l’offre est sur la table.
La même chose vaut pour la reconstruction des pays dévastés par la Guerre au Moyen Orient où dans le cas de la Syrie, il y a déjà une coopération tripartite qui se met en place, où la Chine fournirait les infrastructures, la Russie, l’énergie, et l’Iran, les parcs industriels. D’autres pays ont été invités aussi à coopérer pour reconstruire la Syrie et la même chose est vrai pour ce qui est de l’Irak, l’Afghanistan, le Yémen et d’autres pays de la région.
Et contrairement à tout ce qu’on entend dans les médias mainstream occidentaux, la possibilité qu’il se dessine une bonne entente entre Donald Trump et Xi Jinping lors de la prochaine tournée de Trump en Asie (Chine, Vietnam, Philippines, Corée du Sud et Japon) sont très bonnes.
Le Russiagate engagé contre le président Trump, cette l’idée d’une collusion entre la Russie de Poutine et l’équipe Trump pour faire élire celui-ci à la présidence des États-Unis, est une fraude sans aucun fondement ; il n’y a aucune preuve. Il a été entièrement monté par les services secrets du Royaume-Uni en collaboration avec l’administration Obama afin d’empêcher Trump d’établir de bonnes relations avec la Russie et la Chine.
Les États-Unis sont dans une crise économique profonde, il y a un effondrement sans précédent de ses infrastructures, conséquence du non investissement depuis une bonne centaine d’années ! Un exemple : aujourd’hui les États-Unis n’ont que 150 km de chemins de fer rapides, une seule ligne entre New York et Boston, à comparer aux plus de 20 000 km que la Chine a développés de son côté. Et il y a actuellement des discussions en cours, pour que la Chine et le Japon investissent dans les infrastructures américaines, un sujet qui pourrait être traité au cours de cette tournée de Trump en Asie.
Suite à tout cela, il y a déjà beaucoup de réalignements stratégiques en cours. Le plus évident est le cas du Japon qui opère depuis un certain temps un rapprochement vers la Russie. Ensemble ils sont en train de développer les iles Kouriles, et, étant donné la très bonne entente entre Xi Jinping et Poutine, la relation entre le Japon et la Chine s’améliore.
Je conclurai en disant que du point de vue de l’histoire universelle, l’espèce humaine a atteint un point où, soit on va vers un nouveau paradigme d’autogouvernement et de relations entre les nations, et cessons de penser qu’à l’âge des armes thermonucléaires, la guerre peut encore être un moyen de régler des conflits, ou bien nous courrons le risque de nous éliminer en tant qu’espèce.
Nous devons réfléchir à un nouveau paradigme de coopération et celui-ci est déjà sur la table. Le type de discussion politique qu’on a en Europe doit prendre une forme totalement nouvelle.